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Au siècle des Lumières le monde du livre en France apparaît des plus réglementés, marqué qu’il est par l’encadrement censorial, le contingentement des places d’imprimeur, la surveillance policière et corporative et une apparente « anémie provinciale ». À Paris comme en province, notamment en Basse-Normandie, les Lumières et leurs livres (prohibés ou non) se propagent néanmoins, ainsi qu’une foule de contrefaçons et de livrets de colportage. Or les libraires en titre ne sont pas, loin de là, les seuls agents d’une telle diffusion. Tout un réseau de « libraires forains », originaires pour la plupart des environs de Coutances, y contribue activement, dans un large quart nord-ouest du royaume. Ce monde grouillant ressemble à celui qu’a décrit Robert Darnton à travers les correspondants de la Société typographique de Neuchâtel, mais son ancrage remarquable en Basse-Normandie donne à ce volume de la Prosopographie des gens du livre en France au XVIIIe siècle sa coloration particulière. Si parmi ses 592 notices biographiques figurent certes 250 Caennais, on y compte aussi une centaine de libraires forains et de colporteurs de livres issus du petit village de Muneville-le-Bingard (Manche).