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L’aura que la figure du médecin a acquise au XIXe siècle (l’homme de science y faisant office de nouveau prophète), participe d’une construction mythique moderne que le docteur Jean Martin Charcot a illustrée et promue comme d’autres avant lui. Les romans de la Salpêtrière expose en quoi la réception – tronquée et partisane – de l’œuvre du célèbre neurologue sert de point d’ancrage à l’image de la science diffractée dans la littérature fin de siècle. Bertrand Marquer interroge en effet comment, autour du réputé professeur, la pratique expérimentale et les discours sur l’hystérie ont influencé un imaginaire ; mais aussi quel rôle a joué l’action conjointe de l’idéologie, de la technique et de la rhétorique dans l’élaboration d’une représentation fantasmée du «maître de la Salpêtrière». De fait, la scénographie médicale dont le grand clinicien est le principal acteur a suscité moult échos esthétiques et littéraires. De nombreux romans reflètent la diversité des postures adoptées : le naturalisme anticlérical (Zola, Lemonnier, Claretie, Daudet) côtoie la fantasmagorie clinique (Maupassant, Mirbeau, Lermina, Lorrain, Rachilde), voire un mystère religieux renouvelé (Huysmans, Villiers de l’Isle-Adam). Exhumant une littérature aujourd’hui oubliée (Hennique, Nizet, Trézenik, Lesueur, Germain, Dubarry, Epheyre…), cet essai dégage les substrats éclairants qui ont nourri des œuvres désormais considérées comme «classiques».