-
"Littérature contemporaine et "histoires" de l’art" montre en quoi l’intérêt porté par les écrivains occidentaux aux arts plastiques s’est profondément renouvelé depuis la dernière décennie du XXe siècle. Au lieu d’avoir pour horizon les pratiques artistiques contemporaines, les œuvres de fiction se ressourcent désormais dans le passé de la peinture, parfois au plus lointain du patrimoine européen. Cette reconnaissance conditionne l’émergence et l’essor d’un nouveau paysage littéraire, qui relance la question de la transmission du savoir artistique et de l’identité culturelle. Lorsque l’expérience actuelle de la peinture ancienne confère une valeur éthique à la mémoire, une dimension existentielle à l’esthétique, sollicitant l’imaginaire pour devenir résolument anachronique, le parcours critique ainsi ouvert dans la discipline historique de l’art permet d’en proposer une autre approche, voire d’autres généalogies. Pratique littérale d’une esthétique de la réception, elle prête l’oreille au public anonyme de tous temps comme de tous lieux, féminin souvent. De l’enseignement universitaire à la manière d’écrire les vies d’artistes ou d’exposer la peinture, c’est l’univocité du r©cit historique de l’art (fondant à la fois les jugements de goût, les institutions culturelles et les modes de connaissance) que les écrivains réévaluent aujourd’hui. Romans policiers, regards viatiques et fictions iconographiques élaborent un esthétique anthropologique de la culture occidentale pour tenter d’en restituer la voix et les gestes perdus, mais également le potentiel méconnu. Aux flux envahissant d’images aussi rapidement consommées qu’oubliées, ces récits contemporains opposent une résistance en recomposant – à travers peintres et peintures d’autrefois – la langue de leurs attentes.
-
Parce que la critique d’art est trop souvent méconnue, il s’agit de la réévaluer, non simplement à l’aune des autres genres littéraires qui lui opposent l’amplitude de leurs traditions, mais au regard d’une époque au sein de laquelle sa présence s’est avérée superbe. Au tournant des XIXe et XXe siècles la critique d’art prolifère en Europe et aborde non seulement les origines de la création contemporaine, picturale en particulier, mais pose aussi les jalons d’une véritable anthropologie culturelle et religieuse.
La critique d’art révèle à un moment crucial de l’histoire des mentalités religieuses en Occident comment la peinture gère les nouveaux rapports de l’homme au monde et au sacré. A une époque de plus en plus sécularisée, où les idéologies se substituent aux croyances, les critiques d’art saisissent le sacré au cours de ses variations et tissent dans leur écriture les réseaux multiples d’une culture en mal de critères intellectuels et spirituels. Dès lors ils tiennent la chronique de la peinture autant que du sacré contemporain.
Au fur et à mesure que l’art sacré laisse la place au sacre de l’art, la critique devient le miroir réflexif de la culture occidentale européenne. En faisant valoir la singularité de sa démarche et de sa rhétorique, son infinie pertinence et vivacité, elle s’est inventée comme un genre particulier.