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L'homme de la Renaissance, nouvel Adam dans le jardin du monde, y mesure ses pouvoirs : tout jardin imite la variété et l'abondance de la nature, pose la concurrence entre le naturel originel et l'artificiel. Aussi, en cet âge de ressourcement, la tradition topique du jardin littéraire est-elle sollicitée pour redéfinir les modèles. Les schèmes littéraires sont si puissants qu'ils infléchissent la réalité des jardins : le lieu de plaisir, tout sensuel qu'il devient, reste hautement symbolique d'une relation à la nature perçue à travers les images antiques, les jardins mythiques ou ceux de l'exégèse. L'enquête, qui observe les jeux de miroirs entre la littérature et le jardin réel, explore aussi le jardin de la quête intérieure et celui de la rhétorique. Elle prouve la convergence des discours tenus par l'horticulture, l'agriculture, l'architecture, les sciences naturelles, l'exégèse, l'alchimie, les entrées royales et tous les genres littéraires pour éclairer les bouleversements de l'imaginaire.
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Dès la préface des Odes, en leurs paysages, Ronsard se fixe la tâche ardue de saisir l' "inconstance". Rivaliser avec les plus grands poètes le conduit à imiter la perfection de la nature qui, à partir du chaos, élabore peu à peu un ordre: il célèbre alors les saisons représentatives d'une poétique du mouvement. Bientôt des paysages et du style émerge l'exigence supérieure du naturel. Dès lors, la peinture de la nature prend un tour propre: aux modèles anciens elle associe ce qui relève du plus grand art, faire disparaître l'artifice, suggérer le mouvement, la ligne courbe. Finalement, le goût pour l'inconstance mène Ronsard vers un paysage idéal, une beauté harmonieuse, mesurée et sobre qui prépare le naturel du siècle clasique..