-
Table des matières
Sylvain Cornic, Pierre Servet, "Introduction"
Antoine Biscéré, "Splendeurs et misères de la conciliation: l'appropriation néolatine de l'héritage ésopique"
Mathieu de la Gorce, "Le conciliateur et le conciliant. Rejet et imitation du discours de conciliation dans la polémique protestante des années 1535-1565"
Déborah Knop, "La conciliatio, entre exorde et disgression: Montaigne, Essais, II, 25, "De ne contrefaire le malade""
Francis Goyet, "Le discours de (re)conciliatio (Junius, 1598): enjeux politiques d'une analyse rhétorique"
Natacha Salliot, "Divergences confessionnelles et tentatives de conciliation en France (XVIe-XVIIe siècles). L'exemple du dialogue Le Pacifique... de 1590"
Stéphane Macé, "L'amplificatio, l'attenuatio et l'exercice de la conciliation: l'exemple des lettres et poèmes de consolation du premier XVIIe siècle"
Patrick Dandrey, "Le classicisme conciliateur. L'exemple de La Fontaine"
Aurélia Gaillard, "La fable (ou fiction fabuleuse) aux XVIIe et XVIIIe siècles entre allégorie et analogie: une écriture du détour ou de la conciliation?"
Cécile Lignereux, "La douceur comme stratégie de conciliation épistolaire"
Stéphanie Bernier-Tomas, "Aspects de la conciliation dans le conte en vers au XVIIe siècle"
Sylvain Menant, " Voltaire, une écriture de la conciliation?"
Audrey Guitton, "La voix secrète des sens ou le tableau tahitien du Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot"
Sylvianne Remi-Giraud, "Approche lexicographique, sémantique et diachronique de concilier et conciliation
Après la polémique, cette nouvelle livraison des Cahiers du GADGES se tourne vers la conciliation, rencontrée naturellement dans le cadre de la réflexion précédente comme dynamique de l'équilibre des contraires. Les treize contributions présentées ici, qui ont jalonné et nourri deux années de recherche en séminaire, mettent au jour les facettes et les évolutions d'une notion plus complexe que l'image floue d'attitude psychologique et morale à laquelle on la déduit trop souvent. L'analyse de la conciliation, conçue d'abord comme un discours codifié, par les rhétoriciens montre bien le rôle de ce qui est à la fois une forme et un élément de stratégie, qu'on se place dans le contexte politique d'une guerre civile ou dans le cadre des controverses religieuses. Elle peut alors être dénoncée comme une manipulation, et comme un masque ambigu qui rapproche en même temps qu'il tente d'exclure ou de convertir. Elle est aussi un détour nécessaire pour approcher un auditoire sans le heurter par une attitude moralisante: travail de la dispositio chez Montaigne, alliance de l'amplificatio et de l'attenuatio dans la consolation, écriture de la douceur maternelle chez Mme de Sévigné. Cette notion-clé de la morale du classicisme ressortit aussi à une esthétique soucieuse d'équilibre et d'harmonie, en particulier dans la tension entre la culture ancienne et le goût du temps, déjà sensible dans le traitement de l'héritage ésopique au XVIe siècle. La conciliation possède donc une dimension proprement poétique qui se fait jour dans les jeux de l'écriture (euphémisme, contamination du narratif et du dramatique, conjonction de l'héroïque et du galant, du laconisme et de la gaité pour la fable), et surtout dans le travail des genres, qui se retrouve au coeur de la problématique. Les stratégies d'adaptation au public, à l'oeuvre en particulier dans le dialogue, la fable, le conte, prennent chez Voltaire la dimension d'une véritable "diplomatie de l'esprit" au service d'une action. La complexité des conceptions et des pratiques de la conciliation, reflétée dans ses aspects lexicographiques et sémantiques, le fait apparaître comme résolution mais aussi comme instrument du polémique. C'est sans doute dans cette conscience fort ancienne de ses pouvoirs que prend racine la pragmatique moderne de la communication.