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Le Dictionnaire des gens de couleur, dans son troisième et dernier volume, achève de révolutionner une vision qui aurait fait de l’immigration issue des colonies, noire ou métisse, un phénomène purement contemporain. Les estimations initiales ont même été réévaluées, à la faveur des investigations poussées dans le midi, pour porter à près de 20 000 le nombre des nouveau-venus dans la France d’ancien régime. Registres de passagers et fonds des amirautés, mais aussi registres paroissiaux et états nominatifs à l’heure où la Monarchie a voulu éloigner « Noirs, mulâtres et autres gens de couleur » du territoire, ont permis d’appréhender ces hommes et ces femmes, tantôt libres serviteurs ou esclaves à talent dans les ports. Bien sûr, Bordeaux devenue à la veille de la Révolution le premier port français a joué un rôle majeur dans ces entrées, à peine moins nombreuses qu’à Nantes. Mais La Rochelle précocement engagée dans la voie du Nouveau Monde et Marseille tentée à la fin du XVIIIe siècle par une conversion de son commerce du Levant en direction de l’Atlantique ont aussi participé à une immigration qui s’est accrue avec la perte, en 1763, du premier empire colonial. De là, c’est tout un monde de petites gens, en retrait des ports où les mascarons des hôtels particuliers ont rendu écho à leur condition, qui a trouvé sa place dans ces arrière-pays dont les moindres bourgades, languedociennes ou provençales, ont révélé des unions mixtes, et parfois même donné naissance dans l’ombre des plus grandes familles – Mirabeau ou Guizot – à des branches métisses.
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CONTRIBUTEURS
BARDIN Pierre, Association Généalogie et Histoire de la Caraïbe.
BERNARDIN Florian, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
CHÉTANNEAU Sébastien, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
FAGOUR Yvelle, étudiante à l’Université des Antilles-Guyane (dir. É. Noël).
GRANGER Sylvie, maître de conférences à l’Université du Maine.
HAUDRÈRE Philippe, professeur à l’Université d’Angers.
MICHON Bernard, maître de conférences à l’Université de Nantes.
MITCHELL Robin, professeur assistante à Depaul University, Chicago.
NOËL Erick, professeur à l’Université des Antilles-Guyane.
PEABODY Sue, professeur à Washington State University.
RAFFIN Thomas, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
ROGERS Dominique, maître de conférences à l’Université des Antilles-Guyane.
SAUPIN Guy, professeur à l’Université de Nantes.
Le Dictionnaire des gens de couleur, après un volume consacré à Paris et à son bassin, approche ici tous ceux qui, passés en Bretagne, ont constitué la part la plus importante au terme d’un circuit triangulaire dominé par Nantes. Sur plus de 15 000 hommes et femmes amenés en France entre les grandes découvertes et la révolution, au moins la moitié ont en effet été retenus par la province la plus engagée dans le trafic négrier.
Cette situation est singulière : en plein siècle des Lumières, la capitale de la traite a réussi à faire avaliser un droit à l’esclavage dans un royaume où la liberté avait été érigée en principe fondamental. Méticuleusement analysés, les fonds des archives locales, aussi bien que départementales et nationales, à travers l’armement maritime, les registres des amirautés et jusqu’à ceux des paroisses, ont révélé l’existence de ces « nègres esclaves », rarement affranchis, dans l’ombre des moindres familles bourgeoises.
Ainsi découvrira-t-on, loin de l’Afrique et des Îles où ils avaient grandi, des cohortes de gens de maison et de métier, en théorie appelés à retourner sur les plantations d’où ils venaient. La réalité révèle surtout un monde de petites gens, capables de s’entraider dans des ports où ils pouvaient craindre un renvoi aux colonies et, dans le meilleur des cas, accéder à une liberté garantie par l’exercice d’une activité, parfois spécialisée, au sein de quartiers où leurs figures ont inspir© ces mascarons figés en façade des hôtels des négriers.
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Le Dictionnaire des gens de couleur porte sur une population qui, à ce jour, n’a été abordée que par la question de la traite négrière. Or, c’est quelque 15 000 hommes et femmes qui, entre les Grandes Découvertes et la Révolution, ont été amenés dans le royaume pour servir les élites aristocratiques et marchandes.
Présentées par régions, les 3087 notices du présent volume, qui porte sur Paris et son bassin, sont le fruit de recherches méticuleusement menées dans les fonds d'archives nationales - anciennes colonies, Amirauté de France – ainsi que dans les fonds des grandes villes portuaires comme Le Havre, Nantes et Bordeaux - registres d’armement et de désarmement des navires, registres paroissiaux.
Au-delà de l'inventaire, le Dictionnaire des gens de couleur retrace l'histoire d'une partie de la société à travers les itinéraires, les passages des capitaines négriers aux propriétaires citadins, l’insertion par le biais du mariage ou encore des destinés exceptionnelles– celles d’un chevalier de Saint-Georges ou d’un général Dumas, qui ont à la faveur de talents reconnus pu atteindre la notoriété.
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