L’histoire du canal de Suez et de la firme qui en a obtenu la concession (pour la construction et la gestion jusqu’en 1968) aura suscité des controverses dès l’origine, lors des tensions euro-égyptiennes des années 1950 et encore durablement parmi les idéologues, parmi les spécialistes de géopolitique et de relations internationales, et enfin parmi les historiens. En croisant des archives d’entreprise, des témoignages, des thèses et nombre d’ouvrages, notre livre entend tout à la fois reconstituer les faits et nourrir les débats, en aspirant à un équilibre serein. L’aventure de Suez est d’abord une belle histoire mêlant utopie, esprit d’entreprise, révolution industrielle, enjeux du décollage économique de l’Égypte et mobilisation financière, humaine et technique au service d’un « grand projet ». L’actualité d’un tel livre réside précisément dans la mode présente des concessions et des « grands projets » car il incite à méditer sur la prise de risque et le capital de compétences nécessaires. Nous avons aussi reconstitué la culture d’entreprise de Suez, sa forte culture technique dans la maintenance et l’amélioration du canal, sa bonne conscience en Égypte, et, peu à peu, son assise institutionnelle dans les communautés françaises et anglaises des affaires et des empires. Le décalage entre cette culture et les mutations de l’environnement géopolitique ont créé une crise structurelle, qui a débouché sur « la crise de Suez 1956 ». Mais nous précisons comment la Compagnie de Suez a pu mobiliser son renom et sa « cagnotte » pour renaître et entamer une deuxième étape de sa vie capitaliste. Fortement imprégné des méthodes de « l’histoire d’entreprise » et riche en données statistiques, ce livre n’en reste pas moins vivant, par ses argumentations récurrentes et par son stock iconographique.