Renaissance
-
Fable, fabula, mythos : la fable est, à la Renaissance, la définition même de la poésie. Que ce soit dans son acception d’allégorie, empruntée à l’herméneutique néo-platonicienne et aux théories exégétiques de la Bible, ou au sens de mimèsis, issu de la redécouverte de la Poétique d’Aristote, la fable a posé aux poéticiens de la Renaissance un problème théorique majeur, provoquant nombre de discussions sur la nature même du fait littéraire. La poésie est-elle voile, écorce dun altior sensus enfoui sous la fiction ? Est-elle lieu de vérité ? Est-elle, au contraire, lieu de vraisemblable, espace d’artifice pur où se dirait l’habileté du poète à refigurer le réel ? Ou peut-être, comme le pensera le Tasse, tiendrai-elle à la fois de l’un et de l’autre, du feint et du vrai, définie alors comme création d’une merveille, où l’idée et le langage en tant que tels vaudraient autant que la fiction ? Interrogé dans ses fondements mêmes, le concept de fable, qui a dominé le XVIe siècle comme critère de poéticité, verra son empire graduellement menacé, dans les dernières décennies, par l’émergence de valeurs nouvelles, issues de la rhétorique, de la philosophie et de la théorie de l’art, qui permettront de repenser la poésie au sens large et de poser les premiers jalons de la théorie littéraire moderne.
-
En moins d’un an, de juin 1534 à mai 1535, entre Réforme et Contre-Réforme, Pierre l’Arétin publie à Venise La Passion de Jésus, Les Sept Psaumes de la pénitence de David et L’Humanité du Christ. L’idée érasmienne de la divulgation du message évangélique dans le respect de sa simplicité, déjà approuvée par les premières traductions bibliques d’Antonio Brucioli, justifie l’Arétin dans sa réécriture en prose italienne de textes de la Bible. Fondant cette œuvre sur les thèmes de la Passion rédemptrice du Christ et de l’infinie miséricorde divine, il s’emploie à perpétuer une doctrine de conciliation de la grâce et du mérite dans le mystère de la Rédemption.
Le dessein de l’Arétin n’est au reste pas dénué d’ambition, dans la mesure où il poursuit indéniablement par cette campagne de parutions l’espoir d’une reconnaissance culturelle et matérielle, notamment de la part de l’Église romaine. Aussi il n’hésite pas à se mesurer à une littérature religieuse prestigieuse, celle du poème biblique – renouvelé par Sannazaro et par Vida en latin comme par Teofilo Folengo en langue vulgaire –, ou celle du commentaire et de la paraphrase des psaumes.
-
Derrière l’imagerie populaire de l’alchimiste assis au secret de son fourneau, il y eut jadis des êtres de chair. Qui étaient ces hommes? Comment vivaient-ils? Quelle place tinrent-ils dans la société et dans le monde intellectuel d’alors? Cette étude de la réception de l’alchimie et des doctrines de Paracelse en France s’attache à la production du livre alchimique et paracelsien et à l’histoire des nombreuses querelles que ce dernier provoque. On établit chemin faisant la biographie de plusieurs alchimistes, tel Joseph Du Chesne ou Etienne de Clave, et l’on ruine la légende selon laquelle Descartes, de retour d’Allemagne, aurait été suspecté de rosicrucianisme. L’ouvrage s’achève sur la grande crise des années 1620, o¹ une alchimie inclinant tantôt au matérialisme, tantôt au panthéisme, est englobée par les apologètes chrétiens dans leur condamnation du mouvement libertin.
Alchimie et paracelsisme est le premier d’une série de trois volumes, où seront succssivement étudiés les cercles alchimiques français et le mécénat princier qui les favorisa, ainsi que les rapports entre science, religion et littérature dans la France alchimique de la fin de la Renaissance.
-
La Fondation Barbier-Mueller pour l’étude de la poésie italienne de la Renaissance, fondée en 1997 à l’Université de Genève, est riche d’une collection de livres anciens, principalement du XVIe siècle, qui compte de nombreux exemplaires remarquables et précieux ainsi qu’une belle série de recueils collectifs et d’anthologies. Le catalogue de cette bibliothèque recense et décrit avec précision 452 éditions rares de poètes italiens, de Dante à Chiabrera, des plus illustres aux plus confidentiels. Une attention toute particulière est réservée au contenu des volumes, au recensement des pièces liminaires, à l’identification des dédicataires et des auteurs secondaires comme aux particularités des exemplaires. Plus qu’un simple catalogue toutefois, par l’importante documentation qu’il offre, à travers des notices prosopographiques et bibliographiques détaillées, cet ouvrage a aussi l’ambition de tracer un panorama original de la poésie, de l’édition et des milieux littéraires italiens au moment de leur âge d’or. Des tables et des index détaillés en font un outil de travail de première importance.
-
-
-
Si la représentation d'Adam et Eve connaît au XVIe siècle une actualité particulière, c'est sans doute parce que l'histoire des premiers parents suscite l'intérêt d'un siècle fasciné par la question de l'origine et offre à la peinture d'histoire sacrée l'occasion bien rare de représenter un homme et une femme nus. Mais il n'est pas indifférent que l'intérêt porte tout particulièrement sur le récit du péché originel, en Genèse 3, qui cristallise une série d'oppositions fondamentales. La faute provoque la chute dans notre humanité, puisqu'elle marque le passage de l'éternité à un temps arrêté par la mort. Mais elle constitue aussi le moment de la naissance des corps, souffrants et jouissants, marqués par la différence sexuelle. Elle opère enfin le basculement d'un monde régi par la transparence des signes, du langage, vers un monde marqué par l'opacité, le brouillage entre la vérité et le mensonge. Dès lors, la représentation du péché originel semble offrir à toute œuvre un miroir apte à réfléchir les moyens dont celle-ci dispose pour énoncer la vérité et pour la transmettre au lecteur/ spectateur.
-
La maternité, qu’il s’agisse de la génération, de la grossesse, de l’accouchement, de la stérilité ou des naissances « monstrueuses », fascine la Renaissance. Aussi, à l’âge de l’imprimerie, les traités d’obstétrique en langue fran§aise connaissent un succès remarquable, accélérant la diffusion des connaissances scientifiques. Valérie Worth-Stylianou examine cette histoire du livre médical en recensant les éditions d’une trentaine d’ouvrages, depuis la première version rançaise du manuel d’Euchaire Rösslin parue en 1536 jusqu’au pamphlet polémique de Louise Bourgeois – la première sage-femme à se faire imprimer – en 1627, en passant par des traités de chirurgiens ou de médecins célèbres tels Ambroise Paré, Laurent Joubert et Jacques Guillemeau. Quels sont les ouvrages qui bénéficient d’une circulation décisive ? Le choix de les publier en français, alors que le latin demeure le langage médical, n’implique-t-il pas une vulgarisation contestable de secrets réservés aux seuls hommes de l’art ? Qu’en est-il alors des querelles sur la double semence, la durée de la grossesse, et la génération des hermaphrodites ? Si ces textes réfléchissent les débats entre médecins et chirurgiens, hommes de l’art et sages-femmes, n’est-il pas remarquable qu’avant même l’ère des grands accoucheurs que seront Mauriceau et Portal, les auteurs les plus avisés s’acharnent surtout à enseigner le moyen de réduire le taux effrayant de la mortalité maternelle et enfantine ? Le corpus constitué comprend le texte annoté des préfaces, une bibliographie critique, la biographie et une analyse de l’apport de chaque auteur, ainsi qu’une centaine d’illustrations.
-
De 1544 à 1560, la vogue du recueil amoureux pétrarquien signe la naissance d’un véritable genre, doté d’une poétique propre : les « Amours ». Avec Délie, L’Olive et les diverses Amours de Ronsard et de ses amis, ce ne sont pas moins d’une trentaine d’œuvres dont cette étude séminale montre pour la première fois la cohérence, le mode de fonctionnement et les enjeux littéraires et politiques. Ressuscite alors une facette inattendue de la poésie amoureuse : sa dimension collective. Du modèle explicite, Pétrarque, aux sources inavouées (anthologies italiennes, Marot), la généalogie du genre souligne tout d’abord la nouveauté d’un projet qui, malgré son importation d’Italie, impose une poétique de la variation spécifiquement française. La genèse des œuvres de Ronsard, Le Caron, Du Bellay, Tyard et Des Autels perce ensuite l’idéal esthétique de ces formes paradoxales, une et discontinues, et détaille les ressorts de cet art de la marqueterie. Enfin, la poétique des recueils montre comment œuvres et genre se structurent par imitation et différence, créant des codes et un canon nouveaux qui réalisent en pratique le programme collectif de la Défense et Illustration de la langue française.
-
La B.I.H.R. est le fruit de la coopération internationale entre dix-huit pays où la Fédération est représentée (pour l’Europe : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suisse ; sur les autres continents : Amérique hispanique et Brésil ; Etats-Unis d’Amérique, Japon). Chaque contributeur procède, année après année, au recensement de tout ce qui a paru dans son pays, à savoir les monographies et les articles contenus dans des revues et des collectifs (mélanges, actes de congrès, etc.), à l’exception toutefois des comptes rendus. La Rédaction centrale se charge de collecter les différentes contributions en vue d’une publication annuelle. Les termes Humanisme et Renaissance y sont entendus dans leur sens le plus large; ils embrassent toute l’activité humaine – économique, juridique, scientifique, technique, littéraire, philosophique, religieuse, artistique, au cours des XVe et XVIe siècles. Nous avons toutefois conservé une certaine souplesse à ces limites chronologiques, compte tenu du développement asynchrone de ces mouvements culturels dans les différents pays concernés.