Renaissance
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En octobre 1585 René de Lucinge, ambassadeur savoyard à la cour d’Henri III, publie à Paris sa traduction d’un ouvrage de piété, Del dispregio del mondo, dont l’auteur est son ami et collègue Giovanni Botero. Ce dernier, futur cosmographe et penseur politique, renouvelle le genre classique du contemptus mundi; on reconnaît dans cet ouvrage inspiré par le maître spirituel de Botero, feu le cardinal Charles Borromée, le germe de ses livres plus connus, la Ragion di stato et les Relationi universali. Lucinge donne en collaboration avec Botero l’adaptation française d’un ouvrage qui traite en même temps des thèmes universels et des problèmes contemporains. Presque trente ans plus tard Lucinge, disgracié et retiré dans ses terres, compose à son tour un traité resté manuscrit, De l’humilité et du mespris du monde, méditation sur la vie du Christ qui reflète pourtant l’expérience et surtout les déceptions de son auteur. Nous donnons la première édition moderne de ces deux ouvrages, complétant ainsi l’édition critique des œuvres en français de René de Lucinge.
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L'importance de l'emblème (genre multi-média et pan-européen) comme reflet de la culture européenne aux seizième et dix-septième siècles est aujourd'hui de plus en plus reconnue. Bien que le style emblématique se manifeste dans plusieurs arts plastiques (parmi lesquels la peinture, la broderie, l'architecture - permanente ou éphémère - et l'art sépulcral) ce sont les livres qui codifient et concrétisent le mieux la combinaison de mots et d'image qui constitue l'emblème.La contribution française aux livres d'emblèmes fut formatrice et centrale. La bibliographie présente décrit en détail plus de 700 éditions imprimées en France ou en français entre 1534 et 1700.
Alciat, fondateur du genre, représente presque un dixième de celles-ci, et plusieurs éditions de son oeuvre sont identifiées ici pour la première fois, de même que plusieurs éditions également inconnues d'autres auteurs de livres d'emblèmes. Chaque notice comporte une reproduction du titre, une collation technique détaillée, une description de la disposition (souvent accompagnée d'une illustration) et une liste d'exemplaires identifiés. Les différentes éditions ont été soigneusement isolées, ainsi qu'à l'intérieur de celles-ci les différents états et émissions. 77 bibliothèques ont été dépouillées et, en plus, d'autres exemplaires sont notés dans environ 300 autres bibliothèques.
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Jean Marot revient de loin, de plus loin encore que son fils Clément. Non seulement parce qu’il a comme lui souffert de nos préjugés tenaces à l’encontre de la “grande rhétorique” et de cette période de l’histoire de notre poésie antérieure à 1550; mais aussi parce que son fils Clément, ce fils qui de son vivant avait tout fait pour le couvrir de gloire, a finalement après sa mort rejeté celui-ci dans une ombre si épaisse que nous avons failli l’y perdre à tout jamais de vue.
Etablie pour sa première partie, d’après le recueil publié à Paris fin 1533 - début 1534 par Clément Marot, pour le reste d’après des sources manuscrites disséminées dans de nombreuses bibliothèques européennes, la présente édition a donc valeur d’indice. Elle témoigne d’abord d’une volonté correctrice qui, en cette fin de siècle, anime critiques et historiens contre le mythe progressiste mis en place par Du Bellay dans sa Deffence et illustration de 1549. Elle témoigne ensuite de la richesse de notre poésie à ce moment charnière où le “Moyen Age” devient pour nous “Renaissance”. Elle permet enfin de découvrir l’œuvre d’un “illustre poete françoys” et de mieux prendre conscience des liens essentiels qui la rattachent à celle du fils. Impossible, désormais, “d’escrire Clement” sans qu’aussitôt n’apparaisse, probablement ineffaçable, part même de son être, le nom du père.
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Ce colloque, qui s’est tenu au Centre Culturel des Fontaines en septembre 1995, envisage différents aspects de l’évolution du savoir féminin à l’époque moderne, sa nature, ses contestations éventuelles. La première partie vise à ancrer la réflexion dans la réalité, souvent complexe de la période. Elle étudie les cadres institutionnels qui définissent l’activité féminine et la diversité des savoirs féminins. La seconde partie aborde l’éloge ou la contestation de ce savoir, sa place dans l’histoire des moeurs, des institutions et des idées. Enfin, sept portraits exemplaires de femmes savantes viennent compléter ce panorama.
REALITES/SAVOIRS: - Christian Biet. Quand la veuve contre -attaque : droit et fiction littéraire sous l'ancien régime. - Bruno Neveu. Doctrix et Magistra. - Colette Winn. Les femmes et la rhétorique de combat : argumentation et (auto) référentialité. - Nathalie Grande. L'instruction primaire des romancières. - Sabine Juratic. Marchandes ou savantes? Les veuves des libraires parisiens sous le règne de Louis XIV. - Pierre Maréchaux. Savoir des doigts, savoir des voix. REGARDS D'HOMMES: - Jean Céard. Listes de femmes savantes au XVIe siècle. - Brenda Hosington. Learned ladies : éloges de l'anglaise savante (1550-1558). - Nicole Jacques-Chaquin. La curiosité sorcière : représentations du désir féminin du savoir chez les démonologues (XVIe-XVIIe siècles). - Sophie Houdard. Possession et spiritualité : deux modèles de savoir féminin. - Philippe Salazar. Elizabeth à Descartes : "Etre mieux instruite de votre bouche". - Jean-Charles Darmon. La fontaine et le savoir des muses. DISCOURS DE FEMMES/PORTRAITS: - Eliane Viennot. Ecriture et culture chez Marguerite de Valois. - Chantal Morlet Chantalat. Parler du savoir, savoir pour parler : Madeleine de Scudéry et la vulgarisation galante. - René Démoris. Ecriture féminine en Je et subversion des savoirs chez Mme de Villedieu (les mémoires d'Henriette-Sylvie de Molière). - Emmanuel Bury. Madame Dacier. - Ralph Heyndels. Le cogito du néant : Jeanne Guyon dans l'épistémologie cartésienne. - Elisabeth Lavezzi. Catherine Perrot, peintre savant en miniature : Les leçons royales de 1686 et de 1693. - Henriette Goldwyn. Journalisme polémique à la fin du XVIIe siècle : le cas de Mme du Noyer.
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On place volontiers certains phénomènes au seuil de la modernité: la première vague d’un scepticisme perturbant toutes les habitudes intellectuelles; des mutations radicales dans le champ des croyances religieuses; l’émergence d’un moi laïque; l’apparition de formes narratives inédites et de nouvelles manières de lire. Ces phénomènes sont saisis au stade de leur pré-histoire. On s’interroge sur leur statut et leur sens à une époque où la forme que nous leur connaissons n’est pas encore atteinte. Cette enquête est menée à travers une série de textes «littéraires» (Rabelais, Montaigne surtout) et discursifs (Henri Estienne, Jean Bodin). Dans chaque domaine, des perturbations textuelles sont interprétées comme l’indice dune angoisse épistémologique, ontologique ou axiologique. Le dépistage d’un «trouble» permet de localiser une région problématique de la perception, une fêlure dont l’auteur et ses contemporains ne sont peut-être pas pleinement conscientsmais qu’ils ressentent comme un malaise. Les études réunies ici ressortissent à une poétique tournée vers l’histoire; elles cherchent à restituer la forme fragmentaire d’une expérience perdue.
Extraits d'un article paru dans "The Times Literary Supplement" du 20 août 99: EARLY STIRRINGS. "The careful probing of chronology and intertextual reference, and the often brilliantly telling juxtaposition, are there to provide an overall picture of germination, stirring, birth. (...) Just as birth is accompanied by labour-pains, so this is an intensely demanding book to read". Peter Bayley