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Cet ouvrage collectif, composé de vingt-quatre études, part du constat qu’il n’est pas d’œuvre poétique plus foncièrement hétérogène que celle de Baudelaire. De sorte que mieux comprendre le rapport de Baudelaire à ses autres, c’est tout à la fois considérer l’altérité intime inhérente au sujet lyrique – l’étrangeté de ses métamorphoses, la singularité des masques qu’il revêt tour à tour –, et écouter au plus près les voix multiples et contrastées qui résonnent en cette œuvre. Aussi bien cette « polyphonie énonciative » procède-t-elle, en amont, des voix littéraires dont la subjectivité s’est nourrie, et s’amplifie-t-elle, en aval, des lectures et interprétations qu’ont pu proposer, en un siècle et demi, des écrivains ayant élu cette œuvre comme le lieu nécessaire de leur réflexion sur la poésie, voire sur sa traduction.
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Les portraits littéraires de Sainte-Beuve sont un peu les intérieurs hollandais de la littérature française. Si l’on considère le poète qu’il fut – celui de Vie, poèmes et pensées de Joseph Delorme, des Consolations et des Pensées d’août –, le romancier de Volupté, tant prisé par Baudelaire et Flaubert, l’historiographe de Port-Royal enfin, c’est autour d’une ontologie de l’intime que l’ensemble de l’œuvre peut se recentrer. Ce livre s’efforce de suivre l’expérience et la pensée de l’intime chez Sainte-Beuve, en ses inflexions psycho-morales, politiques et stylistiques. Une première partie regroupe ces « fables romantiques du sujet » que sont Joseph Delorme, Volupté et, dans son prolongement, le terminus ad quem de l’éros romantique : Dominique de Fromentin. Une deuxième partie, fondée sur le postulat qu’il n’est rien de plus créatif que l’inimitié littéraire, étudie les dialogues entravés avec Balzac – le contemporain de loin le plus ha¯ –, Chateaubriand, et Proudhon. Une troisième partie explore la poétique du portrait et dans les Lundis et dans ce qui est à la fois une contre-épopée des vaincus de l’Histoire et l’élégie d’une religion finissante, l’inépuisable Port-Royal.
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Le Cahier brun ou Deuxième cahier, complémentaire du Cahier vert (1834-1847) publié en 1976 par Raphaël Molho, est un ensemble d' « Observations et pensées » allant de septembre 1847 à décembre 1868. Le manuscrit, conservé à la Bibliothèque de l'Institut, est retranscrit ici intégralement pour la première fois. Ces réflexions, égrenées au fil de la plume et de l'humeur, font entrer le lecteur dans le laboratoire mental de l'écrivain. On y trouve pêle-mêle des maximes dans la plus pure tradition moraliste, des esquisses de portraits, des conversations et anecdotes couronnées d'une pointe maligne ou sceptique, et toujours, dans l'entre-deux des eaux morales et littéraires, une mise à nu des excès de l'imagination et de la vanité. Chronique littéraire, le Cahier brun est tout autant une chronique politique, où défilent les grandeurs du siècle, les directeurs de revues, les caméléons de l'opinion, d'un mot, toute la gent animale de la politique, de la littérature et du journalisme parisiens. Ce cahier est enfin une bibliothèque, en ce qu'on y accompagne Sainte-Beuve en nombre de ses lectures, que s'impose à tout moment la tentation du bilan, au rythme d'une pensée toujours mobile, soucieuse d'ôter les masques, sauf à se retrouver désenchanté de soi et de tous. Cette édition est complétée par deux autres inédits : la série des 116 feuillets que Sainte-Beuve avait prévu d'intercaler dans le Cahier brun, ainsi qu'un « troisième cahier » composé de 13 feuillets correspondant aux dernières semaines de l'écrivain. Professeur de littérature française à l'Université de Zurich, Patrick Labarthe a publié chez Droz Baudelaire et la tradition de l'allégorie (1999, rééd. en « Titre courant » en 2015 avec une pr©face d'Yves Bonnefoy).
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
I L’allégorie, « ce genre si spirituel » : Les modèles rhétorique et théologique ; rhétorique et théologie du secret de la fable à l’art des emblèmes ; la « crise romantique » ; l’allégorie et son lexique ; allégorie, subjectivité et mémoire.
II Présence de l’allégorie dans l’oeuvre poétique et critique de Baudelaire : Critique littéraire ; critique picturale et musicale ; Pauvre Belgique ! et les Journaux intimes ; les Paradis artificiels.
III Pour une typologie de l’allégorie dans Les Fleurs du Mal et Le Spleen de Paris. La « rhétorique profonde » ; la majuscule allégorisante ; symbole/ allégorie : une incertitude lexicale ; essai de répartition : les emblèmes ; allégories narratives/allégories figuratives ; intériorisation et détachement un paradigme dans les Fleurs du Mal ; statut de l’allégorie dans Le Spleen de Paris ; « la folle du logis rhétorique ».
IV La « convergence allégorique ». L’allégorie selon Walter Benjamin ; gains d’une approche historique; perspective générale.
Première partie : BAUDELAIRE ET LA TRADITION CHRÉTIENNE DE L’ALLÉGORIE
CHAPITRE PREMIER
LE DIALOGUE AVEC CHATEAUBRIAND
I — UN DIALOGUE INSISTANT
Un aristocrate du tombeau
Lécole de la mélancolie
Une esthétique du « sublime »
Une admiration ambiguë
II — LES SITES DE L’INQUIETUDE
L’inquiétude, le remords, le vide
La « distensio animi »
La Douleur fécondante
III — UN RELAIS DE L’AUGUSTINISME : SAINTE-BEUVE
Sainte-Beuve, exégète de Chateaubriand
L’ascète et le libertin : un « même fruit amer »
Les disciples infidèles d’Augustin
Le Poème-Épître à Sainte-Beuve
IV — LE THEATRE DE L’EROS
Les Natchez ou « l’épopée de l’inceste »
Néo-classicisme et nostalgie de l’origine
D’un satanisme à l’autre
De la Sylphide à la soeur-enfant
CHAPITRE II
DE LA POÉTIQUE DU SECRET A L’ANAMORPHOSE BAUDELAIRIENNE
I — UNE POETIQUE DE L’ANALOGIE
La pensée traditionnelle des « Correspondances »
Chateaubriand et la thématique du voile
Allégorie physique, allégorie morale
II — L’ALLEGORIE ET SES LIEUX
La notion du « Beau »
La vision de la Mort
Le rapport intersubjectif
CHAPITRE III
LA TRADITION DES PRÉDICATEURS
I — LE DOCERE CHRETIEN
De la théologie à l’anthropologie
L’éloquence « quintessenciée « de Bourdaloue : une ardente dialectique
Une franche littéralité
Le tempo de l’irrémédiable
II — PORTRAIT DU POETE EN ANATOMISTE
III — TROIS PARABOLES ALLEGORIQUES
Laquelle est la vraie ?
Le Tir et le Cimetière ou la prédication d’outre-tombe
Une parabole sur le mal : Le Joueur généreux
IV — DE L’ESSENCE DU RIRE
CHAPITRE IV
PROVIDENTIALITÉ ET ALLÉGORIE : BOSSUET, JOSEPH DE MAISTRE,GIUSEPPE FERRARI
I — BOSSUET OU LE TABLEAU EN ANAMORPHOSE DE L’HISTOIRE
Baudelaire et le Discours sur l’Histoire Universelle
Une hypothèse sur Baudelaire et la tradition origénienne
II — VIOLENCE ET ALLEGORIE :
BAUDELAIRE LECTEUR DE JOSEPH DE MAISTRE
Une logique du négatif
« Le Gâteau » : Maistre contre Rousseau ?
Les hiéroglyphes de la Providence
III — FERRARI, OU L’HISTOIRE COMME ALLEGORIE DU DESTIN
« Un autre livre dans chaque livre »
« L’harmonie éternelle dans la lutte éternelle »
L’allégorisme du dandy
Deuxième partie :
LES AVENTURES DE PSYCHÉ :HÉRITAGE ET AVATARS BAUDELAIRIENS DE L’IDÉALISME
CHAPITRE V
LES TRADITIONS DE L’ALLÉGORIE : de Winckelmann à Théodore Jouffroy
I — DE WINCKELMANN A GOETHE
Winckelmann, l’anti-baroque
Winckelmann et la dignité de l’allégorie
La dévalorisation goethéenne de l’allégorie
L’allégorie chez Jean Paul
II — LE LANGAGE SYMBOLIQUE
Le symbolisme naturaliste de Creuzer
Le « style symbolique » selon Pierre Leroux
III — LA TRADITION MYSTIQUE : ALLEGORIE ET GNOSE
La gnose swedenborgienne
Lavater ou l’individu comme « harmonie »
La mystique fouriériste
IV — LE ≪ SPIRITUALISME ESTHETHIQUE ≫ DE COUSIN A JOUFFROY
CHAPITRE VI
PAGANISME ET MODERNITÉ : LE STATUT DU MODÈLE ANTIQUE
Le mythe d’un Age d’or
Le péché de l’anachronisme : ironisation et modèle antique
Les derniers témoins de l’antique
Banville, le néo-païen
Le modèle antique et l’ordre de l’éros
Modèle antique et subjectivité moderne
« Un effrayant rappel à l’ordre »
Mythe et allégorie
CHAPITRE VII
PSYCHÉ ET LE SERPENT POÉTIQUES COMPARÉES DE BAUDELAIRE ET DE GAUTIER
I — LE ≪ CONTEMPORAIN CAPITAL ≫
L’art analogique de Gautier
Un « maître » secrètement contesté
II — LA COMEDIE DE LA MORT
Le monument et le caveau
Ténèbres ou les concetti de la mort
III — LA ≪ MODERNITE ≫ : DE GAUTIER A BAUDELAIRE
De « Paris futur » aux « Tableaux parisiens »
Le barbare et le dandy
IV — UT PICTURA POESIS
Entre le modelé et la couleur : Ingres et Delacroix
La sculpture, art de l’Idée ?
Baudelaire, poète-peintre : l’exemple de La Belle Dorothée
« Contemplation, c’est possession
CHAPITRE VIII
PSYCHÉ ET LE SERPENT TYPE ET ALLÉGORIE DE GAUTIER À BAUDELAIRE
I. NOSTALGIE DE LA RHETORIQUE, NOSTALGIE DU TYPE 7
Rhétorique et économie spirituelle
La poétique des Funambules : Pierrot
Deux chevaliers de l’idéal : Don Quichotte et Don Juan
Les affranchis de la matière : l’acteur, la danseuse, le clown
II — GAUTIER, BAUDELAIRE,POETES ALLEGORISTES
Un même penchant pour l’allégorie
L’allégorie de la Chimère
Variétés du duel : « Choc de cavaliers »/« Duellum »
Tropologie et ontologie romantiques
Ironie et exég¨se
Les tribulations de Psyché
La cité et la nuit : destins d’aveugles
Troisième partie :
LA « RHÉTORIQUE PROFONDE » DES PASSIONS
CHAPITRE IX
PARIS COMME DÉCOR ALLÉGORIQUE
Paris comme théâtre de la temporalité
Le paysage parisien ou l’anti-élégie
De la rue au panorama
Le sublime parisien : de Balzac à Baudelaire
Dépersonnalisation et compassion
CHAPITRE X
HOMO SIVE PECUS
LES ENJEUX POÉTIQUES DU « BESTIAIRE » BAUDELAIRIEN
I — BAUDELAIRE ET LA TRADITION DES BESTIAIRES
Saint Augustin et les animaux, « hiéroglyphes » de Dieu
Du théologique au profane : l’Age baroque
Le « bestiaire » baudelairien : questions et méthode
II — EROS ET SES BETES
Le « bétail pensif » de Lesbos
Homo sive canis : entre violence et fi délité
III — UNE ORNITHOLOGIE DE L’EXIL
Cygne et Albatros : mythe et emblème
L’Esprit des bêtes de Toussenel : analogie et péché originel
IV — MENAGERIES INTIMES : GAUTIER, LEROY, BOREL
Théophile Gautier et l’idiome des bêtes
Les « Lettres sur les animaux » de Charles-Georges Leroy
La lycanthropie borélienne
CHAPITRE XI
HOMO SIVE PECUS
I —LE BESTIAIRE DU THEOLOGIEN
La pièce liminaire « Au lecteur »
Le « monstrueux » baudelairien
Bestiaire métaphorique, bestiaire réel : l’exemple d’« Un voyage à Cythère »
Le serpent : entre théologie et esthétique
II — DE LA FABLE A LA PHYSIOGNOMONIE
La « fable » et la tradition scolaire
« Un plaisant » ou l’âne baudelairien
De la « fable » à la physiognomonie mystique
III — MYTHE ET MODERNITE
Poésie et prose du chat
Le corps des bêtes et le Temps
L’art et le rat
L’hybridité belge
CHAPITRE XII
PASSION ET COMPASSION
I — LA PASSION OU L’ORDRE DE L’IMPOSSIBLE
Beau Idéal/Beau historique : de Stendhal à Baudelaire
Les apories de la passion
Un poème emblématique : « L’Amour et le Crâne »
II — LA PASSION OU L’ORDRE DU MAL
Des femmes et des filles
« L’aveuglement salutaire »
III — LA PASSION CREATRICE
IV — LE CHANT PROFOND DE LA COMPASSION
CONCLUSION
I Un changement de rhétorique
II L’« amer savoir » de l’allégorie
III Baudelaire entre symbole et allégorie
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES POÈMES ET OEUVRES CITÉS
INDEX NOMINUM
Ce livre approfondit le lien qu’établit Baudelaire entre l’allégorie, « ce genre si spirituel », et l’essence même de sa poésie. Dire de Baudelaire qu’il est le poète de la « modernité » revient trop souvent à le rapprocher de nous ; il convenait de rendre justice à la complexité des filiations poétiques et philosophiques qui relient ce poète à l’immense tradition allégorique qui le précède. Cet ouvrage de synthèse propose trois face-à-face. Premièrement, avec la tradtion rhétorique et théologique, qui, par des cheminements présumés mais plausibles, aboutit à Baudelaire. En second lieu, avec des œuvres que le poète a explicitement fréquentées : Chateaubriand, les prédicateurs du XVIIe siècle, Joseph de Maistre. Enfin, avec les pensées et les poétiques de contemporains, auxquels le lie un intérêt aussi passionné qu’ambivalent : Théodore de Banville, Pétrus Borel, Théophile Gautier, pour ne nommer qu’eux. Etudiant le passage, au sein du romantisme, d’une rhétorique persuasive à une « rhétorique profonde », l’analyse propose, en alternance, des chapitres historiques et des commentaires sur certains aspects propres à la poésie de Baudelaire. Ce livre, devenu classique, était épuisé. Ce volume est augmenté, en préface, de pages inédites d'Yves Bonnefoy.