Renaissance
-
Emergence du sujet : la formule scellant ce recueil d'études sur les XVIe et XVIIe siècles cautionne la perplexité qu'inspire la notion de « sujet », que Burckhardt, Nietzsche puis Brunschwig avaient pourtant érigé en indice des temps modernes. Le terme même d'émergence suggère que le sujet reste défini par une configuration de concepts mal identifiés voire indéterminés. L'apparence de simplicité d'un « sujet » dissimule la multiplicité de formes, de significations et de définitions que la subjectivité est susceptible d'adopter selon les occasions, les époques ou les stratégies ponctuelles. Néanmoins, le bilan global des communications réunies ici, pour diverses qu'elles soient, dégage certaines constantes et autant de convergences : bien que le « sujet » soit orné de définitions par défaut, ces dernières lui déterminent à tout le moins un cadre herméneutique relevant de l'esthétique (l'auto-représentation auctoriale, l'origine et l'originalité de la parole), de l'ontologie (l'exil, la mort, le deuil) et de la représentation (le masque, la théâtralité, l'intersubjectivité).
-
Voici les Actes du premier colloque jamais consacré à Guillaume Du Vair, parlementaire, orateur et écrivain dont les Œuvres, rassemblées en 1606, intéressent l’histoire politique – Du Vair fut en effet conseiller de Paris pendant la Ligue, premier président du parlement de Provence pendant vingt ans, puis garde des sceaux au début du règne de Louis XIII –, l’histoire philosophique et religieuse – il fut l’un des acteurs, avec Juste Lipse en Flandre, du mouvement néo-stoïcien de la fin du XVIe siècle et participa au renouveau des méditations bibliques sous le règne d’Henri III –, celle du droit – car il est aussi l’auteur de remontrances parlementaires et d’arrêts solennels –, l’histoire littéraire enfin – en ce qu’il annonce avec le traité De l’éloquence une réforme de la prose comparable à celle menée peu après par Malherbe dans le champ poétique.
La connaissance de Guillaume Du Vair a considérablement progressé notamment grâce à l’étude de sources très peu utilisées jusqu’ici (archives notariales ; sources régionales; données lexicologiques) et à l’exploitation d’une partie du corpus à peu près inexplorée (harangues parlementaires; lettres ; vers français ; traductions et exercices oratoires; pamphlets contemporains).
-
-
-
-
La nuit n’a pas la faveur des historiens. Les spécialistes de la Renaissance nous assurent qu’elle est le moment de tous les dangers, pour le corps et pour l’âme, alors tourmentés par le diable et les rêves impurs. L’enquête menée par Daniel Ménager dans la culture littéraire des élites parvient à des résultats fort différents. A la suite d’Orphée et bien avant les romantiques, les poètes de la Renaissance y ont trouvé le temps de l’apaisement. Les astronomes, comme Galilée, ont attendu impatiemment que la vaste nuit allumât étoiles et planètes. Quant aux mystiques, ils ont cherché des nuits entières les voies obscures du désir de Dieu. Il n’en fallait pas plus pour que les livres d’emblèmes célèbrent, avec l’artifice de la concision, les vertus du travail nocturne. Si la nuit est normalement destinée au sommeil, le héros de cet ouvrage, Don Quichotte de la Mancha, celui qui joue ses rêves les yeux ouverts, vient nous sommer de sacrifier le repos au devoir de vigilance. La Renaissance et la nuit écrit l’histoire d’une conception; ses heures d’élection incitent aussi à la rêverie en compagnie de Pétrarque, Sannazar, Michel-Ange, Le Tasse, Ronsard, Belleau, Shakespeare, Cervantès et de beaucoup d’autres, dont quelques peintres qui, autrement que les écrivains, ont donné à voir la nuit.
-
Le parlement de Paris, voix de la « raison », a-t-il réussi à se faire entendre en ce XVIe siècle de luttes civiles et religieuses, alors que se déchaînaient les passions les plus irraisonnées ? C'est à cette question que répond Sylvie Daubresse en suivant les réactions du Parlement aux événements qui ont marqué les premières guerres de Religion en France. L'attitude du Parlement à l'égard de la politique religieuse et des exigences financières de plus en plus lourdes du pouvoir royal, engendrées par la « nécessité » de la guerre, est examinée dans le détail. L'étude apprécie les fondements théoriques et symboliques du pouvoir comme les pratiques de la première cour souveraine du royaume. Elle est centrée sur l'enregistrement des édits royaux et l'expérience du droit de remontrances, dont les sources sont principalement manuscrites, mais s'appuie également sur des sources imprimées comme les traités politiques et juridiques, la correspondance diplomatique, les chroniques contemporaines. Pendant cette époque troublée de l'histoire de France, le parlement de Paris et le gouvernement royal, malgré quelques heurts, arrivent généralement à des solutions de compromis qui sont les signes d'un travail de conciliation et de dialogue permanent. Ainsi l'auteur peut-elle démontrer que, si l'univers politique de la fin du XVIe siècle est animé par la violence et la contrainte, il est aussi fait de persuasion.
-
La Syrinx au bûcher, consacrée à la figure de Pan et à celle des satyres, prend pour point de départ le proverbe humaniste des « Silènes d'Alcibiade », tiré du Banquet de Platon. Elle se clôt sur le personnage du satyre dans la pastorale dramatique, l'opéra et le ballet de cour. Au cours du seizième siècle, l'allégorie des silènes, de Pan et des satyres se transforme en fable et en fiction. Cette double évolution, qui s'apparente à la fois à une dégradation et à une incarnation, est d©clinée dans la poésie, la satire, le théâtre, la danse, les traités de sorcellerie et les arts visuels.
L'image du silène comme symbole de la dualité, la diabolisation et la mort de Pan, la relation du satyre et de la satire et, enfin, le personnge théâtral du satyre établissent une figure qui permet de penser, au croisement de la Renaissance et de l'âge baroque, le rapport de la parole au mal, de l'amour à la loi, de l'homme civilisé à l'autre, qu'il soit animal, monstre, paysan, barbare ou étranger.
-
-