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Le développement de la philologie en tant que champ disciplinaire académique autonome est le fruit d’un long processus. Si les progrès considérables accomplis dans ce domaine à l’époque moderne sont bien connus, on sait moins ce que le siècle des Lumières, entre les découvertes amorcées aux siècles précédents et la naissance d’une science au XIXe siècle, a apporté de spécifique, parfois de décisif. Une véritable effervescence philologique, qui se prolonge au début du siècle suivant, saisit effectivement l’Europe au XVIIIe siècle, que ce soit en matière d’édition des textes anciens, antiques, médiévaux, voire plus récents, de lexicographie, de linguistique descriptive, ou encore de dialectologie. C’est ce phénomène que le présent ouvrage collectif s’efforce de saisir, dans ses tenants et aboutissants, à travers différentes figures et traditions : philologie sanskrite, grecque, germanique, celtique, italique, romane, égyptienne, etc.
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Le présent ouvrage s’intéresse à la question des formes de gradation dites supplétives, c’est-à-dire des comparatifs et des superlatifs défectifs, dépourvus d’un adjectif correspondant issu de la même racine qu’eux, et qui répondent à un positif provenant d’une autre racine (type grec ἀγαθός « bon », ἀμείνων « meilleur », ἄριστος « le meilleur »). S’appuyant sur une étude philologique détaillée des faits de supplétisme dans les langues indo-européennes, notamment en grec ancien où ce phé- nomène est le mieux représenté, il consacre d’assez longs déve- loppements aux faits de polysupplétisme, où plusieurs formes de gradation se trouvent répondre à un même adjectif ; et il s’efforce, dans une perspective d’histoire des langues, d’observer la genèse des systèmes linguistiques tels qu’ils y apparaissent. Il étudie éga- lement la question de l’origine du supplétisme, et en particulier de la défectivité qui en constitue la cause principale. Des dévelop- pements étymologiques viennent compléter ces exposés, si pos- sible dans le prolongement des études philologiques qui les ont précédés; ils comprennent, en outre, une analyse des quelques traits de morphologie particulièrement archaïques que les formes de gradation supplétives, souvent isolées de par leur nature défec- tive, ont pu parfois d’autant mieux préserver, notamment dans leur vocalisme radical.