-
Partant du principe qu'il n'existe pas d'écriture orpheline au XVIIe siècle, Ludivine Goupillaud apprécie la filiation unissant les hommes du siècle de Louis XIV à l'auteur de l'Enéide. Ainsi examine-t-elle successivement le cas des « héritiers » - qui revendiquent ouvertement le patrimoine virgilien -, celui des « fils prodigues » - qui s'en réclament, tout en cherchant de nouveaux modèles appropriés à leur temps -, celui, enfin, des « affranchis » - qui contestent ouvertement la suprématie poétique du Cygne de Mantoue et briguent une totale autonomie par rapport aux auctoritates antiques. La richesse des opinions résiste à une explication sommaire que l'on poursuivrait vainement dans la dichotomie habituelle entre « Anciens » et « Modernes ». Il s'agit plutôt de montrer, analyses textuelles à l'appui, que l'Enéide est la source vive à laquelle puisèrent, avec des présupposés et des ambitions différents, voire divergents, tous les hommes qui, au XVIIe siècle, faisaient rofession d'écrire ou, plus largement, de créer. En effet, le rôle formateur de l'épopée virgilienne se manifeste également dans d'autres domaines artistiques, comme la peinture ou l'architecture. De là cette analogie, si souvent rencontrée dans les textes contemporains, entre l'épopée et un grand palais ; c'est Versailles en effet qui parvient à matérialiser, mieux que ne l'eût fait le récit des exploits de Louis le Grand, l'apogée « héroïque » d'une culture et d'une sensibilité originales.