-
Pour établir plusieurs originaux d’une même charte et en fortifier l’efficacité, les rédacteurs d’actes du Moyen Âge ont inventé un système ingénieux qu’ils ont paré du nom antique de « chirographe ». Sur une même feuille de parchemin sont inscrits deux ou plusieurs exemplaires de l’acte. Après découpe suivant une ligne d’écriture appelée « devise » ou « légende », chacune des « chartes parties » est remise à son destinataire, le plus souvent l’un des partenaires de l’acte. Cette pratique, d’abord attestée dans l’Angleterre du IXe siècle, connaît un succès grandissant du Xe au XIIIe siècle dans le royaume de France et en Lotharingie. Signe visible d’engagement et de réciprocité, le chirographe devient l’un des instruments ordinaires des contrats bilatéraux et des règlements de conflit.
Espèce diplomatique identifiée de longue date, le chirographe a tardé à capter l’attention des médiévistes au-delà de quelques études pionnières. À la faveur d’un approfondissement des questionnements liés à la matérialité des documents et aux dimensions extra-juridiques des chartes, il apparaît comme une pierre de touche indispensable à l’observation de la diversité diplomatique. Il invite l’historien à explorer les principes et concepts à l’œuvre (similitude, réciprocité, rapports entre visible et lisible) et à analyser les techniques qui en découlent, riches en variantes régionales ou institutionnelles.
Ce volume richement illustré a pour origine un projet collectif mené dans le cadre de la conférence de l’EPHE intitulée « Pratiques médiévales de l’écrit documentaire ». Il est consacré aux premiers siècles de l’existence du chirographe, période d’expérimentations orchestrées par les rédacteurs ecclésiastiques. Il réunit seize contributions. Les « Études thématiques et régionales » proposent huit articles et associent synthèses et catalogues régionaux à des analyses plus ciblées. L’« Album diplomatique » offre huit études de cas qui auscultent des actes choisis pour leur caractère exemplaire ou insolite.
Ni traité, ni manuel, l’ouvrage a vocation à devenir un « compagnon » de route pour de nouvelles enquêtes.