Renaissance
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Le manuscrit de Clément Marot, conservé au Musée Condé de Chantilly, était resté inédit jusqu’ici. Il s’agit d’un recueil de cent quarante poèmes remis en mars 1538 par l’auteur au connétable Anne de Montmorency, Grand Maître et nouveau Connétable de France. Ce témoin important méritait d’être publié pour trois raisons principales. Tout d’abord, il est le seul manuscrit composé par Marot lui-même que nous possédions et jouit d’une autorité bien établie. Ensuite, il contient plusieurs pièces restées inédites au XVIe siècle, la plupart ayant été composées soit pendant l’exil du poète à Ferrare, soit entre sa rentrée à la Cour (mars 1537) et la date de la remise du manuscrit (mars 1538). Enfin, ce recueil constitue un ensemble lyrique cohérent, divisé en sections bien définies et conçu pour être lu non seulement par un grand personnage influent dont Marot voulait attirer la sympathie mais, au-delà, par toute la cour de France auprès de laquelle l’ancien exilé cherchait à retrouver sa place au soleil. On prendra ainsi connaissance de poèmes sous la forme où ils ont circulé en haut lieu, avec des renvois appropriés aux versions ultérieures imprimées. Cette édition critique s’accompagne d’une reproduction de l’intégralité du manuscrit en fac-similé. Elle permettra de saisir un moment privilégié de l’œuvre du « Prince des poëtes françoys ».
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A une époque où le transfert culturel s'avère un phénomène central, l'étude de la migration des artistes, des modèles et des langages constitue un axe de recherche qui permet de comprendre des phénomènes d'assimilation, d'émulation ou de refus face aux usages et aux traditions d'autres pays, voisins ou lointains. Dans cet ordre d'idées, un rôle fondamental revient au dialogue, durable et fertile, entre la France et l'Italie. Les contributions de ce volume mettent en relief des relations entre deux grandes périodes et leurs contextes culturels, le Cinquecento et le Grand siècle, et éclairent les stratégies et les modalités de processus de sélection et d'appropriation. Parmi les nombreuses expériences artistiques qui ont caractérisé la péninsule tout au long du XVIe siècle, quels sont les modèles qui ont vraiment ouvert dans les habitudes et les prédilections des Français, quel type de classicisme italien a été accueilli et selon quelles modalités ? Les contagions et les "allers et retours" constants qui enrichissent les échanges entre les deux pays constituent le dénominateur commun des réflexions de ce livre, appelées à stimuler un regard croisé entre le différents domaines de l'activité artistique, au-delà des frontières et des périodisations traditionnelles. Elles cherchent à montrer la variété et la complexité des problématiques de la migration et de la métamorphose des modèles et à mettre en évidence la richesse des positions critiques actuelles, en encourageant une lecture plus nuancée de l'évolution des concepts et des langages artistiques.
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L’étude du rire méritait d’être renouvelée pour une période que Rabelais continue à dominer. Ce volume a regroupé vingt-six intervenants – littéraires, musicologues, historiens de l’art, des sciences ou de la pensée religieuse – qui offrent ici un recueil de vrais rires de toutes natures. A un moment où s’essoufflent les modèles inopérants de Bakhtine et de ses contradicteurs, il a paru plus important de saisir sur le vif, comme à l’improviste, la présence exceptionnelle du rire à tous les niveaux de l’invention, des pratiques et des comportements des hommes de la Renaissance. En partant des évidences sensibles, notamment musicales et iconographiques, en interrogeant constamment les expressions du rire et son lexique – partout, jusque dans les archives qui le condamnent –, en développant sous des angles nouveaux, la réflexion sur les auteurs et les artistes les plus attendus comme les plus anonymes (Rabelais, Montaigne, Roland de Lassus, Ronsard, Béroalde de Verville, Tabourot, Léonard de Vinci et son entourage, etc.), en soulignant également le rôle majeur des médecins-philosophes par le regard libre et profond qu’ils jettent sur ’activité de rire, le volume dégage peu à peu les nouvelles implications de l’érudition facétieuse et des pratiques de cour: tout cela intéressait encore vivement le XIXe siècle. L’omniprésence du rire suggère finalement qu’il pourrait être une activité globale, tout à la fois indépendante et nécessairement sociale, qui unit sans cesse le coeur et le corps de chaque homme dans une expérience unique d’ordre sensible, et met en jeu observation, culture et imagination. Le rire que l’on vivait naturellement à la Renaissance nous concerne pleinement aujourd’hui.i.
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La lecture, l’écriture et la production du livre n’ont cessé d’accompagner Pierre de Ronsard tout au long de son existence (1524-1585). La présente étude retrace la trajectoire biographique, sociale et culturelle de ce poète selon deux perspectives théoriques (bibliologique ou génétique, et littéraire). En observant l’œuvre ronsardienne en train de se faire et en décrivant l’évolution du projet littéraire, créatif, dans ses relations aux conditions matérielles du livre (manuscrit et imprimé), il s’agit de montrer comment Ronsard a tiré profit de la production et du commerce du livre pour asseoir son statut de poète royal et pour marquer de son empreinte la poésie du XVIe siècle.
Le présent volume examine tous les aspects de l’écriture manuscrite chez Ronsard (l’annotation de livres lus, la rédaction de documents relatifs à sa vie privée, la copie de textes littéraires écrits sous sa dictée ou recopiés par des secrétaires). S’appuyant sur le corpus des textes manuscrits de Ronsard connu à ce jour –et sur la redécouverte de manuscrits inédits-, ce livre s’efforce de répondre à plusieurs questions : que nous apporte l’étude des textes manuscrits pour saisir la personnalité du poète et comprendre ses habitudes de lecture et d’écriture ? Quelle est la place du manuscrit dans l’activité littéraire de Ronsard ? Quels rôles social et littéraire le poète leur assigne-t-il ? Quelle est la fonction du manuscrit dans la genèse de l’écriture poétique et quelle conclusion peut-on tirer de l’examen de leurs variantes textuelles ? En fin de parcours, sont évaluées la relation spécifique qui se joue entre les poèmes manuscrits et la poésie imprimée, et la part qui revient à chacun dans la diffusion de la poésie ronsardienne.
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Situation vraiment difficile, dramatique même, que celle de cette petite République de Genève, soutenant depuis trois ans une guerre épuisante contre le grand seigneur voisin, le duc de Savoie, beau-fils du roi d'Espagne, Philippe II. La ville était exsangue, ne sachant plus où emprunter pour tenir encore, réduite à implorer une aide charitable des amis lointains, qui consentiraient, eu égard à des liens religieux importants, un don même modeste, mais qui permettrait de tenir encore. Dans cette situation, Théodore de Bèze écrivit lettre sur lettre, pour obtenir en quémandant ces quelques miettes indispensables. Et il en résulta quelque chose, grâce aux missions des Genevois Anjorrant aux Pays-Bas, et Liffort dans les pays de l'Est, Silésie, Hongrie et Pologne, porteurs des messages de M. de Bèze, que tout le monde connaissait. Exemple étonnant d'un moment de sympathie internationale, qui fonctionna grâce au réseau des admirateurs du grand théologien. Les discordances, les exagérations, les circonstances extérieures (épuisement de l'ennemi affaibli pour des raisons internationales aussi) n'ont pas manqué non plus. Ceux que cet étonnant "melting-pot" intéresse, liront avec curiosité ces documents vibrants.
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L’erreur historique consiste à ériger involontairement le fait en loi, à prendre les effets pour des causes, à ne savoir plus faire la part de l’accident qui, tenant une si grande place dans la vie de l’homme, ne peut disparaître de son histoire. On aime à parler des grands courants qui entraînent une époque. L’image est juste, mais qu’elle ne nous égare pas. Ces courants ne sont pas une sorte de phénomène fatal et mystérieux venant du dehors fondre sur l’humanité : c’est de l’humanité même qu’ils sortent. Le plus souvent on peut dire d’où ils sont nés, comment ils ont grossi, quelle main les a sinon créés, du moins élargis et dirigés, quelle autre leur a opposé des obstacles ou en a détourné le cours. Et,
alors même qu’ils semblent devenus irrésistibles, alors que la foule des humains se laisse aller passive au fil du fleuve puissant qui l’emporte, on voit parfois un homme qui, seul, le remonte d’un élan désespéré, et il n’est pas sans exemple que cet homme finisse par être suivi de tous.
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En décembre 1486, Jean Pic de la Mirandole publiait ses Neuf cents thèses. Alerté sur le caractère provocant de ces thèses, le pape Innocent VIII, après avoir convoqué une commission de théologiens et engagé une procédure inquisitoriale, condamna au feu l’ensemble des thèses pichiennes. Probablement à la demande du pape, l’un des membres de la commission théologique, Pedro Garsia, expliqua les motifs qui avaient conduit à la condamnation de treize des thèses de Pic. Ces Déterminations magistrales, parues en octobre 1489, sont essentielles à la compréhension des termes du débat théologique et philosophique engagé par Pic. Garsia en consacre plus d’un tiers à la seule réfutation de la thèse de Pic selon laquelle « il n’est pas de science qui nous assure davantage de la divinité du Christ que la magie et la kabbale » ; c’est dire l’importance de cette question. On trouvera donc ici la transcription et la traduction française de cette importante détermination sur la kabbale et la magie, précédées d’une introduction qui en précise les termes et les enjeux.