Renaissance
-
Au croisement d’importants réseaux d’imprimeurs, de graveurs et de poètes qui la relient à l’Italie tout autant qu’aux pays germaniques, Lyon s’impose dans la première moitié du XVIe siècle comme le creuset d’expériences philologiques, iconographiques, symboliques et politiques qui innervent de façon décisive la lecture des textes bibliques. Figure centrale de cette étude, Jean de Vauzelles (ca. 1495-1563) incarne précisément la conciliation religieuse et humaniste qui y a été tentée. Secondant le désir qu’a Marguerite de Navarre de promouvoir les Ecritures en une belle langue française, il traduit pour elle l’Hystoire evangelique d’Ottmar Nachtgall, puis les adaptations que l’Arétin avait faites de la Bible à partir de tableaux contemporains. L’ensemble des textes qu’il dédie à Marguerite ainsi qu’à Louise de Savoie apporte un témoignage inédit sur la vie religieuse à la cour de France. Vauzelles, à qui sont confiées les entrées royales de 1533, participe en même temps, avec le dominicain lucquois Sante Pagnini (1470-1541), au renouveau des études hébraïques à Lyon et à la fondation de la célèbre Aumône générale. Au-delà du personnage de Vauzelles, ce livre met au jour la vitalité, à Lyon, d’un catholicisme ouvert et actif, poreux aux modes littéraires, aux apports humanistes et artistiques, en prise avec les exigences municipales de la charité, les préoccupations contemporaines de diffusion des Ecritures et le désir de développer une piété incarnée.
-
TABLE DES MATIÈRES
Préface du maire de Saint-Avold
Avant-propos de Frank Muller
Notes liminaires de Frank Muller
Jean Wirth, «Sur le statut de l’objet d’art au Moyen Age»
Freya Strecker, «Beziehungen. Die Stifter und ihre Heiligen»
François Boespflug, «Le ‘‘Trône de grâce à présentation latérale’’. Trinités pour prier, Trinités pour plaire» Solange Metzger, «Les desiderata des commanditaires dans les contrats provençaux du XVe et du premier tiers du XVIe siècle»
Philippe Lorentz, «Réversibilité de l’oeuvre d’art et retour à l’objetde culte : La Déploration du Christ par Wilhelm Stetter(1518) et ‘‘le premier retable luthériendepuis la Réformation’’»
Frédéric Elsig, «L’invention des genres»
Milan Pelc, «Putti und die Frührenaissance in Dalmatien. Über die regionale Rezeption, Funktion und Evolution eines ‘‘stilbildenden’’ Motivs»
Frank Muller, «Hans Baldung Grien et Jan Gossaert entre christianisme et paganisme»
Frank-Thomas Ziegler, «Sakraltopographie als methodisches Problem. Die Narrenbilder in der Pfarrkirche zu Birthälm in Siebenbürgen»
Naïma Ghermani, «D’une pratique dévote à une pratique confessionnelle : le portrait princier dans le Saint Empire (1510-1550)»
Martin Knauer, «Der Kupferstich zwischen Kultobjekt und Sammlerstück. Überlegungen zur Tobiasfolge von Georg Pencz (1543)»
Estelle Leutrat, ‘‘Pour récréation à l’oeil et contentement à l’esprit’’ : à propos de quelques estampes religieuses exécutées à Lyon au XVIe siècle (1540-1560)»
Emmanuelle Friant, «De l’objet cultuel à l’objet commercial : les enseignes et médailles de pèlerinage (XVe-XVIIe siècles)»
David Krašovec, «L’art religieux en Autriche intérieure sous Charles II (1564-1590) : de l’expression artistique chez diverses communautés chrétiennes à l’art catholique»
Grażyna Jurkowlaniec, «Between Cult and Antiquarianism Evaluation of Medieval Images in the Early Modern Era»
Ilja Veldman, «From Devotional Image to Work of Art. Some Aspects from the Evolution of the Early Graphic Arts in the North»
Philippe Martin, «Débats autour d’un ‘‘repas’’»
Paul Dupouey, «De l’image à l’oeuvre, un processus systémique d’individuation émancipatrice»
Liste des auteurs
Index
De l’objet cultuel à l’oeuvre d’art en Europe constitue une réflexion sur l’un des processus centraux de l’art européen: le passage d’une création destinée, au Moyen-Age, à célébrer les représentations et les rituels de la foi, à la conception moderne de l’oeuvre d’art, que l’on date communément de la Renaissance. La réalité est plus complexe: les critères esthétiques étaient présents bien avant le XVIe siècle, derrière une instrumentalisation souvent ambiguë de la religion, qui perdure d’ailleurs aujourd’hui sous d’autres formes. Ces différentes communications sont des repères de transition qui mettent en lumière quelques-unes des innombrables facettes de ce processus, dans le temps et l’espace européens, dans les relations aux oeuvres qu’entretiennent commanditaires et spectateurs, dans les motifs et les genres, dans les stratégies des artistes eux-mêmes et dans la ou les définitions explicites ou implicites de l’art qu’une époque se donne.
-
TABLE DES MATIÈRES
A. CORBELLARI, « ‘‘Que ne vivent encor les Palladins de France !’’. De quelques survivances médiévales chez Ronsard » ;
G. MCDONALD, « Thomas More, John Clement and the Palatine Anthology » ;
CH. PISTOR, L. BEHIELS, W. THOMAS, « Translation, court networks, and the fashioning of an Imperial image : Charles V and the work of Luis de Ávila y Zúñiga » ;
M. CRAB, « Theophilus Chalcondyles’ Commentary on Valerius Maximus (1508). New Perspectives on the Conflict between Janus Parrhasius and Alexander Minutianus » ;
NOTES ET DOCUMENTS
O. DELSAUX, « La connaissance de Cicéron et de Plutarque en France à la fin du Moyen Age. Le témoignage inédit d’un recueil retrouvé » ;
F. ROUGET, « Une édition retrouvée de Philippe Desportes. Les Pseaumes de David mis en vers françois […]. Avec quelques oeuvres chrestiennes et Prieres du mesme Autheur (Rouen, R. Du Petit-Val, 1593) » ;
A. DÁVILA PÉREZ, « Nota de crítica textual a una carta de Cristóbal Plantino: Nuevas perspectivas sobre las relaciones entre Benito Arias Montano y Hendrik Jansen Barrefelt » ;
CHRONIQUE
J. CÉARD, « Jean-Claude Margolin (1923-2013) » ;
-
Pierre et Marie-Hélène Servet rassemblent, pour la première fois dans une édition critique, plus de 90 testaments, fictifs dans leur immense majorité, écrits dans la lignée de l’œuvre de Villon entre la fin du XVe et la fin du XVIIIe siècle. Ces textes, inédits pour certains, souvent difficilement accessibles, sont accompagnés d’un apparat critique qui leur apporte la contextualisation et les éclairages historique, littéraire, linguistique, éditorial, indispensables. L’introduction générale propose une réflexion approfondie sur les sources juridiques – le testament civil – et littéraires, l’orientation facétieuse et/ou polémique de ces textes, la diversité de leurs registres, de la satire au pamphlet, et de leurs idéologies, leurs regroupements et leur évolution au fil des foyers pamphlétaires (guerres de religion, Mazarinades, phases de la Révolution). Cette édition permet ainsi de mettre au jour l’existence d’un nouveau genre littéraire, saisi dans son évolution, son apogée, son déclin ; elle propose aussi une réflexion plus générale sur la littérature de combat et sur le fonctionnement de la vie littéraire à travers les jeux de réécriture et de rééditions ; elle ouvre enfin des perspectives sur la subversion des formes et des genres par l’écriture polémique.
-
Quels sont les rapaces les plus aptes à la chasse aux oiseaux ? Comment faut-il affaiter un faucon nouvellement capturé ? Comment soigner ses maladies et ses blessures ? Voici quelques-unes des questions auxquelles répond Jacques Auguste de Thou (1553-1617) dans son poème scientifique sur la fauconnerie. Dans ce livre admirablement documenté, Ingrid A. R. De Smet présente le texte latin nouvellement établi du Hieracosophioy, sive de re accipitraria libri tres, accompagné de sa première traduction française et d’un commentaire détaillé. Ainsi est-il possible d’accéder sans encombre à cet ouvrage complexe et savant, élaboré à l’époque troublée des guerres de religion et dédicacé, à l’origine, au Duc d’Anjou, puis au Chancelier de Cheverny. Une étude historique éclaircit le contexte socio-culturel, économique, et littéraire de la chasse, notamment la chasse au vol, pour laquelle se passionnaient les rois et grands seigneurs de France et dont s’inspiraient poètes et érudits à la Renaissance.
Auteur de plusieurs travaux sur les lettres néo-latines et françaises des seizième et dix-septième siècles, Ingrid A. R. De Smet offre ici un livre fouillé, illustré de seize planches et riche de quatre index, qui intéressera les amateurs de la fauconnerie et de la littérature cynégétique, ainsi que les spécialistes des études néo-latines et de l’histoire des sciences.
-
1596, encore une année difficile pour Théodore de Bèze, mais intéressante. Le roi Henri IV, embarrassé dans une guerre incertaine contre l'Espagne, a laissé tomber le projet de paix avec la Savoie, dont dépend la paix pour Genève. La ville et son Académie ne sont certes pas désertées, les étudiants étrangers affluent, mais on peine à trouver des professeurs pour l'hébreu et la théologie. Bèze n'enseigne plus et ne peut presque plus sortir de chez lui. Mais il ne cesse pas d'être habité par l'Europe entière; l'Allemagne surtout, riche en théologiens turbulents. Piscator, un vieil ami, maintient ses opinions particulières sur la justification. Bèze s'indigne contre cet individualisme éhonté. Voilà une manière d'oublier l'Eglise, qui appartiennent la vraie et unique doctrine, le dépôt de la foi (il s'agit, bien sûr, de l'Eglise orthodoxe réformée). En France, les "moyenneurs" croient leur heure arrivée, mais Bèze veille et publie une grande réponse à Palma Cayet. Il a ussi préparé une nouvelle édition de son Nouveau Testament in-folio, et aussi de ses poèmes. A propos de poésie néo-latine, ce volume contient une bien curieuse lettre de 20 pages de Melissus Schedius, proposant des corrections de versification aux vers de Bèze. Le document qui la conserve est déchiré: par qui ?
-
CHAPITRE PREMIER - DISCOURS PÉRITEXTUELS ET IMAGE D’ÉDITEUR : LA REVENDICATION
D’UNE PATERNITÉ PARTAGÉE
I. Le péritexte, espace de genèse de l’oeuvre
A. La décision de publier
B. La fabrication matérielle du livre
C. La mise au goût du jour de l’oeuvre
D. L’élection d’un lectorat
II. Le péritexte, espace de signature de l’oeuvre
A. Pratiques éditoriales et processus d’assignation des oeuvres
B. Affirmation péritextuelle de l’autorité de l’auteur
C. La figure de l’auteur, une construction éditoriale ?
D. Du sentiment de dépossession de l’auteur à la condamnation de l’éditeur : règlement de compte ou consensus publicitaire ?
CHAPITRE II - POLITIQUES ÉDITORIALES ET STRATÉGIES DE LIBRAIRIE : . LA CONSTITUTION D’UN PAYSAGE ÉDITORIAL DE L’OEUVRE LITTÉRAIRE
I. L’insertion de l’oeuvre dans un réseau de production et de distribution. Les Angoisses douloureuses et le cercle de Janot
A. Les acteurs de la publication des Angoisses douloureuses : Janot et ses collaborateurs
B. Lieu de naissance des Angoisses douloureuses : le milieu des imprimeurs-libraires du Palais
C. Circulation et adaptation des oeuvres d’un réseau éditorial à l’autre : la participation lyonnaise à la publication des Angoisses douloureuses
II. La production en prose vernaculaire du cercle de Janot, entre réédition des succès de librairie et politique d’innovation
A. Réédition des succès de librairie : l’exploitation d’un fonds ancien
B. Promotion de la nouveauté : le développement d’un nouveau secteur éditorial
C. Innovations formelles et catégorisations génériques : effets de parenté des « nouveaux romans » sur la scène éditoriale parisienne
CHAPITRE III - UNITÉS TEXTUELLES ET STRUCTURATION NARRATIVE DES RÉCITS SENTIMENTAUX : UN DISPOSITIF SCRIPTO-VISUEL DE SIGNIFICATION
I. La structuration visuelle du texte en unités narratives, entre héritage et renouvellement
A. Mutations formelles et génériques des narrations : une structuration textuelle héritée de la tradition médiévale
B. De la composition imprimée à l’interprétation du texte : le paragraphe typographique, une unité sémantique
II. Définitions scripto-graphiques de l’unité textuelle à la Renaissance : un facteur de structuration narrative
A. Circonscription de l’unité textuelle
B. Délimitation visuelle des chapitres
III. Insertion des titres de chapitres et dispositif péritextuel
A. Titres de chapitres, manchettes et manicules
B. Titres de chapitres et tables des matières
C. Titres de chapitres et titres de parties
IV. L’énoncé titulaire et la réorientation interprétative de l’oeuvre
A. Le titre de chapitre, un élément péritextuel significatif
B. Réorientation interprétative et moralisation du récit
CHAPITRE IV - LA MISE EN PARAGRAPHES DES ANGOISSES DOULOUREUSES DE 1538 ET « LA NAISSANCE DE LA PROSE LITTÉRAIRE CLASSIQUE »
I. L’absence d’une structuration en chapitres au profit d’une distribution du texte en paragraphes
A. Un dispositif configurationnel de structuration du récit
B. Répartition et usages des signes démarcateurs de paragraphes
C. Combinaison des initiales et effets de sens
II. La mise en espace du texte : de la délimitation des unités textuelles à la présentation visuelle de la structure narrative
A. La distribution du blanc typographique sur la page encrée
B. La place de l’image dans l’espace de la page
III. Effets de sens de la mise en paragraphes : de l’unité typographique à l’unité sémantique
A. Longueur des paragraphes et production du sens
B. Ponctuation narrative de l’intrigue
C. La représentation visuelle de la parole et du dialogue
CHAPITRE V - LE CHAPITRAGE DES ANGOISSES DOULOUREUSES DE C. 1539 : DE LA NORMALISATION FORMELLE À LA RECONVERSION INTERPRÉTATIVE
I. La mise en chapitres de Denis de Harsy, une réappropriation éditoriale de la mise en livre de Denis Janot
A. L’apparition d’une distribution en chapitres : l’influence des pratiques éditoriales de Denis de Harsy
B. Une singularité de l’édition des Angoisses douloureuses de c. 1539 : l’établissement d’un dispositif de structuration à double niveau
II. Mise en paragraphes et mise en chapitres : une reconfiguration sémantico-narrative
A. Redistribution des masses textuelles
B. Réorganisation interne des chapitres
C. Subdivision interne des paragraphes
D. Simplification d’ensemble du dispositif typographique
III. L’énoncé titulaire au service d’une réorientation interprétative de l’oeuvre
A. Réorganisation du cadre péritextuel de l’ouvrage
B. Réorientation de la conduite narrative
C. Distorsions narratives et réorientations interprétatives
CHAPITRE VI – LE CISEAU, L’AIGUILLE ET LE PLOMB, OU LA FABRICATION ÉDITORIALE DU PREMIER RÉCIT SENTIMENTAL FRANÇAIS
I. Naissance d’un livre
A. Des diverses situations de communication à la naissance d’un livre
B. Un savant jeu d’intertextes éditoriaux, signe de l’actualité de la publication
C. Un univers de références habité par les livres
II. Des pratiques intertextuelles au coeur de la genèse de l’oeuvre
A. Le choix de la matière première : sélection des ouvrages-sources
B. Appropriation du patron : réécriture typographique et citations matérielles
C. Découpage des pièces du patchwork : la récolte des citations
D. Le tissage des Angoisses douloureuses : intégration et harmonisation des citations
III. Construction et valorisation de la figure auctoriale au service du succès éditorial de l’oeuvre
A. Identité féminine et stéréotypes sexués
B. Autobiographie et polyphonie énonciative
C. Ethos de l’auteur et monumentalisation des OEuvres
D. Les Angoisses douloureuses d’Hélisenne de Crenne, produit-phare d’un nouveau secteur éditorial ?
Que signifie «lire un livre», et non pas seulement «lire un texte», et quels sont les signes, visibles et invisibles, verbaux et non-verbaux, qui interviennent dans le processus interprétatif des lecteurs ?
Dans les narrations en prose vernaculaire imprimées à la Renaissance, la forme fait sens: les choix éditoriaux établissent des parentés entre les textes, le paragraphe narratif tient lieu d'unité linguistique, tandis que la disposition en chapitres conditionne les pratiques de lecture. Les politiques éditoriales des imprimeurs-libraires du Palais participent ainsi à la naissance et à la promotion d’un genre nouveau : le récit sentimental français. Les éditions successives des Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour, considérées comme le premier récit sentimental rédigé en langue française, invitent même à penser que ce récit, loin d’être le produit d’une écriture féminine personnelle jusque là attribuée à Hélisenne de Crenne, est le fruit d’un jeu intertextuel mis en œuvre dans l’atelier des imprimeurs du cercle de Janot, pour donner naissance à un best-seller envisagé avant tout comme un produit éditorial qui répond aux attentes d’un nouveau public.
-
Sommaire / Table of Contents : I. TRAPMAN, «Erasmus and Heresy» ; R. STAWARZ-LUGINBÜHL, «Entre la guerre, la peste et la famine: la question de l’identité religieuse de Jean de La Taille» ; A.-P. POUEY-MOUNOU, «Dictionnaires d’épithètes et de synonymes aux XVIe et XVIIe siècles: du lexique au manuel» ; J.-L.EGIO: Pierre de Belloy, Philippe Duplessis Mornay, Innocent Gentillet. Attribution et contenu de la Conference chrestienne (1586)» ; M.E. SEVERINI: Il destino di un libro al servizio del sovrano: la Politica di Aristotele da Loys Le Roy a John Donne» - NOTES ET DOCUMENTS - I.A.R. DE SMET etA. LEGROS, «Un manuscrit de François Baudouin dans la «librairie» de Montaigne» ; M.-L. DEMONET et A. LEGROS, «Montaigne à sa plume: quatre variantes autographes d’une correction de date dans l’avis ‘‘Au lecteur’’ des Essais de 1588 » ; N. BINGEN, «Villeneuve, Dolet et Arlier à Padoue»; O. PÉDEFLOUS, «Nouveaux éclairages sur Joannes Vaccaeus (Juan Vázquez) de Murcia» - CHRONIQUE - L.R.N. ASHLEY, «Recent Publications on Elizabethan England and Related Fields».
-
Depuis l’Antiquité, les hommes ont interprété la numération des années de leur vie, tel l’empereur Auguste, autre manière de retenir le temps qui fuit. Des théories médicales ont ainsi avancé que la matière se renouvelait toutes les sept ou neuf années. Le produit de ces deux chiffres (l’un dévolu au corps, l’autre à l’esprit) donne soixante-trois, et la soixante-troisième année de la vie humaine, grande climactérique, était regardée comme très critique. C’est sous le signe du nombre et du temps que Max Engammare fait l’histoire de l’intérêt inquiet pour cette année qui reprend vigueur à la Renaissance, avec Pétrarque, mais surtout avec Marsile Ficin. On croisera la plupart des grands noms du temps, dont des théologiens, à l’instar de Philipp Melanchthon, le bras droit de Luther, et de Théodore de Bèze, celui de Calvin, mais aussi de Rabelais, celui qui a introduit le mot en français. La question du soixante-troisième roi de France, Henri III ou Henri IV, sera également posée par des Ligueurs qui ne savaient pas en 1587 ou 1588 que les deux mourraient assassinés, et l’on jouera même au jeu de l’oie. Il s’agit de comprendre l’arithmétique de ces peurs antiques réactualisées dès la fin du XVe siècle et qui n’ont pas complètement disparu aujourd’hui, preuve en est Sigmund Freud ou la soi-disant malédiction des 27 répertoriant tous les artistes célèbres morts à l’âge de vingt-sept ans (trois fois neuf).
-
Ce troisième tome des œuvres de Scévole de Sainte-Marthe contient un recueil de vers latins publié en 1575, Les Œuvres de Scévole de Sainte-Marthe imprimées en 1579 et six pièces isolées parues entre les deux ouvrages.
L’ensemble reflète l’actualité de la période : parmi les nombreuses allusions aux évènements militaires et politiques, on voit retracé sur le mode épique le bref règne polonais du futur Henri III. Le poète parle aussi de lui, de son procès, de son office de Contrôleur des Finances, de ses préoccupations d’écrivain, de ses « tendres Jumeaux » ; ses dédicataires sont nombreux et variés : écrivains, magistrats, médecins, militaires, gens de la finance… Une grande partie du recueil français est consacrée l’amour ; si l’influence du jeune Desportes semble manifeste, quelques pièces expriment des sentiments beaucoup moins idéalisés.
L’édition des Œuvres complètes de Scévole de Sainte-Marthe est établie par Jean Brunel, Professeur honoraire la Faculté des Lettres de Poitiers, avec la collaboration de Pierre Martin, Professeur dans la même Université.