Renaissance
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Depuis le XVIe siècle, Jheronimus Bosch (Bois-le-Duc, 1450/1455-1516) suscite une abondante littérature qui, focalisée sur la signification de ses inventions fascinantes, en a fait progressivement un peintre isolé de tout contexte, en laissant largement de côté la question primordiale de la chronologie. Sa production, confondue avec celle de l'atelier et des suiveurs, nécessite donc une étude qui, aiguillée par l'analyse stylistique, fasse converger l'ensemble des données disponibles (documents, résultats dendrochronologiques, etc.). Elle s'organise autour de l'unique œuvre documentée, le Jugement dernier de Vienne, peint vers 1505 pour Philippe le Beau, et comprend deux groupes articulés selon un développement cohérent. Le premier (avant 1505) se caractérise par une manière fluide, liée à l'intérêt humaniste pour la celeritas. Le second (après 1505) manifeste une manière plus patiente qui, adaptée au goût de la clientèle bruxelloise, culmine dans le célèbre Jardin des délices. Se dessine ainsi le profil d'un peintre très apprécié par l'élite politique de son temps et dont les inventions, diffusées sur le marché anversois par des copies et des pastiches, joueront un rôle décisif dans l'émergence de la notion même de genre. genre.
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Au XVIe siècle, les protestants réformés, à Genève surtout, mais également dans la France huguenote, à Londres ou à Berne, intériorisent une conception originale du temps et appliquent une éthique particulière au déroulement de leurs journées. Des contraintes d’ordre spirituel règlent strictement leur rapport au temps, qui est d’abord conçu comme un rapport à Dieu. A chaque minute, Dieu surveille et veille sur ses fidèles, alors qu’à la fin des temps ceux-ci devront lui rendre compte de chacune de leurs minutes, répète sans cesse Jean Calvin dans ses sermons. C’est ainsi que les Genevois vont inventer une valeur moderne, la ponctualité, laquelle était inconnue des Anciens, des Médiévaux et même d’Erasme, de Vives, des premiers jésuites, ainsi que de Rabelais, Ronsard ou Montaigne. La ponctualité ne procède pas formellement d’innovations techniques, elle est d’abord une vertu spirituelle, sociale et disciplinaire.
C’est dans la cité de Calvin que des structures communautaires d’incitation et de contrôle sont instituées ; qu’un nouveau calendrier est élaboré ; qu’une économie nouvelle du temps et de ses parties est pensée ; autant d’applications de la ponctualité auxquelles les protestants, en particulier de confession calviniste, sont encore aujourd’hui redevables. Max Weber, Norbert Elias et Michel Foucault sont convoqués au terme de l’essai pour discuter L’Ordre du temps et comprendre l’invention de la ponctualité.
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Le monde de la poésie est en pleine mutation à l’époque de François Ier. En même temps qu’un modèle culturel médiéval continue d’exister, de nouveaux enjeux idéologiques et commerciaux entraînent la recomposition du public. Le champ litt©raire ressemble de ce fait à un laboratoire d’expérimentation de formes inédites.
Marot est une figure emblématique de cette effervescence. Porté par l’Humanisme et l’Evangélisme d’une part et tirant parti des potentialités de l’imprim© d’autre part, il développe, à travers un dialogue ininterrompu avec Virgile, Ovide, Horace et Martial, une réflexion extrêmement lucide sur sa propre condition d’écrivain. Il sème ainsi les germes d’une conception originale de l’auctorita qui sera exploitée par la génération suivante.
C’est cet auteur en chantier qui est décrit, à travers l’étude de trois thèmes : les relations qu’il entretient avec ses pairs, les masques que se façonne l’énonciateur au gré des circonstances et, finalement, la vocation poétique telle qu’il la conçoit dans l’églogue " Au Roy " de 1539. C’est un Marot complexe qui en surgira, tiraillé entre plusieurs aspirations et conscient d’être autant un Tityre qu’un Mélibée.
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La Discussion apologétique pour l’astrologie contre un certain médecin est un document indispensable à la compréhension de Michel Servet et à la connaissance de son séjour parisien entre 1536 et 1538. Il nous montre d'abord l'implication de l'astrologie dans la culture du jeune humaniste et de ses amis, ainsi que la violence des controverses, scientifiques et religieuses, qu'elle suscitait à l'Université de Paris. Ce pamphlet nous introduit ensuite dans la Faculté de médecine où Servet, sous le nom de Michel Villanovanus, était régulièrement inscrit pour achever ses études : nous voyons s’y affronter plusieurs clans sur la question de la médecine astrologique, notamment celui du doyen Jean Tagault et de son entourage, passionnément hostiles à ce qu'ils considéraient comme une superstition impie. Un procès s’ensuivra, qui ne retiendra pas, pour cette fois, le crime d’hérésie.
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La littérature du XVIe siècle en France est conditionnée par la généralisation de l’imprimerie. La production littéraire, au sens large du terme, est évidemment affectée par cette innovation: certains auteurs, conscients des moyens inédits dont ils disposent, adaptent leurs travaux au support imprimé; d’autres en revanche contestent une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis; d’autres encore – mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes – exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Les seize contributions réunies examinent les étapes successives de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre à sa publication éventuelle et à sa réception.
Sommaire: Michel Simonin : "Ferrailles et farragines : vers en vrac à la Renaissance"; Perrine Galand-Hallyn et Fernand Hallyn : "'Recueillir des brouillars' : éthique de la silve et po©tique du manuscrit trouvé"; Jeanne Veyrin-Forrer : "François Rasse des Neux et ses tombeaux poétiques"; Amaury Flégès : "Enjeux politiques et littéraires d’un tombeau collectif. La célébration poétique de Christophe de Thou (1583)"; Silvia DAmico : "Alterum amant oculi, doctis placet auribus alter : les poèmes de Germain Audebert"; Chiara Lastraioli : "Un collectioneur strasbourgeois à la Renaissance : Johannes Schenckbecher et son recueil de textes anonymes"; Frank Dobbins : "Recueils cllectifs de musique et poésie"; Jean Vignes : "Les modes de diffusion du texte poétique dans la seconde moitié du XVIe siècle : essai de typologie"; Frank Lestringant : "André de La Vigne et Le Vergier d’honneur"; Mireille Huchon : "La Fleur de po©sie française dans la Rhetorique de Fouquelin : une autobiographie de Ronsard"; Jean Balsamo : "La composition des Sonnets spirituels de Desportes"; Anne-Bérangère Rothenburger : "L’Eglogue de la naissance de Jésus-Christ par Louis Dorléans : dattion et filiation poétiques"; Rosanna Gorris Camos : "Diverses Meslanges poetiques ou la composition des recueils poétiques de Guy Le Fèvre de La Boderie : du Compas d’or à la Vierge au luth"; Jean Dupèbe : "L’Ægloga de Monarchia de Jacques Gohory(1543-1544)"; Line Amselem-Szende : "Le complexe du compilateur : Juan López de Úbeda Vergel de flores divinas (1582)"; Jean-Eudes Girot : "Poésie et manuscrits".
L’une des particularités de la littérature du XVIe siècle en France tient au fait que la généralisation de l’imprimerie modifie les modalités de production et de réception de l’œuvre littéraire, même si le passage du manuscrit à l’imprimé n’a pas eu de conséquences immédiates ; ce n’est que progressivement en effet qu’auteurs et lecteurs affinent leur connaissance du nouveau médium. La production littéraire au sens large du terme est évidemment intéressée par ces changements : certains auteurs, conscients des conditions nouvelles qui leur sont offertes, adaptent leur production au support imprimé ; d’autres en revanche feignent de s’opposer à une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis ; d’autres encor - mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes - exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Ainsi, à la Renaissance plus qu’en aucun autre temps, lire un texte suppose-t-il de connaître un ensemble d’éléments en apparence étrangers à l’élaboration littéraire, mais en réalité intimement liés à l’acte de création. Les seize contributions réunies examinent les différentes étapes de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre sa publication éventuelle et à sa réception.
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La Renaissance de l’épopée présente une synthèse pionnière sur la poésie épique en France à la fin de la Renaissance, de La Franciade de Ronsard (1572) à la préface de Chapelain à l’Adone de Marino (1623). Elle exhume un corpus méconnu denviron quatre-vingts œuvres, composées quelquefois par de grands poètes comme Du Bellay, d’Aubigné, Du Bartas ou d’Urfé, souvent surprenantes, révélatrices toujours de l’esprit héroïque qui anime les contemporains des derniers Valois et es premiers Bourbon. Elle étudie la réception française des œuvres épiques de l’Antiquité, du Moyen Âge, de la Renaissance italienne, expose les théories poétiques et confronte la pratique à ces dernières.
Après Ronsard, le genre tend à se spécialiser en espèces qui ont chacune leur rhétorique, leur thématique et leur philosophie propres. L’ouvrage propose donc une typologie, chaque espèce du poème épique correspondant à des choix religieux, éthiques, philosophiques, politiques et esthétiques.
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Non de Venus les ardentz estincelles,
Et moins les traictz, desquelz Cupido tire :
Mais bien les mortz, qu’en moy tu renovelles
Je t’ay voulu en cest Oeuvre descrire.
D’entrée, Scève définit la singularité de son canzoniere. Comme la traduction de La Deplourable fin de Flamete, sa Délie est d’abord leçon, avertissement, salutaire mise en garde. Elle se veut exemplaire et commune. Nourrie d’Hésiode et de Virgile, de Dante, de Pétrarque et de Marot, de Platon, de Ficin et de Léon l’Hébreu, mais également – aussi étrange que cela puisse nous paraître –, de la poésie mariale du Puy de Rouen, elle propose d’illustrer pour le plus grand bénéfice du lecteur les dangers guettant tous ceux qui, imprudents mariniers, osent s’aventurer dans les " gouffres amers " de " la naufrageuse mer d’amour ". Elle est surtout, par-delà le " travail ", les " angoisses ", les " souffrances " et les " morts ", le plus bel hymne jamais composé par un poète de notre Renaissance à la gloire de l’amour humain, cette " flamme si saincte " qu’elle peut vaincre à la fois la Mort et le Temps.
Le texte reproduit est celui de l’édition publiée à Lyon en 1544 par Antoine Constantin. Etablies à partir de l’édition parisienne de 1564, les variantes figurent en tête de chacune des Notices regroupées dans le second volume.
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Dans son désir de décliner toute la gamme lyrique et de faire la preuve de sa compétence dans tous les genres, Flaminio de Birague, exploitant l'engouement que connaît depuis Belleau le genre bucolique, crée dans l'édition de 1585 une section intitulée Bergeries, à la façon de Desportes qui l'avait précédé en 1583, placée sous le signe de la diversité et du disparate, sans lien narratif, qui lui permet de s'inscrire comme le digne disciple et le légataire direct de Ronsard. Suit la section des Meslanges, libellus constitué de soixante-cinq pièces, extrêmement structuré, album aulique et encomiastique, dont l'organisation méthodique, systématique et protocolaire cherche à reproduire l'image de la société valoisienne d'alors et se veut l'icône des forces en présence, pesant et soupesant les fragiles équilibres politiques. Dans l'ultime section, Epitaphes, Birague semble vouloir faire la preuve de sa maîtrise du genre funèbre en en exploitant tous les possibles, en même temps qu'il met cette comnpétence littéraire au service d'une stratégie curiale et politique qui laisse deviner ses préférences pour les Guise et la Ligue.
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