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Musset libertin ? Alors que le romantisme est à son apogée, «l’enfant du siècle» rêve de Louis XV et de Casanova. Sa nostalgie pour un monde révolu, imaginé d’après la littérature, a quelque chose d’anachronique et en même temps de révolutionnaire. L’élégance insolente et la sensualité du XVIIIe siècle rajeunissent sous sa plume, rehaussées par une touche de poésie toute personnelle. Son œuvre en retire une grande liberté de pensée et de langage, comme un léger parfum de scandale. Musset joue en virtuose des sous-entendus du discours libertin puisant dans un riche intertexte qui va de Marivaux à Louvet de Couvray, en passant par Crébillon fils et Laclos. Il en retient notamment l’art de jouer avec le lecteur, en vue d’établir avec lui un rapport tout à la fois de complicité et de défi. Pris dans les chassés-croisés de la séduction et du retrait, de l’aveu et du déni, ce discours postule l’ambivalence entre cynisme et sentimentalisme. Il suggère une secrète parenté entre double sens libertin et ironie romantique. Ainsi, de la reprise au dépassement du modèle hérité du siècle des Lumières, l’œuvre de Musset trouve la voie de son originalité et de son charme.