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Qu’est-ce qu’une farce ? C’est à cette question que Bernadette Rey-Flaud répond en partie. Réponse moins simple qu’il n’y paraît, et à laquelle la critique jusqu’ici n’a pas su trouver de définition véritablement satisfaisante, faute peut-être il est vrai, d’avoir pris tout à fait au sérieux un genre longtemps sous-estimé. S’il fallait cependant choisir une définition nous retiendrions volontiers, comme point de départ de notre étude, celle que donne dans son Dictionnaire du théâtre, en 1885, le critique Arthur Pougin, écho fidèle, étant neutre, de la tradition universitaire telle qu’on peut la saisir à l’heure des travaux du premier grand historien du théâtre médiéval Petit de Julleville : « Petites pièces courtes, d’un comique bas, trivial, burlesque et la plupart du temps très licencieux qui cherchaient surtout à exciter le gros rire de la foule ». Définition qu’on peut tenir pour exemplaire, on va le voir, en ce qu’elle rassemble l’essentiel de quatre siècles de critiques.
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Ce livre se présente comme la suite et le prolongement de La Machine à rire (Droz, 1984), qui avait déterminé la farce médiévale comme genre, en établis-sant les règles syntaxiques permanentes qui régissent la composition des œuvres de ce répertoire. Molière et la farce reconsidère aujourd’hui la production de l’auteur des Fourberies, en distinguant les farces et les comédies à partir des lois propres qui les fondent. Jusqu’ici, la seule référence était celle d’une « qualité littéraire », aussi incertaine que subjective, prêtée à la « grande comédie », tandis qu’une écriture dramatique plus fruste, porteuse de gros effets, eût été le propre du répertoire farcesque. A rebours, ce livre dégage un certain nombre de critères objectifs qui permettent de définir la farce molié-resque comme un système dramatique original et fécond. Le génie créateur de Molière renouvelle, dès ses premières œuvres, la tradition française, à laquelle il insuffle le rythme de la Commedia dell’arte, découvert à l’école des Italiens. Une fois éprouvé le succès de cette union, Molière, conscient d’être devenu, à son tour, maître dans son art, va exploiter toutes les possibilités de la machine à rire hérit©e de Moyen Age, ouvrant ainsi au genre de la farce, à chaque nouvel essai, un espace inexploré. Bien loin de révéler une œuvre «machinée», réduite à l’application d’un système, cet ouvrage délivre, au contraire, à l’œuvre farcesque d Molière, sa dimension de liberté, en révélant un visage, demeuré jusqu’ici dans l’ombre, de l’auteur du Misanthrope.