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Jean Golein occupe une place tout à fait particulière aussi bien dans l’histoire des traductions du XIVe siècle, profondément marquée par le règne de Charles V, que dans l’histoire des idées de l’époque. Désormais, une réflexion sur les principes culturels, religieux et politiques devient courante non seulement dans les prologues des traducteurs, mais aussi dans les digressions de type divers qui se manifestent dans le corps même des traductions commanditées par Charles V. Un nouvel humanisme est en train de s’élaborer où religion et politique d’une part, culture et morale d’autre part convergent singulièrement vers une notion jusqu’alors peu exploitée, l’éthique politique. Grâce à Jean Golein, traducteur du Rationale divinorum officiorum de Guillaume Durand, sans doute achevé dès 1286, l’humanisme prend, vers les années 1371-1374, une tournure nouvelle, et ce particulièrement à l’instigation de Charles V lui-même, dans la mesure où il s’agit de transposer en langue vernaculaire, et avant tout pour le roi, un manuel de liturgie raisonnée dans une perspective allégorique et symbolique : c’est la première transposition de ce genre en langue française. Une telle entreprise n’est pas sans conséquence sur l’histoire de la langue, puisque Jean Golein, avec un minimum de néologismes, réussit à rendre en français des concepts qui, jusqu’alors, n’étaient exposés et analysés qu’en langue latine. Le commentaire qui accompagne l’éditon du Racional des divins offices, ainsi que celle des Prologues et du Traité du sacré, montrera à quel point Golein se pose en défenseur de la monarchie de Charles V.