En conclusion des considérations théoriques dans Poétique de l’ironie (Paris, Seuil, 2001), Pierre Schoentjes définissait celle-ci comme « un mode indirect et dissimulateur qui joue sur l’écart entre des sens en opposition ». Dans cette nouvelle étude l’auteur tâche de faire parler d’abord les textes.
Il aborde Jules Janin et Jules Verne, romanciers moins visibles du XIXe, à côté des ténors Balzac ou Huysmans, qui sont rarement abordés sous l’angle de l’ironie. De même Gide, Camus et Vercors pour le XXe siècle, où l’ironie est devenue quasi-synonyme de littérarité. Parmi les figures à l’ironie essentielle, il s’arrête à Cohen et Echenoz, mais aussi à l’Ivoirien Kourouma et au Belge Toussaint.
La troisième partie s’arrête à des moments forts de l’ironie entre 1880 et la fin la Première Guerre mondiale : ses rapports avec l’anarchisme, sa valeur éthique telle qu’elle transparaît dans les polémiques autour de 1900, son Point que lança Alcanter de Brahm, et son apport à quelques œuvres de la Grande Guerre. Les réflexions réunies dans la dernière section dépassent le cadre strict de la littérature ; elles s’attachent à des considérations éthiques, abordent la question de la photographie et celle de la place de l’ironie dans la société de consommation.
En ce début de XXIe siècle, alors qu’une nouvelle génération semble tentée de mettre en cause le phénomène qui a joué un rôle central dans l’univers intellectuel de la fin du XXe, il y plus que jamais lieu de s’interroger sur la place et l’avenir de l’ironie en littérature. Les enjeux dépassent en effet largement le domaine artistique pour toucher la conception même de la vie sociale.