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Dans la sphère académique, l’histoire de l’art traverse une crise d’identité qui gagne peu à peu le monde muséal. À force d’emprunter ses approches à d’autres disciplines des sciences humaines, elle prend le risque de perdre de vue son objet premier, l’œuvre d’art dans sa matérialité, et son outil le plus fondamental : le connoisseurship. Celui-ci consiste à établir l’identité des œuvres, en les replaçant dans la dynamique des parcours individuels et des échanges culturels. Loin de se réduire à un talent inné, il peut et doit être enseigné sur une base théorique permettant l’exercice de l’œil. C’est à cet objectif que répond ce livre. Conçu comme un manuel méthodologique, il vise à responsabiliser les futurs acteurs de notre patrimoine et à leur transmettre des compétences concrètes, pertinentes aussi bien sur le marché de l’art que dans le monde muséal et la sphère académique. Ce faisant, il plaide en faveur d’une histoire de l’art organique, capable de se réinventer sans cesse.
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Première partie: L’œuvre et l’artiste
Alain Guerreau , «Architectus dans les textes latins. Fin du IVe siècle – fin du XIIIe siècle» ;
Arturo Carlo Quintavalle , «I modelli dell’Antico e la Riforma Gregoriana» ;
Jean-Pierre Caillet , «Retour sur les grands portails romans. Essai sur les causes de leur essor» ;
Fabienne Joubert, «Le jubé de la cathédrale de Strasbourg : Genius loci ou migration naturelle des sculpteurs ?
Herbert L. Kessler,» Optical Art before Assisi» ;
Nicolas Schätti, «Gossuin de Bomel, Perrin Rolin, Hennequin Jardyn et l’orfèvrerie « savoyarde » durant la première moitié du XVe siècle» ;
Philippe Lorentz, «Les Crucifixions du Maître de Dreux Budé : avant ou après 1450 ?»
Miriam Milman, «Petrus Christus, un précurseur ? Révélations de L’orfèvre dans son atelier (Saint Eloi, 1449) du Metropolitan Museum» ;
Frédéric Elsig, «Homo viator : quelques observations sur le Chariot de foin de Jheronimus Bosch» ;
Oskar Bätschmann, «Narcisse, le découvreur de l’image» ;
Victor I. Stoichita, «Michel-Ange et la cosa mirabile»
Laure Eynard , «Humbert Mareschet et les peintures murales de Payerne» ;
Deuxième partie : Questions d’iconographie
François Boespflug, «Le Crucifix hors d’atteinte ? Du graffito du Palatin aux outrages des iconoclastes de la Réforme» ;
Agostino Paravicini Bagliani, «Grégoire VII et l’excommunication. A propos des figures des apôtres Pierre et Paul sur les bulles pontificales» ;
Brigitte Roux, «Jean qui pleure :remarques sur la crucifixion des évangiles de Gerresheim» ;
Pierre Alain Mariaux, «Qui a peur de Claricia ?»
Serena Romano, «Allégorie de la déviance : la Folie de Giotto dans la chapelle d’Enrico Scrovegni à Padoue» ;
Térence Le Deschault de Monredon, « La femme au faucon» ;
Emmanuel Clapasson, «Guillaume de Machaut « qui de Fortune descrisoit l’ymagë »» ;
Damien Cerutti, «Ecrire, prier et sauver des âmes.La décoration de la chapelle Bardi à Santa Maria Novella» ;
Jean-Michel Spieser, «Remarques sur le programme iconographique de la Pantanassa de Mistra» ;
Corinne Charles, «Iconographie courtoise, amour charnel et mariage. Les coffres du Veneto» ;
Cécile Dupeux, «A propos d’un plateau de table représentant les âges de la vie» ;
Max Engammare, «Bethsabée ou Suzanne ? Réflexions iconographiques pour un amateur de jolies femmes ;
Marcel Roethlisberger, «Thèmes de paires de tableaux baroques»
Troisième partie : Réception et perception de l’image
Andreas Braem, «Sub certa promissione restitutionis Beraubung, Verkauf und Verpfändung mittelalterlicher Reliquiare» ;
Michel Pastoureau, «Quand les carottes étaient blanches : les pièges de l’anachronisme dans l’étude des couleurs médiévales » ;
Florens Deuchler, «Notes autour du décodage des modes gestuels le langage corporel gothique 1200–1400» ;
Frank Muller, «Le moment de l’athéisme dans liconoclasme de l’époque de la Réforme » ;
Lorenz E. Baumer, «La sculpture grecque originale dans les collections européennes : butin de guerre, objet de collectionnisme et emblème du philhellénisme» ;
Leïla el-Wakil, «Petite pièce d circonstance entre patrimoine et tourisme»
Pierre Vaisse, «Pissarro et le gothique» ;
Quatrième partie : En marge de l’image
Michel Aberson, «Obscénités équestres» ;
Jean-Yves Tilliette, «Color. Petite histoire d’une notion rhétorique» ;
Laurence Terrier, «La présence du Christ dans l’eucharistie :la conception originale de Guibert de Nogent» ;
Anita Guerreau-Jalabert, «Spiritus et caro. Une matrice d’analogie générale» ;
Philippe Borgeaud, «D’une poup©e au corps divin» ;
Brenno Boccadoro, «Limite et transgression dans la théorie musicale antique» ;
Alain Dufour, «Comment Henri IV et Théodore de Bèze ont rêvé de rapprocher. Catholiques et Protestants dans la France de leur temps» ;
Biliographie de Jean Wirth
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Dans la première moitié du XIIIe siècle apparaît un nouveau décor du manuscrit enluminé, appelé au plus grand succès, la marge à drôleries. Des motifs profanes et humoristiques, très souvent animaliers, se multiplient à l’extérieur du texte et de son illustration. Leur présentation se codifie vers 1250 dans les ateliers parisiens, alors centraux de la production du livre universitaire, en épousant une mise en page solidement organisée à partir des lettrines initiales. Ce décor est aussitôt adopté dans les villes du nord de la France et dans les Flandres, ainsi que dans l’Angleterre de l’est. Vers 1300, il se répand dans le sud de la France, en Espagne, en Allemagne et en Italie. Mais, dès le milieu du XIVe siècle, la prolifération des feuillages supplante les drôleries animales ou humaines. Bien que connaissant des résurgences successives jusqu’à la Renaissance, le genre est passé de mode.
Jean Wirth et son équipe de recherche discutent les interprétations existantes et proposent une méthode iconologique adaptée au sujet. Les Marges à drôleries des manuscrits gothiques font l’histoire de la constitution et de l’évolution stylistique du genre, puis de ses principaux ingrédients constitutifs. On montre successivement ce qu’il doit à l’enluminure romane, à l’iconographie de la Bible et du psautier, à l’imitation d’œuvres d’art antiques et enfin à la littérature profane. La thématique de ce décor, successivement la chasse, les jeux guerriers et pacifiques, la musique, la danse et la jonglerie, le loisir courtois, enfin la satire du système religieux, allant de l’anticléricalisme au blasphème, est étudiée. La présence paradoxale d’un décor marginal indiscutablement profane dans des livres de dévotion, la plupart destinés à des dames de l’aristocratie, est par ailleurs élucidée en partant de ce que l’on sait des commanditaires et des peintres. Les conclusions auxquelles aboutissent alors Wirth et son équipe renouvellent notre connaissance du comportement et de l’idéologie de la noblesse au Moyen Age. Elles nous apprennent également qu’en faisant mettre en image leur mode de vie et leur conception du monde, sur un mode généralement comique, les commanditaires de ces livres ont contribué à l’éclosion d’une iconographie pleine d’avenir dans la peinture occidentale : la scène de genre.
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En 1565 paraît ce mystérieux petit livre, une suite de cent vingt planches qui, de caprices en métissages, modulent, avec une incroyable inventivité, le thème du monstre. Hormis un préambule qui n'explique pas grand-chose, les images règnent sans partage. Dans leur introduction et postface, un historien de la littérature, Michel Jeanneret, et un historien de l'art, Frédéric Elsig, rappellent l'origine probable des Songes drolatiques : le milieu parisien des imprimeurs, des brodeurs et des décorateurs. Ils les rapprochent de la mode des grotesques et les replacent dans la tradition des drôleries gothiques et flamandes, celle de Bosch et de Bruegel. Ils rappellent que l'univers mental de la Renaissance est peuplé de monstres et, pour saisir l'enjeu de ces gravures étranges, proposent une réflexion sur le rapport qu’entretiennent la peur et le rire, suggérant que, si l'attribution à François Rabelais est historiquement fausse, elle rejoint pourtant, dans l'esprit, les joyeuses aventures des Pantagruélistes.
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Depuis le XVIe siècle, Jheronimus Bosch (Bois-le-Duc, 1450/1455-1516) suscite une abondante littérature qui, focalisée sur la signification de ses inventions fascinantes, en a fait progressivement un peintre isolé de tout contexte, en laissant largement de côté la question primordiale de la chronologie. Sa production, confondue avec celle de l'atelier et des suiveurs, nécessite donc une étude qui, aiguillée par l'analyse stylistique, fasse converger l'ensemble des données disponibles (documents, résultats dendrochronologiques, etc.). Elle s'organise autour de l'unique œuvre documentée, le Jugement dernier de Vienne, peint vers 1505 pour Philippe le Beau, et comprend deux groupes articulés selon un développement cohérent. Le premier (avant 1505) se caractérise par une manière fluide, liée à l'intérêt humaniste pour la celeritas. Le second (après 1505) manifeste une manière plus patiente qui, adaptée au goût de la clientèle bruxelloise, culmine dans le célèbre Jardin des délices. Se dessine ainsi le profil d'un peintre très apprécié par l'élite politique de son temps et dont les inventions, diffusées sur le marché anversois par des copies et des pastiches, joueront un rôle décisif dans l'émergence de la notion même de genre. genre.