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Un paradoxe étonnant caractérise les débuts du théâtre français : alors même que la Bible constitue l’une, sinon la principale source du théâtre sérieux aux XVIe et XVIIe siècles, rares sont les dramaturges bibliques qui sont parvenus à s’assurer quelques lignes dans les manuels de littérature (La Taille, Garnier, Montchrestien, Du Ryer et Racine). L’explication de ce décalage a été donnée depuis longtemps : tragédie et Bible ne seraient tout simplement pas compatibles en raison d’une différence théologique incontournable, la première se fondant sur la confrontation entre l’homme et un destin incompréhensible, la seconde reposant sur une alliance nouée entre la créature et le Créateur, Dieu de justice et de miséricorde.
Prenant résolument le parti de la Littérature et non celui de l’Histoire, de l’interprétation dramaturgique des textes et non de leur contextualisation, le présent ouvrage se propose de redécouvrir cet ensemble disparate de fragments oubliés de l’histoire théâtrale, à la recherche d’une tragédie véritablement biblique et des preuves qu’une rencontre, sous une forme ou sous une autre, a bien eu lieu dans l’atelier de travail de certains dramaturges, démentant ainsi toute prétendue incompatibilité entre Bible et tragédie.
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TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
Racine et les Grecs : héritier et interprète
CHAPITRE PREMIER
Un élève pas comme les autres : l’origine de la révolution
Prologue : L’enfant du temple
Racine lecteur : les annotations aux tragiques grecs
Racine traducteur : la Poétique d’Aristote
Racine théoricien : les Préfaces
Exodos : Un auteur en quête de personnages ?
CHAPITRE II
La Thébaïde ou le « crime involontaire » : la révolution à l’épreuve de la scène
Prologue : Apprendre à écrire une tragédie : Racine à l’école d’Aristote
Première leçon : un « revirement du bonheur au malheur »
Deuxième leçon : un personnage ni tout à fait bon ni tout à fait méchant
Troisième leçon : « le surgissement de violences au coeur des alliances »
Exodos : La révolution à l’épreuve de la scène
CHAPITRE III
Andromaque, entre trauma et espérance : la révolution contestée
Prologue : Un homme qui a le goût de l’Antiquité
L’intrigue d’Andromaque : le choix d’une mère comme péripétie
Andromaque, une veuve qui se découvre mère
Pyrrhus, Hermione, Oreste : des personnages antiques dans le fonds
La querelle d’Andromaque : concilier intrigue et personnages
Exodos : La révolution contestée
CHAPITRE IV
Iphigénie, obéir et mourir : la révolution oubliée
Prologue : Un héritage à défendre
Retrouver Euripide : l’obéissance au père
Corriger Euripide : Iphigénie, fille ou soldat ?
Trahir Euripide : une deuxième Iphigénie
Exodos : La révolution oubliée
CHAPITRE V
Phèdre ou Euripide abandonné : la révolution affichée
Prologue : A l’école de la vertu, instruire et divertir
Un régicide manqué
Phèdre, à la recherche de l’innocence perdue
OEnone, le visage innocent de Ph¨dre
D’autres visages de Phèdre : Thésée, Hippolyte et Aricie
Exodos : La révolution affichée
CONCLUSION
D’Athènes à Paris : le parcours d’un caméléon littéraire
BIBLIOGRAPHIE
Sources
Etudes
INDEX
Helléniste remarquable, Jean Racine se distingue de tous ses contemporains, et de Corneille en particulier, par le retour incessant à la tragédie grecque. C’est en traduisant Aristote, en annotant les pièces athéniennes et en adaptant Euripide sur scène, qu’il retrouve le secret du « héros tragique », ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent. En bousculant les codes dramaturgiques de l’époque, Racine fera de sa découverte le symbole d’une « révolution » dans l’art de fabriquer des tragédies. L’ouvrage se propose de reconstruire l’évolution de cette « révolution racinienne », en explorant son origine grecque et ses manifestations les plus explicites, à savoir les quatre pièces inspirées d’Euripide : La Thébaïde, Andromaque, Iphigénie et Phèdre. La lecture croisée de l’ensemble des sources permet de décoder le palimpseste racinien en laissant émerger le rôle crucial joué par le texte euripidéen sous-jacent. Pourtant, en véritable caméléon, Jean Racine n’hésitera pas à sacrifier son souffleur athénien et sa propre révolution sur l’autel du succès.