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Forme à la fois immémoriale et moderne, condition d’ordre et ferment de panique, associée à la mémoire et au savoir comme à l’oubli et à la dépense, la liste est partout. On la remarque dans les écrits les plus banals, les plus prosaïques, aussi bien que dans un nombre illimité de productions littéraires. Aussi courante – sinon plus – que le discours narratif construit auquel elle s’oppose, elle est pourtant longtemps restée inaperçue, voire gênante, signe d’aridité ou de factualité terre-à-terre, tache aveugle des études littéraires. Son observation poussée révèle néanmoins une extraordinaire richesse d’expression. Qu’on l’appréhende sous son angle le plus formel ou qu’on la réinsère dans les contextes de son apparition, on constate qu’elle soulève de nombreux questionnements, d’ordre grammatical, typographique ou épistémologique, aussi bien qu’affectif, ludique ou thymique. Elle se présente enfin comme une forme à la pertinence historique considérable pour la compréhension de la littérature de la seconde moitié du XXe siècle, et au-delà. Le Clézio, Modiano et Perec en témoignent, arpenteurs d’un temps profondément inscrit dans un mouvement oscillatoire de pléthore et de manque. Une perspective qui signale la liste comme l’un des symptômes scripturaux les plus prégnants de notre époque.