C’est à la respécification de l’objet juridique, dans la dimension morale de son déploiement, que cet ouvrage s’attache. Son but est d’observer, en contexte, les pratiques d’une grande variété de gens impliqués dans ou confrontés à l’institution de la justice. Plus particulièrement, son objectif est d’étudier et de décrire, de manière empiriquement documentée et détaillée, comment se produit et se manifeste la dimension nécessairement morale de l’activité judiciaire et comment cette dernière modalise le traitement d’affaires touchant à la morale.
Le contexte de cette étude est spécifique : il s’agit de l’enceinte de parquets et tribunaux égyptiens et d’affaires qui y ont été traitées au tournant du xxie siècle. Mais son ambition va bien au-delà de la présentation d’un système juridique particulier, il ouvre à une sociologie du droit en contexte et en action – ce qu’on pourrait appeler la praxéologie du droit.
Après avoir posé le cadre analytique de sa démarche, l’ouvrage – nourri de très nombreux extraits d’affaires – procède en quatre temps. Il s’agit d’abord de fonder l’approche praxéologique des relations qu’entretiennent droit et morale, en partant du traitement classique de cette question, en introduisant l’idée d’une structuration morale de la cognition ordinaire et judiciaire et en s’arrêtant aux apports de la démarche ethnométhodologique. C’est ensuite à l’activité judiciaire et à l’organisation morale de son exercice que le livre s’intéresse. À cette fin, la question du contexte de l’activité judiciaire et les notions de contrainte procédurale et de pertinence juridique sont développées. Puis il déroule une grammaire pratique de quelques grands concepts du droit, tels la personne, la cause ou l’intention. Enfin, il analyse de manière détaillée une affaire qui mit en cause une cinquantaine d’hommes pour leur homosexualité présumée. Sont ici décortiqués les langages de la d©cision de justice et de l’interrogatoire du Parquet, ainsi que les différents jeux de catégorisation qui traversent ces activités. En conclusion, l’ouvrage revient sur les relations entre droit et morale à la lumière de la démarche praxéologiue qu’il a déployée.