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Dans l’histoire des relations entre littérature et peinture, le moment cubiste se révèle emblématique d’une situation, moderne, apparemment paradoxale, dans laquelle les échanges s’intensifient précisément lorsque se trouve écarté ce qui semblait en être la condition : une référence partagée.
En adoptant le point de vue de la réception, ce livre propose une ressaisie du dialogue entre les deux arts, qui montre à l’œuvre une méthode apparentée. Pour ce faire il s’agit de déployer par la lecture les virtualités de l’espace de jeu que dégage l’instauration d’une discontinuité visible, et à partir de là de mesurer le travail de ces textes et de ces toiles, en saisissant l’inquiétude qui motive l’expérimentation formelle, puis en la reformulant dans les termes de ce qu’on appelle alors parfois « la philosophie nouvelle » (Nietzsche, Bergson, James, Poincaré).
La peur d’être « mal-aimé » recouvre en fait celle de ne pouvoir connaître ou être reconnu de manière individuelle, du moment qu’est admise la nécessaire médiation de la convention. A une époque où les textes et les images se sont mis à proliférer, les poèmes d’Apollinaire et de Reverdy, comme les toiles de Picasso, de Braque et de Gris, se donnent comme des moyens de restaurer un usage singulier des représentations.