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« L’arbre gémit, soupire, pleure d’une voix humaine », et Michelet ajoute : « On croit que c’est le vent, mais c’est souvent les rêves de l’âme végétale ». Aux XVIe et XVIIe siècles, botanistes, romanciers et philosophes ont eux aussi rêvé et pensé la plante, en lui conférant un statut moral et ontologique équivoque. Car, sous leur plume, brouillant les frontières entre flore, faune et humanité, parfois l’esprit et le désir viennent aux plantes. Dès lors ce n’est plus seulement la mise en valeur de l’intelligence animale, mais aussi la promotion d’une pensée et d’une sensibilité végétales qui nourrissent la critique de l’anthropocentrisme dans l’Europe pré-moderne. Un tel trouble catégoriel, bien sûr, inquiète et stimule les efforts pour comprendre et distinguer les différentes sortes de vivants. Mais le problème, philosophique, est aussi religieux. La revalorisation de l’âme inférieure des plantes se situe du côté de la dissidence doctrinale, l’être végétal menaçant de destituer l’homme. Cet essai veut donc montrer que le monde de Flore a été utilisé pour subvertir le principe d’un étagement clair entre les règnes, au profit d’une conception plus poreuse des frontières du vivant.
ivant.
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Table des matières
Remerciements
Liste des abréviations
Introduction
Le « grant paradoxe »
Pudeurs renaissantes
Périodisation
La Renaissance obscène
La Renaissance pudique
Historicisation de la pudeur
Le modèle foucaldien : le contrôle incitateur
Corpus : médecine, pudeur et rhétorique
L’agir du texte
De la pudeur des corps à celle du style
Le processus de civilisation et le retour de l’érotique
Le médecin « pornographe »
Trajet
Premier temps
Deuxième temps
Troisième temps
Enjeux et méthodes
Première Partie
Le Sacre ambivalent de la "pudeur"
Son nom, sa valeur, ses usages
Chapitre premier
De la "honte" à la "pudeur"
Naissance d'un nouveau mot
L’indistinction entre Honte et Pudeur
Les doublets grecs et latins
Thomas d’Aquin : la sexualisation de verecundia
Nudités coupables : les traductions de la Bible
« Pudorité »
Naissance du mot « pudeur »
Montaigne : l’ébranlement des valeurs
La promotion de « pudeur » ou les vertus de la civilité
La Civilité puérile
La pudeur : une nouvelle définition de l’intimité
Chapitre II
Les vices de la "pudeur"
La pudeur : vice ou vertu ?
Le De Verecundia de Coluccio Salutati
Traités renaissants : le pharmakon de la pudeur
Le choc des pudeurs : l’émergence du relatif
Erasme : le supplice du caleçon
Le paradigme en question : chastes nudités
Un labyrinthe relativiste : la Forest nuptiale (1595)
Exotisme paillard
Honte à la France
Le monde de l’autre
La pudeur à l’épreuve du scepticisme
Un vice moral : la pudeur du langage
La pudeur : un pas vers la folie
Rhétorique de la pudeur
Chapitre III
La difformité des signes
Un vice de la rhétorique : le kakemphaton
La place de l’obscénité dans la rhétorique renaissante
Le double visage de Virgile : vierge ou pornographe
Les fantaisies érotiques d’Annaeus Cornutus
Le Cento Nuptialis d’Ausone
La pudeur de Montaigne
Chapitre IV
L'obscénité mise à l'index construction d'une catégorie
Index
Index français
Listes noires
Rigueurs censoriales : l’établissement des dix règles
Le vernaculaire fustigé
La censure du style : l’index de 1596
Obscénité et hérésie
Les failles de la censure
Le Décaméron expurgé : les métamorphoses d’Alibech et Rustico
Défense de l’Eglise
L’indécence expurgée
La diffusion éditoriale : Boccace moralisé
Des effets pervers de la censure
La censure des livres « scientifiques »
Les critères questionnés : auteur hérétique, ouvrage savant
Impudicité du savoir : Cardan, Amatus Lusitanus, Fuchs
Deuxième partie
Hippocrate en chair
Ouverture
Corpus
Le style en question
Trajet
Chapitre premier
Contagions
De la puissance érotique des représentations
Du pouvoir « magique » de la parole
Les traités sur la maladie d’amour
De l’oeil corporel à l’oeil intérieur : les perversions de l’imagination
Les lieux de l’imagination : la séparation entre imagination et raison
Le procès de l’imagination : le courant néo-platonicien
L’imagination comme pharmakon : du bon et mauvais usage des phantasmes
Images perverses, lectures perverses
Faire l’amour avec l’image : rituels de fécondation
La vision : un acte physique
Chapitre II
Médiations
Les « secrets » des femmes révélés. La traduction du savoir gynécologique en français (XIVe-XVIe siècles)
Invention d’un genre : les secrets des femmes
Fortune et infortunes du De secretis mulierum
La tradition vernaculaire des Secrez des Dames (XIVe -XVe siecles)
L’art des préliminaires
Le Trotula ou les mutations du savoir gynécologique
Le Trotula et ses avatars au XVIe siecle
Agnodice mise au secret
Traductions stylistiques : la gynécologie galante
Le médecin en « transcrivain » : Laurent Joubert et ses erreurs populaires
Laurent Joubert : une figure médiatrice
« Culture populaire » et « culture savante » : un savoir partagé
Une fiction burlesque : les dépositions des matrones
La Muse médicale rhabillée ou l’édition amendée de 1579
Hippocrate et Vénus
Chapitre II
Le corps raconté : mises en récit
L’anatomie par le rire
Cadavres exquis
Le travestissement comique ou la farce médicale
Des contes « pour rire » : les affabulations du populaire
La séduction par le rire : l’intertexte fabulaire
De l’invention du cas
Modèles logiques et rhétoriques
La figuration de l’intériorité
Le Traité du Ris : une poétique des Erreurs populaires
Lecteur complice ou lecteur victime ?
Du rire médical à la médecine ridicule
Le récit de cas : entre nouvelle et (auto-)biographie
Crimes, stupre et dérèglements : les « Observations Anathomiques » de Cabrol
Poétique du récit de cas
Le cas Moyse de Marnas : enjeux de pouvoir et ruses du savoir
Un patient « réglé » : mélancolie et menstruation
Une thérapeutique subversive : cautères et speculum matricis
Défaite théorique, échec thérapeutique et domination rhétorique
Le « genre » incertain : de l’hermaphrodisme littéraire et médical
Un traité hybride, un public hétérogène
Cas légal et cas médical
Le modèle de l’anagnôrisis
Le toucher de la lecture
L’interprétation des signes
Une rhétorique « hermaphrodite »
Le dessous des mots
Portrait de l’auteur en hermaphrodite
La fonction auteur
Chapitre IV
Splendeurs et misères des figures
Les tribulations du français médical
Un travail de distinction : la création d’un vocabulaire
Une ascèse rêvée
Obstacles : la fête des mots
Adaptation au public : la médecine mondaine
Le style médical en question
« Balbutier en tropes » : l'inventaire de Jourdain Guibert
Le travail figural des anatomistes
Euphémismes anadyomènes
De la lamproye au verglas : la matrice dans tous ses états
Un monstre de langage : l’anatomie de Quaresmeprenant
Crypto-listes
Vertiges analogiques et homophoniques
Le nu et le couvert : le déshabillage des figures
Grandeur et indignité du terme propre
L’autre de la langue
La couverture euphémisante
Entre « rose » et « couillon » : le scandale du Roman de la Rose
Le « très vicieux Roman de la Rose »
De la moralisation a son échec : l’intentio lectoris
« Mettre le diable en enfer » : le médecin en Rustico
Le « propre » et le « couvert » : élucidation des notions
L’euphémisme à la question
Culpa lectoris
Chapitre V
« Medica Musa » : De la chair au poème
Savoir de la chair et érotique du savoir
La médecine dans le débat sur la poésie de la nature
Le bannissement de Nicandre
Pétrarque critique de la médecine
Imagination et raison
L’essor de la poésie naturelle en France : la confraternité des disciplines
Consécration d’une tradition
Rime, mémoire, savoir
L’ethos du poète médical a la Renaissance
Voyage au coeur de la chair : la poésie de Bretonnayau
Voyages anatomiques
La Fable mythologique
La Fable a ses raisons
De la vision à l’étreinte
Subversions simiesques
La grivoiserie thérapeutique : vers hygiénistes, burlesques et satiriques
Bombance du verbe et diète des corps
Hippocrate en style burlesque
La satire scandaleuse : Thomas Sonnet de Courval
Muse médicale contre Muse lascive : les « médecins de la Pléiade »
Grévin : le Nicandre français
La conversion
Jean Lebon, juge de Ronsard
La critique de l’obscénité
Troisieme partie
D’éden en luxure La chute des corps
INTRODUCTION
Chapitre premier
Le regard interdit
Adam et Eve : modèles de corps, modèles de regard
Voir par la lorgnette du sexe : la tradition des feuilles volantes anatomiques
Guldenmundt pornophile
L’obscénité sanctionnée
Permissivité de l’image
Pudenda voilés : une diabolique Invidia
Baubô : le sexe fait visage
Rendre visible l’invisible: Vierges ouvrantes et corps ouverts
La sexualisation du savoir
La différence sexuelle
Le regard concupiscent
La nudité du nu
Estampe érotique et planche anatomique
Berengario da Carpi : le corps comme oeuvre d’art
Poétique de la fenêtre
Eve (im)pudica : la tradition vésalienne
Postérité de Vésale : variations
L’anatomie vésalienne a l’Académie de dessin
Recyclage érotique : la mater pudica de Valverde
Nuditas criminalis : le scandale Crooke
Le théâtre anatomique de Leyde : mort, sexe et pudeur
Actéon, le regard interdit
Chapitre II
La révolte du membre. épopée organique et dissidence stylistique
« Monsieur ma partie… » : la geste de la mentule
Le corps-objet : blasonneries impudiques
Le corps-sujet : les mouvements involontaires du sexe et du rire
Une épopée médico-burlesque : la Mentule au pays de Penthésilée
Montaigne : la rébellion du « cas »
Poétique de l’insurrection : de l’impudeur
naturelle des femmes
Fureurs utérines
Poétiques animalières
Une obscénité thérapeutique : la masturbation
Insurrections clitoridiennes : la femme virile
Epilogue. Pour une histoire décentrée du sexe et de la langue
Conclusion
Poétique de la pudeur dans les textes de médecine
Y a-t-il un style médical ?
Le statut cognitif des analogies
La scène originelle de la pudeur
Trouble dans le sens ?
L’obscénité fantôme
Fabrique du corps, fabrique du discours
Annexe :Les points litigieux de l'affaire Paré
I. Propos concernant les parties, les fonctions et les plaisirs sexuels
II. Propos insultant la religion
III. Propos insultant le roi
IV. Propos concernant la prescription des drogues
Bibliographie
Sources
Sources manuscrites et archives
Sources imprimées
Textes de médecine, de philosophie et d’histoire naturelles
Autres textes
Dictionnaires
Etudes critiques
INDEX NOMINUM
« Qu’a fait l’action génitale aux hommes, si naturelle, si nécessaire, et si juste, pour n’en oser parler sans vergogne », s’indigne Montaigne qui ne se prive pas, quant à lui, de mettre la pudeur au service de l’économie sensuelle de son œuvre. Car qui « n’y va que d’une fesse » y va tout de même. Aussi fallait-il dégager la pudeur d’une approche anthropologique naïve, pour souligner l’ambiguïté d’une passion où le retour de l’obscène le dispute sans cesse au refoulement vertueux. Mesurer également combien la Renaissance dut repenser cette ambivalence, en confrontant l’héritage antique et médiéval à ses propres découvertes. Du De verecundia de Salutati (1390) jusqu’à l’officialisation du mot au XVIIe siècle par Vaugelas, s’invente en effet, au fil d’un débat où se croisent médecine, morale et rhétorique, un usage retors de la pudeur, à la fois épistémologique et poétique. Son enjeu n’est rien moins que le rôle assumé par les écritures du corps dans l’élaboration d’un savoir sexuel où la production de vérités conjugue toujours art érotique et art de ne pas dire.
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K. ALMQUIST,
Jean BALSAMO,
Dominique BRANCHER,
Gérard DEFAUX,
Marie-Luce DEMONET-LAUNAY,
Philippe DESAN,
Stéphan GEONGET,
S. GIOCANTI,
T. GONTIER,
O. GUERRIER,
M. HABERT,
Alain LEGROS,
Jean-Claude MARGOLIN,
Emmanuel NAYA,
John O'BRIEN,
Nicola PANICHI,
Bruno PINCHARD,
K. SELLEVOLD,
J.L. VIEILLARD-BARON
Sommaire: A.Legros "Que sais-je de Montaigne?"; J.O'Brien "Si avons nous une tres-douce medecine que la philosophie"; K.Sellevold "Phônai skeptikai et expressions modalisantes, ressemblances et différences"; A.Legros "Colloque pour voix sceptiques et parole(s) divine(s) entre librairie et 'Apologie'"; S.Giocanti "Quelle place pour Dieu au sein du discours sceptique de Montaigne?"; M.Habert "Aspects sceptiques de la traduction de Sebond"; J-C.Margolin "D'Erasme à Montaigne: l'écriture de l'opinion et la double voie de la croyance"; B.Pinchard "Humanisme de la chose, humanisme de la glose. Cajétan et Montaigne"; S.Geonget "Perplexité et scepticisme dans les Essais ou la souris et le ver à soie (III, i)"; O.Guerrier "Le champ du 'possible': de la jurisprudence aux Essais"; K.Almquist "Du prêt et de l'usufruit des images. Le droit de la propriété dans la pensée sceptique de Montaigne"; P.Desan "Montaigne et le doute judiciaire"; J-L.Viellard-Baron "Croire ou ne pas croire? Montaigne et la foi"; E.Naya "Le doute libérateur: préambules à une étude du discours fidéiste dans les Essais"; T.Gontier "L'essai et l'expérience. Le scepticisme de Montaigne par-delà le fidéisme"; N.Panichi "La raison sceptique comme figure de l'ethique"; A.Tournon "La question du Préteur"; J.Balsamo "La critique des dispositions testamentaires: un scepticisme peu philosophique; G.Defaux, "Montaigne et l'expérience: réflexions sur la naissance d'un philosophe sceptique - et 'impremedité'"; D.Brancher "'N'y plus ne moins que la rubarbe qui pousse hors les mauvaises humeurs': la rhubarbe au Purgatoire"; M-L.Demonet "Du jeton à l'éponge"
A ceux qui cherchent sa "matière", Montaigne offre sa "manière"; ceux qui s'arrêtent à son style, il les renvoie à sa pensée. Terrain de la rencontre: l'art de douter et/ou de croire, le doute comme art et comme hygiène, le scepticisme comme écriture, le traitement que cette écriture fait subir aux trois grandes sciences de l'époque, théologique, juridique, médicale. Il est question dans ce volume, autour de Montaigne et avec lui, de Sextus Empiricus et de Diogène Laërce, de Raymond Sebond, d'Erasme, de Cajetan, de La Boétie, de Ponce Pilate et de Dieu, mais aussi de souris et de vers à soie, de rhubarbe purgative, de jurisprudence et de testaments; sans oublier les grand sujets attendus: éthique, raison et expérience, foi et "fidéisme", opinion et croyance... Quatre sections: traits (J. O'Brien, K. Sellevold, A. Legros, S. Giocanti, M. Habert), conférences (J.-C. Margolin, B. Pinchard, S. Geonget, O. Guerrier, K. Almquist, P. Desan), dogmes (J.-L- Vieillard-Baron, E. Naya, T. Gontier, N. Panichi), expériences (A. Tournon, J. Balsamo, G. Defaux, D. Brancher); avec une bibliographie générale et un index des noms.ms.