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Cet ouvrage collectif, composé de vingt-quatre études, part du constat qu’il n’est pas d’œuvre poétique plus foncièrement hétérogène que celle de Baudelaire. De sorte que mieux comprendre le rapport de Baudelaire à ses autres, c’est tout à la fois considérer l’altérité intime inhérente au sujet lyrique – l’étrangeté de ses métamorphoses, la singularité des masques qu’il revêt tour à tour –, et écouter au plus près les voix multiples et contrastées qui résonnent en cette œuvre. Aussi bien cette « polyphonie énonciative » procède-t-elle, en amont, des voix littéraires dont la subjectivité s’est nourrie, et s’amplifie-t-elle, en aval, des lectures et interprétations qu’ont pu proposer, en un siècle et demi, des écrivains ayant élu cette œuvre comme le lieu nécessaire de leur réflexion sur la poésie, voire sur sa traduction.
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Le Cahier brun ou Deuxième cahier, complémentaire du Cahier vert (1834-1847) publié en 1976 par Raphaël Molho, est un ensemble d' « Observations et pensées » allant de septembre 1847 à décembre 1868. Le manuscrit, conservé à la Bibliothèque de l'Institut, est retranscrit ici intégralement pour la première fois. Ces réflexions, égrenées au fil de la plume et de l'humeur, font entrer le lecteur dans le laboratoire mental de l'écrivain. On y trouve pêle-mêle des maximes dans la plus pure tradition moraliste, des esquisses de portraits, des conversations et anecdotes couronnées d'une pointe maligne ou sceptique, et toujours, dans l'entre-deux des eaux morales et littéraires, une mise à nu des excès de l'imagination et de la vanité. Chronique littéraire, le Cahier brun est tout autant une chronique politique, où défilent les grandeurs du siècle, les directeurs de revues, les caméléons de l'opinion, d'un mot, toute la gent animale de la politique, de la littérature et du journalisme parisiens. Ce cahier est enfin une bibliothèque, en ce qu'on y accompagne Sainte-Beuve en nombre de ses lectures, que s'impose à tout moment la tentation du bilan, au rythme d'une pensée toujours mobile, soucieuse d'ôter les masques, sauf à se retrouver désenchanté de soi et de tous. Cette édition est complétée par deux autres inédits : la série des 116 feuillets que Sainte-Beuve avait prévu d'intercaler dans le Cahier brun, ainsi qu'un « troisième cahier » composé de 13 feuillets correspondant aux dernières semaines de l'écrivain. Professeur de littérature française à l'Université de Zurich, Patrick Labarthe a publié chez Droz Baudelaire et la tradition de l'allégorie (1999, rééd. en « Titre courant » en 2015 avec une pr©face d'Yves Bonnefoy).