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Animé par « le désir de pourfendre les deux grands ennemis de Rome : l’orthodoxie et le gallicanisme » autant que résolu à discréditer le rationalisme des Lumières, Joseph de Maistre soutint à la fin de sa vie, avec Du Pape, une fervente légitimation de l’institution catholique romaine. Par désaveu du renversement de l’ordre établi conséquemment à la Révolution française, il conçut un système politique et religieux singulier, voire éloigné de la doctrine romaine, qui nonobstant célébrait une histoire providentialiste, défendait l’idéal théocratique et affirmait l’infaillibilité pontificale.
Introduisant l’édition critique qu’ils en donnaient en 1966 et que nous rééditons aujourd’hui, Jacques Lovie et Joannès Chetail ont fait l’histoire de l’écriture et de la première réception de Du Pape. L’ouvrage, à l’évidence mal reçu par le clergé gallican, mais également par le Saint-Siège – lesquels s’émurent qu’un laïc sans formation théologique traitât d’un sujet d’Eglise –, connut une postérité remarquable hors des cercles cléricaux. C’est que, par ce discours boute-feu prônant invariablement l’autorité de la parole vivante du pape contre celle des hommes et des souverainetés politiques, Joseph de Maistre s’exposait aux accusations d’absolutisme et de dogmatisme qui lui valent encore aujourd’hui une réputation contestée, mais procurait aussi un texte fondateur pour la philosophie politique et l’histoire des institutions. Sainte-Beuve dans ses Portraits littéraires fut pénétrant, qui avisait : « Tout en le combattant, on l’abordera, on le suivra ».