Renaissance
-
Le monde de la poésie est en pleine mutation à l’époque de François Ier. En même temps qu’un modèle culturel médiéval continue d’exister, de nouveaux enjeux idéologiques et commerciaux entraînent la recomposition du public. Le champ litt©raire ressemble de ce fait à un laboratoire d’expérimentation de formes inédites.
Marot est une figure emblématique de cette effervescence. Porté par l’Humanisme et l’Evangélisme d’une part et tirant parti des potentialités de l’imprim© d’autre part, il développe, à travers un dialogue ininterrompu avec Virgile, Ovide, Horace et Martial, une réflexion extrêmement lucide sur sa propre condition d’écrivain. Il sème ainsi les germes d’une conception originale de l’auctorita qui sera exploitée par la génération suivante.
C’est cet auteur en chantier qui est décrit, à travers l’étude de trois thèmes : les relations qu’il entretient avec ses pairs, les masques que se façonne l’énonciateur au gré des circonstances et, finalement, la vocation poétique telle qu’il la conçoit dans l’églogue " Au Roy " de 1539. C’est un Marot complexe qui en surgira, tiraillé entre plusieurs aspirations et conscient d’être autant un Tityre qu’un Mélibée.
-
La douceur est une notion fascinante qui s’inscrit dans la hiérarchie des styles en même temps qu’elle s’en démarque; héritée de catégories antiques (suavitas, lenitas, venustas...), elle apparaît aux XVIe et XVIIe siècles comme le lieu d’une réflexion omniprésente dans le champ de la création littéraire et artistique, mais paradoxalement mal théorisée dans les traités de rhétorique et de poétique. Ce volume, à la suite du colloque dont il rend compte, explore la dimension théorique du doux, mais aussi ses formes et sa fortune dans une période entre Renaissance et classicisme où les écritures et les genres se redéfinissent. La douceur parcourt ainsi le champ poétique, de Lemaire de Belges, Saint-Gelais, Du Bellay, Ronsard, et même, en filigrane, D’Aubigné, jusqu’à La Fontaine, de l’inspiration néo-platonicienne à l’esthétique galante. Moins attendue dans la tragédie, elle nourrit pourtant la nouvelle conception du héros tragique autant que l’anthropologie spirituelle à l’œuvre dans Esther. Sa dimension philosophique, voire métaphysique, se déploie dans toute sa diversité chez Montaigne, Pascal où Fénelon. Le doux s’avère donc un carrefour où se rencontrent l’expérience de l’intime et l’harmonie cosmique, la sensualité et la spiritualité, l’art d’écrire et l’art d’aimer, la civilité honnête et la sagesse politique, le contexte littéraire et la théorie morale. L’élaboration et les infléchissements de cette notion subtile, explicitement rattachée au génie de la langue française, révèlent en fait les modifications profondes dont le XVIe et le XVIIe siècles sont le théâtre en matière d’esthétique, d’écriture, d’imaginaire culturel.
-
La littérature du XVIe siècle en France est conditionnée par la généralisation de l’imprimerie. La production littéraire, au sens large du terme, est évidemment affectée par cette innovation: certains auteurs, conscients des moyens inédits dont ils disposent, adaptent leurs travaux au support imprimé; d’autres en revanche contestent une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis; d’autres encore – mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes – exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Les seize contributions réunies examinent les étapes successives de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre à sa publication éventuelle et à sa réception.
Sommaire: Michel Simonin : "Ferrailles et farragines : vers en vrac à la Renaissance"; Perrine Galand-Hallyn et Fernand Hallyn : "'Recueillir des brouillars' : éthique de la silve et po©tique du manuscrit trouvé"; Jeanne Veyrin-Forrer : "François Rasse des Neux et ses tombeaux poétiques"; Amaury Flégès : "Enjeux politiques et littéraires d’un tombeau collectif. La célébration poétique de Christophe de Thou (1583)"; Silvia DAmico : "Alterum amant oculi, doctis placet auribus alter : les poèmes de Germain Audebert"; Chiara Lastraioli : "Un collectioneur strasbourgeois à la Renaissance : Johannes Schenckbecher et son recueil de textes anonymes"; Frank Dobbins : "Recueils cllectifs de musique et poésie"; Jean Vignes : "Les modes de diffusion du texte poétique dans la seconde moitié du XVIe siècle : essai de typologie"; Frank Lestringant : "André de La Vigne et Le Vergier d’honneur"; Mireille Huchon : "La Fleur de po©sie française dans la Rhetorique de Fouquelin : une autobiographie de Ronsard"; Jean Balsamo : "La composition des Sonnets spirituels de Desportes"; Anne-Bérangère Rothenburger : "L’Eglogue de la naissance de Jésus-Christ par Louis Dorléans : dattion et filiation poétiques"; Rosanna Gorris Camos : "Diverses Meslanges poetiques ou la composition des recueils poétiques de Guy Le Fèvre de La Boderie : du Compas d’or à la Vierge au luth"; Jean Dupèbe : "L’Ægloga de Monarchia de Jacques Gohory(1543-1544)"; Line Amselem-Szende : "Le complexe du compilateur : Juan López de Úbeda Vergel de flores divinas (1582)"; Jean-Eudes Girot : "Poésie et manuscrits".
L’une des particularités de la littérature du XVIe siècle en France tient au fait que la généralisation de l’imprimerie modifie les modalités de production et de réception de l’œuvre littéraire, même si le passage du manuscrit à l’imprimé n’a pas eu de conséquences immédiates ; ce n’est que progressivement en effet qu’auteurs et lecteurs affinent leur connaissance du nouveau médium. La production littéraire au sens large du terme est évidemment intéressée par ces changements : certains auteurs, conscients des conditions nouvelles qui leur sont offertes, adaptent leur production au support imprimé ; d’autres en revanche feignent de s’opposer à une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis ; d’autres encor - mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes - exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Ainsi, à la Renaissance plus qu’en aucun autre temps, lire un texte suppose-t-il de connaître un ensemble d’éléments en apparence étrangers à l’élaboration littéraire, mais en réalité intimement liés à l’acte de création. Les seize contributions réunies examinent les différentes étapes de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre sa publication éventuelle et à sa réception.
-
La Renaissance de l’épopée présente une synthèse pionnière sur la poésie épique en France à la fin de la Renaissance, de La Franciade de Ronsard (1572) à la préface de Chapelain à l’Adone de Marino (1623). Elle exhume un corpus méconnu denviron quatre-vingts œuvres, composées quelquefois par de grands poètes comme Du Bellay, d’Aubigné, Du Bartas ou d’Urfé, souvent surprenantes, révélatrices toujours de l’esprit héroïque qui anime les contemporains des derniers Valois et es premiers Bourbon. Elle étudie la réception française des œuvres épiques de l’Antiquité, du Moyen Âge, de la Renaissance italienne, expose les théories poétiques et confronte la pratique à ces dernières.
Après Ronsard, le genre tend à se spécialiser en espèces qui ont chacune leur rhétorique, leur thématique et leur philosophie propres. L’ouvrage propose donc une typologie, chaque espèce du poème épique correspondant à des choix religieux, éthiques, philosophiques, politiques et esthétiques.
-
Non de Venus les ardentz estincelles,
Et moins les traictz, desquelz Cupido tire :
Mais bien les mortz, qu’en moy tu renovelles
Je t’ay voulu en cest Oeuvre descrire.
D’entrée, Scève définit la singularité de son canzoniere. Comme la traduction de La Deplourable fin de Flamete, sa Délie est d’abord leçon, avertissement, salutaire mise en garde. Elle se veut exemplaire et commune. Nourrie d’Hésiode et de Virgile, de Dante, de Pétrarque et de Marot, de Platon, de Ficin et de Léon l’Hébreu, mais également – aussi étrange que cela puisse nous paraître –, de la poésie mariale du Puy de Rouen, elle propose d’illustrer pour le plus grand bénéfice du lecteur les dangers guettant tous ceux qui, imprudents mariniers, osent s’aventurer dans les " gouffres amers " de " la naufrageuse mer d’amour ". Elle est surtout, par-delà le " travail ", les " angoisses ", les " souffrances " et les " morts ", le plus bel hymne jamais composé par un poète de notre Renaissance à la gloire de l’amour humain, cette " flamme si saincte " qu’elle peut vaincre à la fois la Mort et le Temps.
Le texte reproduit est celui de l’édition publiée à Lyon en 1544 par Antoine Constantin. Etablies à partir de l’édition parisienne de 1564, les variantes figurent en tête de chacune des Notices regroupées dans le second volume.
-
-
Dès les premières séances du Consistoire, certains Genevois trouvaient que le joug disciplinaire "frottait". Cependant, comme le chroniqueur Michel Roset l'a noté, ce n’est qu’au début de 1547 que François Favre et d’autres Genevois de premier rang, enflammés par les mesures disciplinaires, commencèrent à s'opposer ouvertement à Calvin. Certes, le Consistoire s’occupait toujours des affaires matrimoniales et des résolutions de conflits. Quelques personnes qui firent boire des aphrodisiaques à de jeunes mariées font leur apparition dans le présent tome. Certes, le Consistoire réprimandait ceux qui célébraient les fêtes "papistes" et qui préféraient prier en latin. Les gens qui emportaient le pain de la sainte Cène et tel ivrogne qui avait vomi pendant le sermon furent tous traînés devant le Consistoire. Ce volume reste donc une source riche et variée pour l’histoire sociale. Cependant, l’historien de la Réforme calvinienne y verra aussi l’amoncellement des nuages qui vont déchaîner l’orage de 1555, dont Calvin sortira victorieux. Les contestations de l’autorité consistoriale deviennent fréquentes, les remarques contre les réfugiés français communes. Il devient de plus en plus clair que l’avenir de la Réforme genevoise est en jeu. C’est un moment charnière, que cet ouvrage dévoile dans tous ses détails, et pour la première fois en forme accessible.
-
Magistrat humaniste et moraliste prisé de son siècle et réimprimé sans cesse durant le suivant, Guy Du Faur, seigneur de Pibrac, aboute la première Renaissance et le temps des guerres de religion comme il marie la République des Lettres et le monde des praticiens du droit.
Avocat général du roi puis président au Parlement de Paris, il est un membre très actif de l'Académie du Palais de Henri III. Auteur de Plaisirs de la vie rustique et de Quatrains qui seront constamment récités et mémoris©s au XVIIe siècle – notamment par le futur Louis XIII – et seront encore imités par Voltaire, Pibrac est un modéré proche de Michel de L'Hospital, qu'il met en scène dans son poème rustique.
Donnant la première édition critique de cet humanite gallican, Loris Petris décrit et localise enfin toutes les éditions parues du vivant de l'auteur. Il fournit une introduction biographique, l’analyse littéraire des textes édités, le texte annoté des Quatrains, des Plaisirs de la vie rustique et des sonnets.
-
Dans son désir de décliner toute la gamme lyrique et de faire la preuve de sa compétence dans tous les genres, Flaminio de Birague, exploitant l'engouement que connaît depuis Belleau le genre bucolique, crée dans l'édition de 1585 une section intitulée Bergeries, à la façon de Desportes qui l'avait précédé en 1583, placée sous le signe de la diversité et du disparate, sans lien narratif, qui lui permet de s'inscrire comme le digne disciple et le légataire direct de Ronsard. Suit la section des Meslanges, libellus constitué de soixante-cinq pièces, extrêmement structuré, album aulique et encomiastique, dont l'organisation méthodique, systématique et protocolaire cherche à reproduire l'image de la société valoisienne d'alors et se veut l'icône des forces en présence, pesant et soupesant les fragiles équilibres politiques. Dans l'ultime section, Epitaphes, Birague semble vouloir faire la preuve de sa maîtrise du genre funèbre en en exploitant tous les possibles, en même temps qu'il met cette comnpétence littéraire au service d'une stratégie curiale et politique qui laisse deviner ses préférences pour les Guise et la Ligue.
-
Un poète méconnu que ce Christofle Du Pré, sieur de Passy en Brie, dont le nom n’évoque en général que le titre qu’il a choisi pour son recueil poétique. On sait que les autres membres de sa famille appartiennent au Parlement de Paris, et lui-même, sans que l’on puisse préciser la nature de ses liens avec le Parlement, contribue par une odelette à La main d’Etienne Pasquier, recueil collectif de pièces composées à l’occasion des " Grands Jours de Troyes " de 1583. Un des sonnets liminaires des Larmes funebres nous apprend qu’il s’est rendu à Constantinople après la Saint-Barthélémy, peut-être missionné dans le cadre de fonctions au Parlement.
De retour de Constantinople, il épouse une veuve, Antoinette de Faucon ; quatre ans plus tard, en juillet 1577, elle meurt. Cette tragédie personnelle inspire à Du Pré Les larmes funebres, soixante-quinze sonnets et trois odes en mémoire de la disparue qui font de leur auteur, Passy, le Passionné par excellence, au sens christique du mot. Ce canzoniere très particulier est aussi une prise de position en faveur de l’amour conjugal – singularité revendiquée haut et fort, au moment même où Amadis Jamyn publie Le misogame et où Philippe Desportes, le poète à la mode, donne à lire des stances contre le mariage.