-
Dans les deux dernières décennies, l'introduction de la recherche scientifique dans la plupart des grands conservatoires européens a donné une nouvelle actualité à la question des collaborations entre artistes et chercheurs. Toutefois, le travail mené en commun autour des répertoires musicaux anciens s'inscrit dans une histoire qui, elle, remonte au milieu du XIXe siècle. C'est précisément de cette historiographie dont le livre rend compte, à travers l'exploration, l'analyse et la critique des pratiques liées à l'interprétation des répertoires anciens.
La douzaine d'articles qui le composent invite à redécouvrir beaucoup d'acteurs négligés de la réinvention sonore de la musique ancienne, des réformateurs de la liturgie catholique jusqu'aux Chanteurs de Saint-Gervais en passant par le groupe des Théophiliens de la Sorbonne ou les protagonistes d'une expérience innovante récemment conduite autour de l'Orpheo d'Ange Politien
Cette histoire est aussi celle de figures connues que l'on retrouve ici dans des rôles parfois inattendus: Pierre Aubry en ethnologue de la musique arménienne, Jacques Chailley en entrepreneur de spectacles médiévaux ou Yvette Guilbert en apôtre de la chanson médiévale. L'ouvrage n'oublie pas non plus ceux qui ont patiemment collecté et analysé les documents anciens: facteurs d'instruments, clavecinistes, organistes (tel Alexandre Guilmant) ou encore chefs d'orchestre (tel Jean-François Paillard).
Les auteurs insistent enfin sur les formes de diffusion de la musique ancienne propres au XXe siècle: radio, disque, concert-conférence où discours et musique se sont souvent entremêlés pour construire un nouveau rapport entre pratique et savoir.
Au fil des pages, se met en place l'équilibre sur lequel repose désormais l'économie de la musique ancienne: des artistes prêts à se faire chercheurs et travaillant avec des musicologues qui ne dédaignent pas de prendre en compte leurs attentes.