Renaissance
-
-
Réunissant plus de cent trente lettres et fragments de lettres de la correspondance privée et diplomatique de l’humaniste toulousain Jean de Pins, Jan Pendergrass ouvre une perspective unique sur quelque quarante ans d’histoire française et européenne. Humaniste, juriste, diplomate et homme d’Eglise sous les règnes de Louis XII et François Ier, de Pins fit de longues études en France et en Italie du nord avant de devenir, tour à tour, sénateur aux Parlements de Toulouse et Milan, puis ambassadeur français à Venise et à Rome. Consacré évêque de Rieux en 1524, il se démit de ses fonctions parlementaires et finit ses jours à Toulouse, entouré d’étudiants et de gens de lettres épris de littérature classique. Cette édition de sa correspondance révèle l’étendue considérable de ses rapports, non seulement avec les représentants de l’humanisme européen, mais aussi avec les chefs de la diplomatie française, avec des parlementaires, des gens de loi et d’Eglise exceptionnels.s.
-
Comme toujours, la Correspondance de Théodore de Bèze participe de l’histoire de la France et de l‘Europe protestante. Si elle éclaire l’histoire de la théologie, elle rend aussi compte du destin personnel du poète-réformateur. L’année 1588, pour le premier aspect, est celle du triomphe de la Ligue: la journée des Barricades (12 mai) les ligueurs réussissent à chasser le roi de Paris, et de plusieurs autres villes. Bèze assiste désolé à ces événements, conséquences de la défaite des reîtres de l’année précédente. Dans cette atmosphère désolée, alors que Genève souffre du blocus imposé par le duc de Savoie, deux nouvelles surgissent comme le soleil après l’orage: la mort des Guises, assassinés aux Etats généraux de Blois les 23 et 24 décembre, et le désastre de l’«Invincible Armada», qui sauva l’Angleterre élisabéthaine. Le roi d’Espagne s’en trouve paralysé, au point de ne plus pouvoir soutenir son gendre, le duc de Savoie, dans ses entreprises contre la France et contre Genève. Ce volume de la Correspondance contient également des vers écrits en l’honneur de la reine Elisabeth victorieuse, ainsi que des pages intéressantes sur la prédestination et sur la juste place que la philosophie doit tenir dans la théologie. Enfin l’année 1588 a compté dans la vie de Bèze, en ce qu’elle fut celle de son veuvage et de son remariage.
-
-
Ingeborg Jostock explore le champ, encore largement méconnu, du contrôle de l’imprimerie à Genève, de la censure des lecteurs et de la politique éditoriale des autorités de la cité. Son analyse des sources, et notamment de dossiers particuliers, fait surgir les rapports de force et les négociations permanentes qui opposent le pouvoir civil et l’autorité religieuse.
Au-delà des questions de suprématie, l’ouvrage rend compte des contraintes diplomatiques et commerciales dont il faut admettre qu’elles relèguent fréquemment les priorités idéologiques. De choix profondément contradictoires se dégage néanmoins une logique, celle d’une censure négociée par des acteurs aussi différents que les magistrats, les pasteurs, les imprimeurs et libraires et qui cherchent à se concilier des pouvoirs extérieurs, en France notamment.
Enfin La Censure négociée constitue un remarquable instrument de travail grâce à ses annexes qui éditent l’intégralité des textes réglementaires relatifs au contrôle de l’imprimerie ainsi qu’à la liste annotée des ouvrages interdits ou corrigés qu’elle donne.
-
L'essor pris par l'imprimerie et le livre illustré à Lyon au XVIe siècle est aujourd'hui pleinement établi, ne serait-ce qu'au regard de l'œuvre d'un Bernard Salomon. Néanmoins, le rôle qu'y joue la gravure sur cuivre, d'évidence considérable compte tenu des estampes conservées, demeurait méconnu. Sur la base de ce constat, Estelle Leutrat étudie un centre de production de la gravure en taille-douce qui fut parmi les plus actifs en France de 1520 à 1565 environ. Son corpus réunit principalement les estampes du Maître JG (autrefois identifié à Jean de Gourmont), de Georges Reverdy et du Maître CC, dont la production respective atteste à sa manière des débats intellectuels et religieux de l'époque. L'intérêt que porte l'auteur aux pratiques des graveurs, depuis les techniques de taille jusqu'au choix des modèles, confirme une fois encore la large circulation de formes entre la France, l'Italie et les Pays du Nord.
L'étude de ces œuvres, qui connurent un rayonnement européen, enrichit profusément notre connaissance de la vie artistique lyonnaise au XVIe siècle.
-
-
-
Après avoir offert en 1517 au jeune François Ier le premier volume de son «Triumphe des Vertuz», constitué des deux traités du «Triumphe de Prudence» et du «Triumphe de Force», Jean Thenaud s’attèle à la rédaction de la seconde partie. Le 28 février 1518, la naissance du premier Dauphin François lui impose d’adapter son projet initial à l’actualité. Au printemps 1519, il présente au roi les troisième et quatrième traités du «Triumphe des Vertuz».
Ainsi, davantage que les deux traités qui le précèdent, le Triumphe de Justice, constitue-t-il un miroir des princes, dans lequel l’instruction morale apparemment destinée à l’enfant exhorte en fait le roi lui-même et l’enjoint à s’acquitter avec excellence de sa haute tâche. Ici comme ailleurs, Jean Thenaud recourt à son contemporain Erasme, dont l’«Institutio Principis Christiani», sortie de presse en mai 1516, rejoint ses préoccupations.
Ayant procuré l’édition du «Triumphe de Prudence» (TLF, 489) ainsi que celle du «Triumphe de Force» (TLF, 550), Titia J. Schuurs-Janssen et René E. V. Stuip donnent maintenant l’édition critique du troisième traité que viendra clore celle du «Triumphe de Temperance».
-
L’Herméneutique de la satire rabelaisienne examine l’évolution que subissent les quatre livres authentiques des Chroniques pantagruélines à l’aune des critères d’hybridité et de mélange littéraire qui identifient celles-ci comme des variantes du méta-genre de la satire. Il semble bien que la varietas de la satire à la Renaissance, amalgame de sources antiques, médiévales et contemporaines, fournisse une contribution fondamentale à la question de l’intention et de la signification du texte rabelaisien, laquelle occupe et divise la critique depuis longtemps. En particulier, il apparaît que c’est la farce, satire populaire et univoque, qui régit les deux premiers livres, alors qu’une satire subtile et polysémique prédomine dans les Tiers et Quart Livres. En somme, Bernd Renner pose que l’écrit satirique illustre le phénomène de la digestion et de l’«imitation créatrice» de modèles littéraires qui, précisément, distinguent le texte de la Renaissance.