Renaissance
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Si la représentation d'Adam et Eve connaît au XVIe siècle une actualité particulière, c'est sans doute parce que l'histoire des premiers parents suscite l'intérêt d'un siècle fasciné par la question de l'origine et offre à la peinture d'histoire sacrée l'occasion bien rare de représenter un homme et une femme nus. Mais il n'est pas indifférent que l'intérêt porte tout particulièrement sur le récit du péché originel, en Genèse 3, qui cristallise une série d'oppositions fondamentales. La faute provoque la chute dans notre humanité, puisqu'elle marque le passage de l'éternité à un temps arrêté par la mort. Mais elle constitue aussi le moment de la naissance des corps, souffrants et jouissants, marqués par la différence sexuelle. Elle opère enfin le basculement d'un monde régi par la transparence des signes, du langage, vers un monde marqué par l'opacité, le brouillage entre la vérité et le mensonge. Dès lors, la représentation du péché originel semble offrir à toute œuvre un miroir apte à réfléchir les moyens dont celle-ci dispose pour énoncer la vérité et pour la transmettre au lecteur/ spectateur.
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De 1544 à 1560, la vogue du recueil amoureux pétrarquien signe la naissance d’un véritable genre, doté d’une poétique propre : les « Amours ». Avec Délie, L’Olive et les diverses Amours de Ronsard et de ses amis, ce ne sont pas moins d’une trentaine d’œuvres dont cette étude séminale montre pour la première fois la cohérence, le mode de fonctionnement et les enjeux littéraires et politiques. Ressuscite alors une facette inattendue de la poésie amoureuse : sa dimension collective. Du modèle explicite, Pétrarque, aux sources inavouées (anthologies italiennes, Marot), la généalogie du genre souligne tout d’abord la nouveauté d’un projet qui, malgré son importation d’Italie, impose une poétique de la variation spécifiquement française. La genèse des œuvres de Ronsard, Le Caron, Du Bellay, Tyard et Des Autels perce ensuite l’idéal esthétique de ces formes paradoxales, une et discontinues, et détaille les ressorts de cet art de la marqueterie. Enfin, la poétique des recueils montre comment œuvres et genre se structurent par imitation et différence, créant des codes et un canon nouveaux qui réalisent en pratique le programme collectif de la Défense et Illustration de la langue française.
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La maternité, qu’il s’agisse de la génération, de la grossesse, de l’accouchement, de la stérilité ou des naissances « monstrueuses », fascine la Renaissance. Aussi, à l’âge de l’imprimerie, les traités d’obstétrique en langue fran§aise connaissent un succès remarquable, accélérant la diffusion des connaissances scientifiques. Valérie Worth-Stylianou examine cette histoire du livre médical en recensant les éditions d’une trentaine d’ouvrages, depuis la première version rançaise du manuel d’Euchaire Rösslin parue en 1536 jusqu’au pamphlet polémique de Louise Bourgeois – la première sage-femme à se faire imprimer – en 1627, en passant par des traités de chirurgiens ou de médecins célèbres tels Ambroise Paré, Laurent Joubert et Jacques Guillemeau. Quels sont les ouvrages qui bénéficient d’une circulation décisive ? Le choix de les publier en français, alors que le latin demeure le langage médical, n’implique-t-il pas une vulgarisation contestable de secrets réservés aux seuls hommes de l’art ? Qu’en est-il alors des querelles sur la double semence, la durée de la grossesse, et la génération des hermaphrodites ? Si ces textes réfléchissent les débats entre médecins et chirurgiens, hommes de l’art et sages-femmes, n’est-il pas remarquable qu’avant même l’ère des grands accoucheurs que seront Mauriceau et Portal, les auteurs les plus avisés s’acharnent surtout à enseigner le moyen de réduire le taux effrayant de la mortalité maternelle et enfantine ? Le corpus constitué comprend le texte annoté des préfaces, une bibliographie critique, la biographie et une analyse de l’apport de chaque auteur, ainsi qu’une centaine d’illustrations.
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La B.I.H.R. est le fruit de la coopération internationale entre dix-huit pays où la Fédération est représentée (pour l’Europe : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suisse ; sur les autres continents : Amérique hispanique et Brésil ; Etats-Unis d’Amérique, Japon). Chaque contributeur procède, année après année, au recensement de tout ce qui a paru dans son pays, à savoir les monographies et les articles contenus dans des revues et des collectifs (mélanges, actes de congrès, etc.), à l’exception toutefois des comptes rendus. La Rédaction centrale se charge de collecter les différentes contributions en vue d’une publication annuelle. Les termes Humanisme et Renaissance y sont entendus dans leur sens le plus large; ils embrassent toute l’activité humaine – économique, juridique, scientifique, technique, littéraire, philosophique, religieuse, artistique, au cours des XVe et XVIe siècles. Nous avons toutefois conservé une certaine souplesse à ces limites chronologiques, compte tenu du développement asynchrone de ces mouvements culturels dans les différents pays concernés.
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Les trois libelles rassemblés ici - le troisième, Response à un plaidoyer, était resté inconnu jusqu'à présent - doivent être attribués à Calvin. Ils manifestent son grand talent littéraire et sa maîtrise de la langue française. Journaliste pamphlétaire, réactif aux événements du moment, autant que théologien réformateur, Jean Calvin y déploie une verve improvisée, directement liée à l'actualité, mais qu'il marque des constantes de son style, immédiatement identifiable. Francis Higman et Olivier Millet, parmi les meilleurs spécialistes actuels de Calvin, ont établi de manière définitive la paternité du Réformateur sur ces textes. Ils en donnent une édition critique en tout point exemplaire.
Francis Higman est l'ancien directeur de l'Institut d'Histoire de la Réformation de Genève. Olivier Millet est professeur de littérature française de la Renaissance (Paris 12).
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Les Ducs de Nevers et l'Etat royal ne se réduit pas à une biographie. Ariane Boltanski préfère exhumer le jeu complexe des relations entre ces Grands et l'Etat durant la deuxième moitié du XVIe siècle. Contredisant les postulats de l'historiographie classique, son étude de la maison de Nevers montre que les rapports liant ces feudataires et la monarchie ne se sont pas déployés sur le mode dominant d'un combat fratricide pour le contrôle du pouvoir. Ainsi les Nevers n'ont-ils pas tenté de maintenir leur puissance dans une indépendance précaire en luttant contre la force monarchique ; ils se sont, au contraire, associés au processus même de formation de l'Etat. Pour sa part, le pouvoir n'a pas perçu ces Grands comme de dangereux compétiteurs et, loin de détruire cette maison féodale, il en a assuré la perpétuation, politique, économique et sociale, en l'associant à l'organisation de l'Etat royal. Il s'ensuivit qu'une alliance, fructueuse pour les deux parties, unit alors les Nevers et la monarchie. Elle se fondait sur un ensemble d'accommodements, qui portaient sur le fonctionnement d'un système de pouvoir global, associant la puissance du duc et celle du souverain à travers des échanges généralisés. Ariane Boltanski examine ce système en s'efforçant d'établir quels étaient ses « premiers fondements », puis en évaluant quelle place tenaient les relations de clientèle dans le dispositif. Elle étudie enfin comment il fut éprouvé et évolua, notamment au travers des guerres de Religion.
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En août 1545, un an après la publication de Délie, sortaient des presses de l'imprimeur Jean de Tournes les Rymes de gentile et vertueuse dame D. Pernette Du Guillet Lyonnoise. Ce mince ouvrage posthume fut composé sur « les instantes, et affectionn©es remonstrances de son dolent mary » par Antoine du Moulin qui recueillit les « brouillars » de Pernette destinés à être « en grande admiration leu[s] de tous ». Parangon vertueux, comme le proclament l'ensemble des paratextes ? En cultivant lavariété au fil de pièces fines et vives dont Elise Rajchenbach donne l'édition, les Rymes offrent surtout l'occasion de relire d'une voix légère les codes de la poésie amoureuse. C'est en effet à une définition renouvelée des rapports littéraires et amoureux que se livrait celle couramment identifiée à Délie, quand elle n'hésitait pas à répliquer :
Je dy, combien que n'aye le sçavoir,
Ne les vertus, que ton R, m'advoue,
Qu'errer je fais tout homme, qui me loue.
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Education, Transmission, Rénovation à la Renaissance regroupe les actes d'un colloque organisé du 3 au 6 décembre 2003 par le CRCI (Centre de Recherche sur la Circulation des Idées) et le GADGES (Groupe d'Analyse de la Dynamique des Genres et des Styles). La double approche philosophique et littéraire, sous le patronage de Madame Jacqueline de Romilly qui ouvre les travaux, s'intéresse à la permanence de l'humanisme à travers sa dimension la plus fondatrice, l'éducation. Éduquer, transmettre, rénover, tels ont été les maîtres mots d'une réflexion destinée à éclairer le débat actuel sur l'humanisme. Que partageons-nous avec les humanistes de la Renaissance ? Peut-être une même expérience de la rupture dans l'éducation et dans sa transmission. L'imprimerie et Internet bien sûr, chacun en leur temps, conduisent à penser cette transmission comme un enjeu spirituel et intellectuel central. La puissance de la nouveauté, il faut se l'approprier et l'articuler avec les ressources du passé. L'humanisme est riche de toutes ces réformes, rénovations, retractatio et repastinatio, et autres formes de restitutions qui n'expriment que le libre exercice d'un pouvoir critique qui seul permet à une culture née dans des conditions données de formuler une prétention à l'universalité.