Renaissance
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En associant la théologie et la poétique, la tradition de Denys l'Aréopagite réfléchit à la nécessité et à l'impossibilité de nommer Dieu. Aux yeux des lecteurs de Denys, particulièrement nombreux parmi les humanistes français, les fictions du discours humain apparaissent comme des "signes dissimilaires", d'autant plus efficaces à servir la quête de la transcendance qu'ils sont monstrueux et ignobles. Les "signes dissimilaires" cristallisent le rêve de la Vérité absolue confronté à la conscience critique des réalités propres à la fiction littéraire, confrontation que la présente étude examine dans la poétique de Marguerite de Navarre, Clément Marot, Ronsard, Guy le Fèvre de la Boderie et Jean Demons. Il importe ici de dessiner l'évolution que subit le principe des "signes dissimilaires" au cours du siècle: l'abandon progressif des ambitions métaphysiques conjugué au sentiment de plus en plus aigu des limites de la littérature. Les orientations diverses que les poètes particuliers imposent à la quête des noms divins transforment peu à peu d'exégèse mystique en rhétorique, d'abord inquiète et prudente, ensuite allègrement destructrice.
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Le Mistere de l’Institucion de l’Ordre des Freres Prescheurs est passé jusqu’ici presque inaperçu, n’ayant jamais connu d’édition critique. Le texte nous a été transmis dans une version imprimée à Paris par Jean Trepperel vers 1511 ou 1512; nous n’en connaissons qu’un seul exemplaire, conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris (Réserve YF 1611). L’introduction retrace très soigneusement l’histoire dominicaine du XVe et du début du XVIe siècle, dont la grande querelle entre observants et conventuels, et arrive à la conclusion que l’auteur anonyme doit être observant et partisan de la Congrégation gallicane en voie de préparation, ce qui explique l’importance donnée au bienheureux Réginald dans «l’institution» de l’Ordre lui-même, à côté de saint Dominique, le fondateur, comme un rappel des origines françaises de l’ordre dominicain, et donc de la légitimité d’une Congrégation spécifiquement gallicane, au sens géographique du terme. En sus dune édition annotée de qualité, la structure, la forme, la métrique du Mistere de l’Institucion, et encore l’histoire de l’ordre dominicain, la piété mise en œuvre, l’utilisation de l’allégorie (et son rapport à la mimésis) sont analysées avec intelligence et compétence.
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L’Hecatongraphie est un recueil d’emblèmes qui incarne pleinement la Renaissance française. Son auteur, Gilles Corrozet, non seulement homme de lettres, mais aussi libraire, cherche à instruire, moraliser et même vulgariser une érudition typique de son époque. Après les livres d’emblèmes d’Alciat et de Guillaume de La Perrière, l’Hecatongraphie (1540) n’est que la troisième manifestation d’un genre en pleine évolution. Le texte présenté en facsimilé est celui de la quatrième ©dition procurée par Denis Janot (1544). Chef-d’œuvre de l’impression parisienne, cette édition comporte d’importantes révisions textuelles, qui permettent d’analyser la motivation et les perspectives morales de Corrozet. Sa deuxième œuvre mblématique, les Emblemes du Tableau de Cebes se trouve reproduite ici pour la première fois dans une édition moderne. L’édition est accompagnée de notes abondantes, donnant sources, variantes et commentaires, ainsi que de tables des motifs et des notions.
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L'auteur tente une vision globale de la société espagnole, sous l'angle littéraire, esthétique, psychologique, sociologique, philosophique et théologique. Il s'agit de définir, d'une part, l'exceptionalité espagnole, d'autre part, l'importance des dissidences, orthodoxes et hétérodoxes, et, ce faisant, l'évolution de l'individualisme espagnol (de triple source, juive, musulmane et chrétienne). Dans une ultime partie, les analyses débordent du champ de la Renaissance et du Siècle d'or pour s'arrêter au cas particulier des Lumières en Espagne, puis au problème du romantisme tardif.
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“Historien autant que littéraire, Gilbert Gadoffre savait mieux que personne que l’historien ne s’absente pas de la modernité, qu’il se contente de se mettre en retrait... C’est à cette sorte de dialogue complexe du présent et du passé que son dernier livre fera assister ceux qui savent quelles préoccupations ont animé l’action et la pensée de l’auteur... La recherche d’un humanisme pour notre temps ne peut que gagner à une réflexion sur la révolution culturelle que connut la France de François Ier, révolution qui visa à mettre la France au diapason des autres puissances européennes. Guillaume Budé est la figure de proue de cette révolution culturelle. L’étude de Gilbert Gadoffre ne cesse de le rencontrer sur son chemin; souvent même, il est au premier plan, saisi à la fois dans son ambition de faire école, de convertir à ses vues les hommes de pouvoir, et dans sa volonté non moins affirmée de poursuivre sa route, son refus de devenir un homme d’appareil, sa réticence à laisser la vie publique, pourtant nécessaire, supplanter le non moins nécessaire retour à soi. Comment ne pas reconnaître dans ce portrait l’auteur lui-même, convaincu que les meilleures idées s’étiolent si elles repoussent l’épreuve de l’institutionnalisation mais qu’aussi bien celle-ci risque à tout instant de les user en les fixant?... Si la Renaissance a réinventé l'histoire, et l’art d’écrire l'histoire, ce livre, qui est aussi une réflexion sur l’histoire, ne pouvait mieux choisir son objet” (de la préface de Jean Céard).
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Publié en 1605, presque vingt ans après la mort de la religieuse de Poissy, voici l'un des textes les plus surprenants (et des moins connus) d'un siècle où la poésie n'a quasiment rien produit de médiocre. De la méditation à l'exhortation, de l'exposition doctrinale à l'exégèse allégorique, l'inspiration de la poétesse, qui s'inscrit dans une tradition irénique déjà fortement implantée en terre de France, marque chaque poème de son empreinte. Réussite majeure de la poésie française dans la seconde moitié du XVIe siècle, ce recueil n'a, jusqu'à ce jour, enrichi que quelques rares anthologies. Gary Ferguson nous en propose une édition critique exemplaire, où l'érudition la plus sûre est mise au service d'une sensibilité sans défaut.faut.
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Dans le dernier tiers du XVe siècle, deux bourgeois de Francfort-sur-le-Main, Bernhard Rohrbach (1446-1482), conseiller et bourgmestre de la ville, et son fils Jacob (1469-1502), chanoine de la collégiale où le roi des Romains est élu, rédigent une chronique familiale qui se fait en même temps chronique urbaine et parfois impériale. Dans leurs trois livres, une "Généalogie", un "Récit des hauts faits" et un "Journal", trois genres littéraires et historiographiques bien maîtrisés, ces représentants cultivés du patriciat d'une des villes d'Empire les plus actives et importantes de la fin du Moyen Âge décrivent leur ascension en même temps qu'ils relatent la promotion de leur cité. Ce portrait, brossé de l'intérieur sur deux générations, qui entrelace mémoire du groupe et de la cité, autorise une plongée dans l'histoire sociale, politique, économique et culturelle d'une élite saisie en sa demeure. Derrière le récit des plaisirs et des jours se dévoilent alors les patientes et dures stratégies patrimoniales et matrimoniales de ces petits princes bourgeois.
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Formé comme helléniste en Allemagne, devenu médecin en Italie, ami intime d'Erasme, de Mélanchthon, de Bucer, de Camerarius, de Calvin, et de nombreux autres personnages importants, Johannes Sinapius n'est de loin pas un inconnu. Cette biographie intellectuelle retrace son existence depuis sa naissance à Schweinfurt, ses études à Erfurt, Leipzig et Wittenberg, jusqu'à Heidelberg où il succéda à Simon Grynaeus comme professeur de grec. Déçu par l'ambiance intellectuelle qui régnait alors dans la ville universitaire, il quitta l'Allemagne pour étudier la médecine auprès de Giovanni Manardi en Italie. Bientôt médecin personnel de la duchesse de Ferrare, Renée de France, il noua à Ferrare des amitiés durables avec un groupe cosmopolite de poètes et d'exilés religieux. Il revint pourtant en Allemagne, et devint le médecin personnel des princes-évêques de Würzburg. En appendice on trouve le texte intégral de la correspondance de Sinapius ainsi que celui de sa production littéraire, comprenant notamment deux allocutions prononcées à l'Université de Heidelberg, sa traduction latine d'un dialogue de Lucien, et son récit de l'histoire de sa ville natale.