Cette enquête sur les Etats provinciaux rompt avec l’historiographie traditionnelle et réévalue l’idée selon laquelle ils n’auraient plus constitué au XVIIIe siècle que des bras morts de l’administration française. C’est bien au contraire à cette époque que Marie-Laure Legay discerne un développement inédit des attributions des Etats provinciaux. Le paradoxe que constitue l’existence d’assemblées politiques revivifiées dans une monarchie de plus en plus centralisée se vérifie pour les provinces septentrionales (Artois, Cambrésis, Flandre wallonne), objet principal de la thèse, mais également pour l’ensemble du royaume (Béarn, Bourgogne, Bretagne, Languedoc…). Leur regain d’activité fut favorisé par l’évolution des relations des Etats provinciaux avec l’Etat royal : par nécessité, la monarchie en vint à nouer avec leurs oligarchies un contrat tacite d’attribution exclusive du pouvoir provincial, reléguant l’intendant dans un rôle mineur, en échange une application des directives centrales dans le pays. De leur côté, les Etats provinciaux abandonnèrent leur rôle traditionnel de protecteurs des libertés provinciales, pour devenir de redoutables administrateurs, renforçant les mesures de cont tintes fiscales et juridictionnelles sur les habitants. L’auteur montre en outre que cette évolution fut orchestrée conjointement par les députés provinciaux et les bureaux ministériels qui entretenaient d’étroites relations, notamment grâce à la représentation permanente de certains Etats à Paris. C’est seulement à la fin de l’Ancien Régime que fut vivement dénoncée l’émergence de la puissance " co-active " des Etats, indice de la profonde mutation qu’avait alors subi leur rôle.