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Table des matières
A. BAYLE, M. BOMBART, I. GARNIER, "La connivence, une notion opératoire pour l'analyse littéraire"
I. Mise au point linguistique
C. WIONET, F. H. JIN, "Connivence pile et face: petit parcours historique du mot"
C. KERBRAT-ORECCHIONI, "Construire de la connivence dans les débats présidentiels: avec qui, par quel moyen, dans quel but?"
II. Communications conniventes
M. ROSELLINI, "Faut-il "en abreuver le vulgaire"? Le Roi, le sexe et la connivence"
N. FREIDEL, " Connivences épistolaires: le commerce triangulaire des Sévigné"
J. LECLERC, ""Vous m'entendez fort bien": les stratégies d'une communication connivente dans les parodies burlesques"
J. DORIVAL, "Hélène de Montgeroult (1764-1836): inventer le patrimoine muscial, découvrir l'avenir de la musique"
H. MERLIN-KAJMAN, "Partage par connivence versus partage transitionnel"
III. Fictions de connivence
A. RABATEL, "Analyse pragma-énonciative de la connivence représentée dans les récits"
M. HUCHON, "Connivences labéennes"
L. WAJEMAN, "Connivence érotique et création artistique dans quelques textes et images du XVIe siècle"
M. BERMANN, "Licence et connivence: les dispositifs textuels de complicité avec le lecteur dans les Contes de La Fontaine"
M. FAUGÈRE, "Lecture connivence et construction du groupe dans la fiction galante"
La connivence est une notion qui travaille bien des discours au quotidien: qu'elle soit promue comme le ferment d'une séduction par les concepteurs de nouvelles marques commerciales (qui jouent sur la dimension de complicité implicite qu'elle véhicule) ou qu'elle soit rejetée par les observateurs de la vie politique condamnant la collusion des intérêts privés et publics (à partir du sens étymologique de "complicité morale consistant à fermer les yeux sur la faute de quelqu'un"), elle semble être un outil de description efficace du jeu social. Pour autant, elle n'a que très peu fait l'objet d'une attention spécifique: mobilisée souvent en passant, elle n'a pas été théorisée en tant que notion opératoire dans le domaine des lettres voire des sciences humaines.
Cet intérêt pour ce type de liens, de pratiques et de discours que recouvre l'idée de connivence n'est pas l'apanage du monde contemporain. Un regard jeté vers le passé montre également son importance à l'époque moderne, du XVIe au XVIIIe siècle: dans le champ littéraire en particulier sont mises en oeuvre des formes de connivence spécifiques, entre auteurs, ou entre auteurs et publics, reliées à des conditions historiques précises de production et de publication des oeuvres. C'est cette période, que nous désignons par "l'âge de la connivence", qui est placée au cours de la présente enquête.
Prolongeant les derniers Cahiers du GADGES qui portaient sur des modes de relation entre auteurs et lecteurs dans diverses situations de conflits (Polémiques en tous genres, 2009; Genres et querelles littéraires, 2011; L'art de la conciliation, 2013), l'étude de la connivence explore une des manières dont se manifeste dans l'espace littéraire le regroupement de communautés sociales ou idéologiques.
Plus largement, notre pari est aussi de faire de la connivence un outil utile pour décrire et comprendre à l'époque moderne le rapport des discours et des écrits, voire des oeuvres d'art, à un public ciblé: nous la définissons comme la mise en place volontaire d'un dispositif, le plus souvent textuel, adressé à un ou plusieurs destinataires, et supposant l'existence d'un tiers exclu. A partir de cette réflexion théorique, ce volume offre l'analyse de cas concrets qui rendent perceptible aux lecteurs du XXIe siècle une "intelligence secrète active" qui peut lier les auteurs, entre eux comme à leurs publics.
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Table des matières / I. GARNIER et O. LEPATRE, « Introduction » – THEORIE – M.-H. SERVET, « Impertinent, Impertinence : les mots et la chose » ; M. LEVESQUE, « "Je m’en sers de ma seule autorité" : possibilité et enjeux d’un usage impertinent de la langue au XVIIe siècle » ; F. BOISSIERAS, « Approche rhétorique et pragmatique de la notion d’impertinence » – L’IMPERTINENCE GENERIQUE – A.-P. POUEY-MOUNOU, « Impertinences montaigniennes : la "suffisance" des Essais » ; M.-C. THOMINE-BICHARD « Les impertinences d’Eutrapel : Baliverneries (1548) et Contes et Discours d’Eutrapel (1585) » ; P. MOUNIER, « Le roman et l’humanisme : anticonformisme d’un genre à la Renaissance » ; A. ROOSE, « L’impropre et l’obscène dans Alector de Barthélémy Aneau » ; Y. CHARARA, « Les Aventures de Télémaque de Fénelon inspiration mystique et scandale générique » – LES GENRES DE L’IMPERTINENCE – M. AUBAGUE, « Les Trois Francion de Charles Sorel (1623, 1626, 1633) : impertinence générique et voix d’auteur » ; F. POULET, « De la satire des ridicules à la parrêsia : impertinence et extravagance dans l’histoire comique (1620-1660) » ; D. BERTRAND, « Impertinentes traversées urbaines : risque de la parrêsia et frontières de l’acceptabilité burlesque » ; H. DURANTON, « Au-delà de l’impertinence : la littérature satirique versifiée (1715-1789) » ; P. CAMBOU, « L’obscène et le saugrenu comme formes d’impertinence dans le conte voltairien » ; C. RAMON, « La transgression des libertins : une affaire de genre ? (Crébillon, Sade, Nerciat) » ; M. TSIMBIDY, « De l’impertinence des Mémoires ou des mémorialistes sous Louis XIV » ; K. ABIVEN, « Les impertinences de l’Histoire : une question d’aptum générique » ; F. WILD, « Savoir et impertinence dans les ana » ; P. GETHNER, « Le Proverbe dramatique, genre de l’impertinence » – Impertinence et bienséances – T. TRAN, « Les impertinences de la parole : collusions génériques et renversement satirique dans les Loups ravissans de Robert Gobin (c. 1505) » ; O. LEPLATRE, « L’impertinence des images : mont(r)er. A propos de l’Enigme joyeuse pour les bons esprits et du Centre de l’amour » ; P. EICHEL-LOJKINE, « Le conte merveilleux, un genre autorisant l’impertinence ? Bienséance, contrôle, image dans "Le Maître Chat ou le Chat Botté" » ; M.-M. FRAGONARD, « Livres de piété, prédication et modes féminines : l’enfer des bonnes intentions » ; C. ARONICA, « Quand les désirs sont désordre. Le corps impertinent de la tragédie classique » ; C. BARBAFIERI, « "La femme est le potage de l’homme" : les plaisanteries malséantes dans la France classique » ; M. BERMANN, « Les Contes et Nouvelles en vers ou une mondanité impertinente » ; C. LIGNEREUX, « Le conseil, un acte de langage contraire aux bienséances ? » – IMPERTINENCE, AUTORITE ET AUCTORIALITE – D. Reguig, « Impertinence et littérarité chez Boileau » ; C. BAHIER-PORTE, « Les réécritures "modernes" du bouclier d’Achille : l’inavouable pertinence d’un modèle inconvenant (Lesage, La Motte, Marivaux) » ; C. HAMMANN, « Pertinence du dé-plaire : une mise en cause de l’aptum dans les Lettres au XVIIIe siècle ».
L’impertinence a longtemps eu mauvaise presse. Sottise ou fatuité, extravagance ou importunité, l’impertinence choque, indispose, heurte l’usage ou la bienséance. Quand elle s’invite en littérature, elle fournit bien plus que l’étoffe de personnages de comédie – médecins ou coquettes – ou de romans burlesques : elle joue avec les codes sociaux et les normes de la représentation, bousculant les frontières des genres établis qu’elle subvertit ou régénère.
Après une mise en perspective conceptuelle de la notion, vingt-neuf études éclairent ici les multiples facettes de l’impertinence sous l’Ancien Régime. Elles les envisagent en diachronie d’un point de vue lexical, rhétorique, générique, en jouant de la complémentarité des approches. Composant un savoureux pot-pourri, roman, conte, histoire fabuleuse, énigme, recueil d’emblèmes, livres de piété, tragédie, mémoires, chansons satiriques, images tendancieuses, apparaissent tantôt comme lieux de l’impertinence générique, tantôt comme genres de l’impertinence.
Énergie créatrice au XVIe siècle, sulfureux débordement à canaliser au siècle classique, elle devient force émancipatrice pour les Lumières. En à peine plus d’un siècle, l’impertinence inverse totalement sa valeur socio-esthétique et contribue à faire jaillir la vérité en se soustrayant au carcan des codes. Stigmatisée comme vice par l’opinion commune, retournement de la folie en sagesse pour les écrivains indociles – qu’on peut considérer précurseurs –, elle apparaît comme qualité de l’intelligence et de l’esprit – pour ne pas dire vertu – et finit par imprégner toute une époque, valeur partagée d’un temps qui, par sa liberté de penser et d’écrire, marque encore le nôtre.