Renaissance
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Italique, Poésie italienne de la Renaissance, n°7 (2004).
Francisco RICO. Pétrarque au partage de midi, pp.9-26
Daniel MAIRA. Sannazar entre Olvier de Magny et Hugues de Salel dans les Amours (1553), ou la complicité du dédicataire. Étude d'une source inédite, pp.27-42
Giuliano TANTURLI. Una gestazione e un parto gemellare: la prima e la seconda parte dei Sonetti di Benedetto Varchi, pp.43-100
Stefano PRANDI. Il volo, il desiderio, la caduta: Icaro nella lirica italiana e francese del XVI secolo, pp.101-136
Isabelle DE CONIHOUT. À propos de la bibliothèque aux cotes brunes des Laubespine-Villeroy: les livres italiens chez les secrétaires du Roi dans la seconde moitié du XVIe, pp.137-159
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Ce volume rassemble quelque cinquante des articles, publiés ou encore inédits, de Michel Simonin, Professeur de Littérature française de la Renaissance au CESR de Tours, prématurément disparu en novembre 2000.
L’itinéraire intellectuel du biographe et éditeur de Ronsard, du spécialiste de Montaigne est ici restitué, qui l’a conduit des conteurs (Boaistuau, Belleforest, Bouchet, Poissenot…) aux Essais et aux problèmes posés par leur édition, en passant par le maître de la Pléiade. Itinéraire et points de vue sont des plus variés, mais les permanences sensibles dans ces travaux: quête des sources, genèse de l’écriture, intérêt pour l’auteur éditeur de son œuvre, politique éditoriale des libraires, diffusion du livre, problèmes de réception, autant de questions capitales pour l’intelligence de l’objet littéraire que Michel Simonin a affrontées avec la passion et l’énergie qu’on lui connaissait.
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Pétrarque a bénéficié au XVIe siècle d'un prestige exceptionnel, et il a joué un rôle fondateur dans la formation de la langue et de la poésie vernaculaires. Le sonnet, dont il donnait le modèle, a été une forme unificatrice de la culture des différentes cours d'Europe. L'imitation de sa poésie, le culte voué à sa personnalité de poète et d'amoureux, le respect plus général pour le lettré constituent les formes complémentaires d'une même référence, aussi forte qu'énigmatique. Les études réunies dans ce volume examinent la présence et le rôle de Pétrarque dans l'œuvre des principaux poètes français de la Renaissance et de quelques minores. Elles mettent en évidence le rôle des médiations, traductions ou éditions, et soulignent les formes d'une création littéraire fondée sur l'imitation et la variation. Par les répétitions et les contradictions qu'elles font apparaître, elles entendent compléter et préciser l'histoire trop générale du pétrarquisme en France, apportant une première contribution systématique aux commémorations du poète en son septième centenaire.
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Ce livre a pour objet le " corpus huguenot " des textes sur l'Amérique. Au XVIe siècle, la plupart des entreprises conduites par la France au Nouveau Monde sont le fait des protestants, Roberval au Canada, Villegagnon au Brésil, Ribault et Laudonnière en Floride. Or les protestants français apparaissent en butte à une contradiction qui confère à leur action et à leur réflexion un caractère spécifique. D'un côté ils combattent l’impérialisme espagnol et divulguent la " légende noire " de la conquête de l'Amérique. Mais à partir du moment où, chassés de France par les persécutions et la guerre civile, ils s'efforcent eux-mêmes de prendre pied au Nouveau Monde, ils se trouvent à leur tour confrontés au problème de l’altérité indienne. De cette surprise naît une attitude embarrassée, qui oscille entre l'exaltation du libre sauvage et sa condamnation comme héritier de la malédiction de Cham.
Dans l’histoire de la colonisation, l'expérience huguenote aux Amériques annonce la Virginie de Raleigh et à plus longue échéance la Nouvelle-Angleterre des Puritains et la Pennsylvanie des Quakers. Par-delà le mythe du Bon Sauvage qu'il esquisse et les utopies qu'il invente, cet ensemble incomparable de textes procédant de témoins, d'historiens, de théologiens et de polémistes ouvre des perspectives d'une étonnante modernité.
À côté de l’histoire événementielle, diplomatique et littéraire, ce livre réserve une large place à ce que La Popelinière appelait " l’histoire des histoires ", la critique de l’histoire par les historiens. De la trame des événements et des écrits, retracée en huit chapitres, se détachent des études monographiques consacrées à Jean de Léry, Urbain Chauveton, René de Laudonnière, Jacques Le Moyne de Morgues, Richard Hakluyt, ainsi qu’à l’œuvre américaine de Montaigne et du cosmographe André Thevet.
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En 1565 paraît ce mystérieux petit livre, une suite de cent vingt planches qui, de caprices en métissages, modulent, avec une incroyable inventivité, le thème du monstre. Hormis un préambule qui n'explique pas grand-chose, les images règnent sans partage. Dans leur introduction et postface, un historien de la littérature, Michel Jeanneret, et un historien de l'art, Frédéric Elsig, rappellent l'origine probable des Songes drolatiques : le milieu parisien des imprimeurs, des brodeurs et des décorateurs. Ils les rapprochent de la mode des grotesques et les replacent dans la tradition des drôleries gothiques et flamandes, celle de Bosch et de Bruegel. Ils rappellent que l'univers mental de la Renaissance est peuplé de monstres et, pour saisir l'enjeu de ces gravures étranges, proposent une réflexion sur le rapport qu’entretiennent la peur et le rire, suggérant que, si l'attribution à François Rabelais est historiquement fausse, elle rejoint pourtant, dans l'esprit, les joyeuses aventures des Pantagruélistes.
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La Renaissance fut-elle vraiment " l'âge du dialogue " ? La forme dialoguée répartissant le discours entre deux personnages ou plus serait-elle l'instrument d'une nouvelle ouverture à l'Autre ? Telles sont les questions auxquelles les travaux d'Eva Kushner s'efforcent de répondre. En France et en Europe, l'omniprésence de la forme discursive ne fait pas de doute. Certes, le dialogue pratique avant tout l'imitation de ses trois grands modèles antiques : Platon, Cicéron et Lucien de Samosate. Mais il s’astreint également à l’adaptation des formes statiques de la dispute médiévale ou des colloques scolaires, avec un mode d'argumentation s’appropriant la divergence. Dans ce sens, il reflète la fragmentation courante de l'autorité non sans pour autant manifester la subjectivité des auteurs. La mimésis, qui met en scène des personnages identifiables et s’exprimant avec animation, le plus souvent en langues vernaculaires, permet aux auteurs d'offrir aux lecteurs une image vivante de leur société, tout en favorisant la persuasion, le dialogue ne cessant jamais tout à fait d'être un instrument rhétorique. En France, un des moments majeurs de l'histoire du dialogue est la décennie inaugurée en 1550, quand il se produit autour de la Pléiade un " dialogue de dialogues " établissant en fait une Pléiade philosophique.
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Au XVIe siècle, les protestants réformés, à Genève surtout, mais également dans la France huguenote, à Londres ou à Berne, intériorisent une conception originale du temps et appliquent une éthique particulière au déroulement de leurs journées. Des contraintes d’ordre spirituel règlent strictement leur rapport au temps, qui est d’abord conçu comme un rapport à Dieu. A chaque minute, Dieu surveille et veille sur ses fidèles, alors qu’à la fin des temps ceux-ci devront lui rendre compte de chacune de leurs minutes, répète sans cesse Jean Calvin dans ses sermons. C’est ainsi que les Genevois vont inventer une valeur moderne, la ponctualité, laquelle était inconnue des Anciens, des Médiévaux et même d’Erasme, de Vives, des premiers jésuites, ainsi que de Rabelais, Ronsard ou Montaigne. La ponctualité ne procède pas formellement d’innovations techniques, elle est d’abord une vertu spirituelle, sociale et disciplinaire.
C’est dans la cité de Calvin que des structures communautaires d’incitation et de contrôle sont instituées ; qu’un nouveau calendrier est élaboré ; qu’une économie nouvelle du temps et de ses parties est pensée ; autant d’applications de la ponctualité auxquelles les protestants, en particulier de confession calviniste, sont encore aujourd’hui redevables. Max Weber, Norbert Elias et Michel Foucault sont convoqués au terme de l’essai pour discuter L’Ordre du temps et comprendre l’invention de la ponctualité.