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Si le nom de Marco Polo est universellement connu, on sait moins que Le devisement du monde – tel est le titre original de l’œuvre présentant ses voyages –, autrement dit « la description du monde » est le fruit d’une collaboration entre le célèbre voyageur vénitien et un écrivain de métier, Rustichello da Pisa, qui avait choisi le français comme langue d’écriture, à l’instar de nombre d’écrivains italiens de son temps. L’œuvre a connu rapidement le succès, elle a été adaptée ou traduite en plusieurs langues, de sorte qu’elle nous a été transmise dans diverses « versions » ou « rédactions », française, toscanes, vénitiennes, latines, catalane, franco-italienne. C’est cette dernière, souvent considérée comme la rédaction de référence et la plus proche de l’original, que propose le présent ouvrage, pour la première fois sous la forme d’une édition bilingue, édition critique du seul manuscrit sous lequel elle nous est parvenue (BN fr. 1116), traduction en français contemporain. On découvre une langue déroutante et chatoyante, un français coloré de nombreux italianismes. Cet ouvrage bénéficie d’une traduction fidèle et élégante, d’une introduction et de notes substantielles.
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Le tome VI du Devisement du Monde retrace le retour de Marco Polo vers l’Occident. Les principales étapes de ce long périple sont évoquées dans le présent volume. Le voyageur relève une foule de curiosités dans les îles d’Indonésie, à Sumatra, à Ceylan et surtout en Inde, dont il présente à la fois la côte orientale, vue dans un voyage antérieur, et la côte occidentale, où l’escadre a fait escale à plusieurs reprises. Le marchand est toujours attiré par les épices et les pierres précieuses, mais il est attentif aussi à l’étrangeté des êtres et des comportements. La curiosité fait de lui une sorte d’ethnologue et d’anthropologue avant la lettre. Sur maints pays traversés il relève une foule de choses vues, que les explorateurs ultérieurs n’ont nullement contestées. A propos des îles de Socotra ou de Zanzibar, au sujet de la côte orientale de l’Afrique, du port d’Aden ou du pays de Dhofar dans le sultanat d’Oman, où il ne s’est nullement rendu, il rapporte des traditions orales, sans doute d’origine arabe. Il relate aussi un certain nombre de légendes, qui donnent à l’oeuvre une atmosphère poétique assez attachante. Ce volume, comme les précédents, unit le réel et l’imaginaire, mêle le véridique et le fantastique. Aujourd’hui encore tout au long de ce récit les merveilles de l’Asie continuent de nous intriguer et de nous fasciner.
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Le tome V nous entraîne dans la Chine du Sud, récemment conquise par l'empereur mongol. Mêlant divers déplacements effectués au cours de son long séjour au service du Grand Khan, le voyageur vénitien présente l'ex-empire des Song selon un itinéraire qui mène de la ville de Huaian, sise à l'époque sur le Fleuve Jaune, au grand port méridional de Quanzhou, lieu d'embarquement pour le retour des Polo vers l'Europe en 1291. Chemin faisant, le lecteur suit le Grand Canal et fait étape dans les cités célèbres de Yanzhou, puis de Suzhou, la Venise chinoise, avant de parvenir à Hangzhou, la grande métropole méridionale, et d'atteindre enfin les ports animés de Fuzhou et de Quanzhou. Une digression vers l'intérieur des terres permet d'évoquer le long siège de Xiangyang et de présenter rapidement Kaifeng, ancienne ville impériale. Marco Polo porte toujours un regard curieux sur les paysages, les édifices, les produits et les coutumes remarquables. Hangzhou retient particulièrement son attention. L'ancienne capitale des Song, image vivante d'une civilisation raffinée, le séduit par son magnifique urbanisme, sa foisonnante richesse et son fourmillement de vie. Grâce à elle la merveille devient réalité.
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Le tome IV du Devisement du Monde retrace l'essentiel des déplacements de Marco Polo à travers l'empire de Khoubilai Khan. Le voyageur décrit des villes célèbres, situées à l'est, à proximité du Grand Canal, comme Dezhou, Jining ou Xuzhou. Mais surtout il nous fait descendre de Pékin jusqu'à l'extrême sud-ouest de la Chine. A le suivre on chemine vers Xian, l'ancienne cité du Premier Empereur, on atteint Chengdu, métropole du Sichuan, avant de gagner Kunming, capitale du Yunnan, aux confins glacés du Tibet et des forêts tropicales de Birmanie. On parcourt des vallées fertiles et des montagnes sauvages. On croise des ethnies singulières. Le texte apporte des informations précieuses sur les curiosités des régions traversées (ponts extraordinaires qui enjambent les fleuves, culture du vers à soie, usage de monnaies de coquillages, luttes contre des sauriens gigantesques) et sur les coutumes étranges des peuplades rencontrées (femmes qui s'offrent aux étrangers, scènes de chamanisme). Ce volume nous fait découvrir la diversité géographique et culturelle de la Chine des profondeurs.
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Dans le deuxième tome du Devisement du monde, Marco Polo parcourt le nord de l’Afghanistan et traverse ensuite la Chine septentrionale, en suivant longtemps le chemin des caravanes (route du sud). Les villes citées dans le Xinjiang et dans le Gansu (Kashgar, Yarkant, Khotan, Tcherchen, puis Dunhuang, Jiuquan, Zhangye, Wuwei) sont des étapes obligées de cette antique voie, dite aujourd’hui route de la soie, qui longe ou franchit le désert du Taklamakan, allant d’oasis en oasis à travers maints espaces désolés. Au-delà de Wuwei, Marco Polo semble avoir emprunté un chemin direct par le Ningxia et par le sud de la Mongolie, aux confins du désert de Gobi, sans doute le long du Huang He (Fleuve Jaune), pour atteindre Xanadu, palais d’été du Grand Khan, situé à trois cents kilomètres au nord de Pékin.
Malgré les déserts redoutables, les étendues prodigieuses – cette traversée de la Chine s’étend sur près de six mille kilomètres –, malgré les innombrables périls de cette expédition aventureuse, le voyageur vénitien a atteint son but. Premier explorateur occidental à pénétrer profondément par cette route dans le vaste empire de Khoubilai Khan, il découvre le monde immense et mystérieux de l’Asie.
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Le Devisement du Monde est un des grands récits de voyage du Moyen Âge. Il est le premier à révéler à l’Occident l’étendue immense de l’Asie. Par son caractère extraordinaire, par les informations qu’il apporte à la fin du XIIIe siècle sur la Perse, l’Asie centrale et l’Extrême-Orient, il a passionné les ethnologues, les explorateurs, les historiens de la découverte du monde. La version française, conservée par dix-huit manuscrits, n’avait jamais été étudiée de manière exhaustive, ni en rapport avec les rédactions latine, toscane, vénitienne et franco-italienne. Elle s’avère très proche de l’original, écrit en franco-italien. La présente édition, nourrie par les recherches antérieures, est fondée sur un examen d’ensemble de la tradition manuscrite. Elle se compose d’une introduction, qui pose et essaie de résoudre les problèmes essentiels de l’œuvre, d’un texte critique, accompagné de copieuses notes et variantes, d’un index onomastique et d’un glossaire étendu. Le premier volume court jusqu’au chapitre 42 (épisode du Vieux de la Montagne). L’équipe de recherche dirigée par Philippe Ménard publiera l’ensemble du texte en six volumes.