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Le journal d’écrivain parle du monde, et c’est bien souvent avec les mots des autres qu’il le fait, signalant en lui la présence explicite d’un déjà dit qu’il circonscrit. Situation paradoxale que celle d’une énonciation qui souligne l’altérité à l’intérieur de sa progression, mais la repousse fictivement hors d’elle par un geste de délimitation, dans le déni du dialogisme constitutif de toute parole. Reconnaissant en lui la présence ponctuelle d’autres discours, le journal offre un tracé de frontières mouvantes et complexes, cartographies imaginaires où s’esquisse l’illusion d’un territoire à soi, propice au déploiement de la fiction de soi. C’est à l’étude des autoportraits proposés par trois journaux du XXe siècle, ceux de Paul Léautaud, de Jean Malaquais et de Renaud Camus, que s’attache cet essai, dans l’observation du jeu singulier de formes langagières qui suggèrent la présence localisée et circonscrite de l’autre, et s’avèrent dès lors masque et indice d’une présence dialogique dynamique souterraine.