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Pierre et Marie-Hélène Servet rassemblent, pour la première fois dans une édition critique, plus de 90 testaments, fictifs dans leur immense majorité, écrits dans la lignée de l’œuvre de Villon entre la fin du XVe et la fin du XVIIIe siècle. Ces textes, inédits pour certains, souvent difficilement accessibles, sont accompagnés d’un apparat critique qui leur apporte la contextualisation et les éclairages historique, littéraire, linguistique, éditorial, indispensables. L’introduction générale propose une réflexion approfondie sur les sources juridiques – le testament civil – et littéraires, l’orientation facétieuse et/ou polémique de ces textes, la diversité de leurs registres, de la satire au pamphlet, et de leurs idéologies, leurs regroupements et leur évolution au fil des foyers pamphlétaires (guerres de religion, Mazarinades, phases de la Révolution). Cette édition permet ainsi de mettre au jour l’existence d’un nouveau genre littéraire, saisi dans son évolution, son apogée, son déclin ; elle propose aussi une réflexion plus générale sur la littérature de combat et sur le fonctionnement de la vie littéraire à travers les jeux de réécriture et de rééditions ; elle ouvre enfin des perspectives sur la subversion des formes et des genres par l’écriture polémique.
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Dans la continuité de ses travaux sur la polémique (Polémique en tous genres, Cahiers du CADGES, n) 7), le Groupe d’Analyse de la Dynamique des Genres et des Styles (XVIe-XVIIIe siècles) propose ici une nouvelle approche centrée cette fois sur la constitution, l’holution et le statut des querelles littéraires, dans leurs rapports avec les formes génériques, qui peuvent être le lieu d’épanouissement, mais aussi l’enjeu des querelles, Celles-ci portent parfois sur des genres en quête de reconnaissance ou en cours d’évolution, Ainsi la « querelle d’Alceste»), à la fin du XVIIe siècle, ne vise-t-elle rien moins que le statut littéraire de l’opéra, et en arrière-plan, mais de manière essentielle, la nature de la tragédie, tout comme deux cents ans plus tard, le conflit politique et religieux qui oppose Ronsard aux protestants se double d’un débat littéraire qui modifie significativement son écriture et la conception même qu’il se fait de la poésie. Aborder les querelles par les genres dont elles se nourrissent et qu’elles façonnent est bien une question qu’affrontent toutes les communications ici rassemblées : comment le contexte éditorial, le public, le déroulement chronologique de la querelle, induisent-il le recours à tel ou tel genre littéraire? Certaines, quand l’objet s’y prête, vont cependant plus loin et permettent de formuler l’hypothèse que les querelles littéraires pourraient elles-mémes se constituer comme genre ou comme institution. C’est sans doute sur ce point que la réflexion est particulièrement féconde, A quelles conditions une querelle littéraire peut-elle en effet se statufier en genre littéraire? Objet vivant et insaisissable, que l’on identifie comme tel alors quil est déjà largement répandu dans la République des Lettres, les querelles ne risquent-t-elle pas alors, en s’accommodant d’un corpus génériquement stable, de mettre en péril leur existence même ? Car la querelle est par définition frondse, ou si l’on préfère polèmique, non seulement dans son objet mais dans son existence méme, surtout lorsqu’elle est elle-méme une imposture, comme chez Jean de Boyssiéres. Le traitement des genres littéraires dans une querelle peut tantôt les bousculer, tantôt les renforcer. On le verra ici largement à travers des querelles célèbres ou moins célèbres, qui toutes, même si certaines d’entre elles restituent, en filigrane, d’autres enjeux, en particuliers politiques, nous plongent au coeur même de l’institution et de la vie littéraires.
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Sommaire: P. Servet, Introduction; M. Thorel, «De la parole étrangère à la parole exemplaire: Maurice Scève traducteur de La Deplourable fin de Flamete (1535)»; P. Servet, «D’une parole l’autre: Louise Labé à la recherche de sa voix»; J. Gomez-montero, «L’Europe entre le Même et l’Autre. La connaissance des Nouveaux Mondes au XVIe siècle dans la littérature espagnole»; O. Gosset, «La parole du Sauvage dans l’Histoire d’un Voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry»; T. Manca, «Représentation de la parole de l’Autre d’Afrique dans des récits de voyage des XVIIIe et XIXe siècles»; X. Le Person, «Rentrer en grâce. La lettre de justification aux XVIe et XVIIe siècles»; Ch. Pilaud, «Paroles de l’autre, paroles autres. La mise en scène de la parole de Mazarin dans l’Apologie du Prince de Marcillac»; J. Garapon, «Parole de l’autre et autobiographie dans les Mémoires du cardinal de Retz»; M. Tsimbidy, «Faire dire pour faire croire. La mise en scène de la parole de l’autre dans les Mémoires du cardinal de Retz»; M.-H. Servet-Prat, «Sa Vie à ses enfants d’Agrippa d’Aubigné: paroles de soi ou paroles d’un autre?»; S. Gruffat, «La parole oraculaire dans Iphigénie de Racine»; E. Tourrette, «La parole des fées. Retour sur un conte de Perrault»; M. Rosellini, «Paroles de l’Autre monde: les usages hétérodoxes du dialogue dans les Etats et Empires de Cyrano de Bergerac»; J.-Ch. Darmon, «Des “mondes à l’envers” sans monde à l’endroit. Ironie et relativisme dans la poétique libertine de Cyrano de Bergerac».