Renaissance
-
Dracula, le Prince des Ténèbres entré dans l'imaginaire européen grâce à la fantaisie féconde d'un romancier irlandais du XIXe siècle, Bram Stoker, a une origine bien réelle: la vie assurément sanglante - et pourtant non dépourvue de sagesse - de Vlad III, prince de Valachie, qui régna par intermittence au milieu du XVe siècle.
Vlad Tepes (l'Empaleur), car tel est l'autre surnom du prince cruel, fut courageux dans sa lutte contre les Turcs, et prouva son intelligence meurtrière en guerroyant contre les Bulgares. Matei Cazacu étudie l'origine et la diffusion en Europe orientale des différents récits du XVe siècle qui composent la légende de Dracula, et offre une édition critique des textes allemand et russe avec leur traduction française. Si l'édition est savante, la légende se dévore facilement. Le Dracula historique fut sanguinaire, mais sa destinée ne s'achève pas comme celle du héros fantastique: il finit taillé en pièces.
-
Le colloque sur les paraphrases bibliques aux XVIe et XVIIe siècles qui s'est tenu à Bordeaux en septembre 2004 a réuni des chercheurs venus d'horizons divers pour mener une réflexion sur une pratique d'écriture très féconde à l'époque, quoique déroutante à la fois par la diversité des champs qu'elle recouvre (théologie, liturgie, littérature, musique) et par la variété des postures qu'elle adopte ou des visées qu'elle poursuit (traduction, exégèse, homélie, sermon, imitation ou explication poétique). La marge de manœuvre que la démarche même de la réécriture laisse au paraphraste lui permet de franchir les limites imposées aux genres traditionnels, et de s'aventurer sur des chemins de traverse qui sont pour son œuvre autant d'occasions de démontrer ses facultés de souplesse et de rénovation. Réécrire, qu'il s'agisse d'expliquer, d'interpréter ou tout simplement de répéter, c'est s'approprier le discours de l'autre. Sous cet angle, l'appellation de paraphrase se révèle trompeuse : elle n'est pas un acte de subordination idéologique ou littéraire, mais bien plutôt l'apprentissage d'une forme de liberté - liberté de pensée, liberté d'écriture, séparées ou conjuguées selon les cas. Le choix du texte de base, son interprétation idéologique, sa translation formelle, son utilisation (liturgique, polémique, pastorale ou autre), tels sont les indices d'une singularité qui s'élabore et s'affirme en bordure de l'autre.
-
Ce deuxième volume des Centuriae Latinae, dédié à la mémoire de la regrettée Marie-Madeleine de La Garanderie, vient compléter le premier volume, offert à Jacques Chomarat. On trouvera ainsi des notices sur Aléandre, Calepin, Pic de la Mirandole et Salmon Macrin, mais également d'autres consacrées à des imprimeurs -Henri Estienne ou Johann Froben -, à des érudits et à des auteurs qu'on ne tient communément pas pour des humanistes - Bucer, Des Masures, Maldonat.
Les cent une notices bio-bibliographiques, rédigées par les meilleurs spécialistes, couvrent à nouveau quatre siècles, du XVe au XVIIIe (à quoi il faut ajouter un passage par le XIIe siècle), une attention particulière étant réservée à l'humanisme français, sans que soit négligée la dimension européenne. Chaque notice de cet instrument de travail est terminée par une bibliographie des oeuvres et des études ; un index cumulatif des deux volumes achève d'en faire un ouvrage de référence cohérent.
-
-
-
Le Registre du Conseil de Genève de 1538 est d'une formidable richesse, abordant des domaines aussi variés que l'économie, la religion, la justice, la politique et les institutions. L'année 1538 est marquée par la poursuite de la reconnaissance du droit de la Seigneurie sur les anciens biens ecclésiastiques - revendiqué par les Bernois d'une part et le roi de France d'autre part, dans un contexte où les soupçons d'espionnage comme les attroupements de soldats aux portes de Genève y font grandir l'inquiétude -, par l'affermissement du contrôle social et moral, par la création de la Chambre des Comptes, par l'unification cérémonielle avec Berne et surtout par le bannissement de Calvin et Farel. Les élections du début de l'année ayant port© au pouvoir leurs opposants, ces derniers tentent de les tenir à l'écart de la politique et de les museler en les empêchant de prêcher. N'y parvenant pas, ils les feront expulser de la ville pour insubordination.
-
Les Commentaires de la langue grecque constituent la première tentative de dictionnaire grec fondé sur le dépouillement lexicographique d’un vaste corpus d’auteurs grecs, une centaine environ. Or, cet ouvrage n’est pas organisé selon l’ordre alphabétique qui convient à un dictionnaire, ni comme un thesaurus, par mots-racines, mais il se présente sous les dehors d’une longue dissertation sur la langue grecque, avec de fréquents renvois à ses équivalents latins. De plus, nombre de digressions enrichissent le discours principal, conférant au livre l’allure d’une encyclopédie littéraire, philosophique, scientifique et juridique. Enfin, les textes liminaires sont remarquables : la préface au roi François Ier est considérée comme l’acte de naissance du Collège des Lecteurs royaux, futur Collège de France, tandis que la postface « aux jeunes gens épris de lettres grecques » est un manifeste de didactique humaniste. Mis à part la préface et quelques extraits, les Commentaires n’ont jamais fait l’objet d’une étude systématique.
L’étude pionnière sur les Commentaires dans leurs deux éditions (1529 et, posthume, 1548 puis 1557) s’est fondée sur trois éléments : l’analyse des 1560 colonnes de texte dans l’édition de 1557 ; le dépouillement informatique des quelques 20 000 citations grecques et latines que Budé y a insérées ; la collation de l’exemplaire de l’édition de 1529 ayant appartenu à Budé (BnF, Rés. X. 67), qui l’a richement annoté en l’augmentant d’environ un tiers, en vue de la deuxième édition.
Ces trois assises ont permis, d’une part, de rendre compte de la véritable construction des Commentaires, d’autre part d’éclairer les étapes de la préparation dun ouvrage aussi novateur, afin de mieux comprendre les méthodes de travail de Budé. Outre combler une lacune majeure dans notre connaissance de l’œuvre de l’humaniste parisien, cette recherche amène à reformuler les axes de la biographie de dé, en mettant en évidence son travail de longue haleine sur l’ensemble de la littérature grecque, ce dont les Commentaires représentent l’aboutissement et la maturité.
-
Au mois de mai 1588, le roi est chassé de sa capitale par la crise déclenchée par l'arrivée du duc de Guise. Quand il essaie de se ressaisir en convoquant les Etats généraux, il se voit brimer par les représentants du Tiers Etat, qui, même s'ils travaillent souvent de concert avec les chefs de la Ligue, entendent renforcer l'autonomie urbaine.
Mais le roi y voit l'influence néfaste d'Henri de Guise. Pire encore, il est convaincu que le Balafré est d'intelligence avec Charles-Emmanuel de Savoie, qui, croyant que la France est aux abois, choisit ce moment pour envahir le marquisat de Saluces, dernier reste des conquêtes françaises en Italie. Son ambassadeur, René de Lucinge sait que l'alliance entre Guise et son maître est plus que fragile, mais il étudie, en observateur intéressé, l'engrenage fatal qui amène le roi à faire assassiner son rival. A l'affût des faiblesses de la Ligue aussi bien que de leurs chances de succès, Lucinge est un témoin précieux d'une des époques les plus troublées de l'histoire de la France.
-
Le Tiers Livre que Rabelais publie en 1546 est sans doute le premier ouvrage à traiter strictement de la notion de perplexité. Serai-je cocu ? Cette question cocasse fournit la matière de la première véritable mise en scène littéraire de la notion. Elle recueille les fruits d'un héritage savant, tant juridique que théologique. Pour les juristes, le terme de perplexitas désigne la situation particulièrement délicate où deux lois s'opposent l'une à l'autre, sans espoir de conciliation. Cette inacceptable antinomie réclame des méthodes de résolution originales (renvoi sine die, recours au hasard, mise en place d'une fictio legis, etc.) qui trouvent un écho direct chez des auteurs comme Rabelais et Montaigne. Pour les théologiens, le terme désigne prioritairement le conflit de la loi de l'Église et de la loi de la conscience. A priori impensable dans un monde où Dieu dit la même chose à son Église et à la conscience de chacun, la situation ne survient que par la faute du fidèle qui s'est mis lui-même dans la situation terrible d'inevitabilitas peccandi. Ce double éclairage permet de réévaluer l'histoire de Panurge. De la perplexité initiale du héros à sa résolution - problématique - dans le Cinquième Livre s'ébauche l'esquisse d'un cheminement « thélémique ». L'aventure de Panurge devient alors la métaphore de cet autre chemin retracé par différents textes contemporains, qui mène de la perplexité terrestre à la Jérusalem céleste, autre abbaye de Thélème.
-
Sophie ARNAUD-SEIGLE,
B.C. BOWEN,
Michel CASSAN,
Jean CÉARD,
Richard COOPER,
Marie-Luce DEMONET,
C. ESCARMANT,
Stéphan GEONGET,
J. HIERNARD,
Mireille HUCHON,
L. JAGUENEAU,
Jelle KOOPMANS,
Claude LA CHARITÉ,
J.-L. LE QUELLEC,
Myriam MARRACHE-GOURAUD,
Trevor PEACH,
Gaspare POLIZZI,
M. RENAUD,
François RIGOLOT,
Titia J. SCHUURS-JANSSEN,
Paul J. SMITH,
D. VEILLON,
Véronique ZAERCHER
Sommaire / Table of contents: Avant-propos: M.-L. DEMONET, "L'effet de terroir"; R. COOPER, "L'Histoire en fête"; G. POLIZZI, "Rabelais, Thenaud, l'île de la Dive et le Quint Livre"; M. MARRACHE-GOURAUD, "Lanternes poitevines;" C. ESCARMANT et J.-L. LE QUELLEC, "La chasse au Bitard des étudiants poitevins"; M. HUCHON, "Rabelais, Bouchet et la Nef des Folz"; S. GEONGET, "Panurge et Xenomanes, Rabelais et Bouchet"; F. RIGOLOT, "Le Labyrinthe du songe-mensonge"; C. LA CHARITE, "De Architectura Orbis et De l'excellence et immortalité de l'ame d'Amaury Bouchard"; R. GORRIS CAMOS "Va, lettre, va (...) droict à Clément"; B. C. BOWEN, "Rabelais, Claude Cotereau et la tranquillité de l'esprit"; P. J. SMITH et T. J. SCHUURS-JANSSEN, "Plus feal que ne fut Damis a Appoloneus"; D. VEILLON, "Le De legibus connubialibus d'André Tiraqueau"; J. CEARD, Rabelais, "Tiraqueau et Manardo"; J. HIERNARD, "Les Germani à l'Université de Poitiers au temps de Rabelais"; M. CASSAN, "Le panthéon des plumes illustres du Poitou"; L. JAGUENEAU, "Polymorphisme et variation lexicale chez Rabelais"; J. KOOPMANS, "Rabelais et l'esprit de la farce"; T. PEACH, T"rois lustres d'édition poitevine"; V. ZAERCHER, "L'écriture à "diverses mains"; S. ARNAUD, "Peut-on attribuer à Jacques Peletier du Mans la paternité des Discours non plus mélancoliques que divers?"; M.-L. Demonet, "Rabelaiseries"; M. RENAUD, "En Poitou, c'est-à-dire nulle part...".