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Le divertissement, la fête, le rire sont des besoins que, pour exorciser les inquiétudes de la vie quotidienne, nous éprouvons tous. Cela est encore plus vrai dans les sociétés soumises à une discipline sévère ou confrontées à des événements douloureux. Les XVIe et XVIIe siècles ont su créer ces espaces d’exception. Ils ont réservé une place aux bouffons et aux farceurs, à l’expression publique de l’exubérance et de la gaieté, ils ont su contourner les interdits pour libérer l’énergie vitale de ses entraves. La littérature tient sa part dans ce grand jeu. Au XVIe siècle, Erasme, Rabelais, Montaigne, quelques autres docteurs en gai savoir affirment la légitimité du plaisir. Lorsque l’ordre moral et la police des idées se resserrent, au XVIIe siècle, des écrivains prennent la relève, remplissant dans la société la même fonction que le fou à la cour. Ce sont des bohèmes, des saltimbanques, des lettrés plus ou moins libertins qui incarnent ou mettent en scène la joie pour la faire advenir. Si Molière joue ce rôle à la perfection, toute une faune littéraire, à ses côtés, s’emploie à créer des mondes où l’homme, en accord avec son désir, peut s’épanouir.
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« La matière demeure et la forme se perd », écrivait Ronsard. C’est partout, au XVIe siècle, la même fascination pour le transitoire et le protéiforme, la même effervescence vitaliste et naturiste, le même regard porté sur la gestation de formes issues du chaos, la même attirance pour les naissances confuses.
La tache de Léonard, les grottes artificielles de Palissy, l’inachèvement programmé de grandes œuvres comme celles d’Erasme, de Rabelais, de Ronsard ou de Montaigne, disent en autant de variations le triomphe de la métamorphose.
Au rebours des principes d’ordre, d’harmonie et de maîtrise d’ordinaire associés à la culture de la Renaissance, ce livre explore l’envers mouvant et dionysiaque d’une époque placée sous le signe de l’instabilité. La flexibilité de la littérature et de l’art au XVIe siècle est replacée dans un contexte large, qui va des théories de la Création, de celles de la cosmologie, de la biologie et de la géologie à la conception de l’homme et au sens de l’histoire.
Perpetuum mobile constitue une magnifique initiation à la culture d’un siècle ondoyant et divers, qui ressemble au nôtre par l’inquiétude et le sens de l’inaccompli.
Frank Lestringant
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Jusqu'au XVIIe siècle, les traités de médecine, réservés aux doctes s'écrivaient d'ordinaire en latin. Pour toucher un public plus large, our se conformer aux politiques princières de la langue ou pour participer au débat humaniste sur l'utilisation du vernaculaire, certains praticiens adoptèrent cependant la langue vulgaire: c'est un acte de rupture culturelle et sociale. Quels sont ces pionniers et à qui s'adressent-ils? Quelles sont les connaissances, nosologiques et thérapeutiques, qu'ils choisissent de partager avec leurs nouveaux lecteurs? A quelles stratégies stylistiques et rhétoriques recourent-ils? On découvrira les surprenantes affinités entre cette médecine, qu'elle soit française ou italienne, et ce qu'on appelle aujourd'hui la littérature. On découvrira aussi à quelles ruses recourent les auteurs pour intéresser et séduire soit les patients, soit le public croissant des amateurs. La médecine en langue vulgaire, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, est volontiers pittoresque et truculente. Ce livre n'est pas triste non plus.
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Lorsque Charles Sorel publie sa Description de l'île de Portraiture et de la ville des Portraits en 1659, la « fureur » de se faire peindre a gagné le milieu mondain, tandis que de nombreux écrivains s'adonnent à la manie des collections de tableaux. Parallèlement, la mode du portrait littéraire atteint son apogée. Sorel témoigne de cet engouement en traçant le parcours d'un « curieux », Périandre, dans une île peuplée de portraitistes « de toutes sortes ». A l'observation de ces artistes se juxtapose la satire de leurs vaniteux modèles, dont le corps travesti et le visage masqué n'attendent qu'à être découverts et ridiculisés.
Les extraits que publie Martine Debaisieux en annexe à son édition indiquent que la production romanesque de Charles Sorel privilégiait déjà la portraiture. Mais, dans son voyage imaginaire, où se mêlent fantaisie et critique, l'auteur va plus loin. S'il révèle une fois de plus les vices de son siècle, il expose aussi ouvertement les impostures de la mimésis et le mensonge des « figures » - qu'elle soient tracées par la plume ou par le pinceau.
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Le colloque sur les paraphrases bibliques aux XVIe et XVIIe siècles qui s'est tenu à Bordeaux en septembre 2004 a réuni des chercheurs venus d'horizons divers pour mener une réflexion sur une pratique d'écriture très féconde à l'époque, quoique déroutante à la fois par la diversité des champs qu'elle recouvre (théologie, liturgie, littérature, musique) et par la variété des postures qu'elle adopte ou des visées qu'elle poursuit (traduction, exégèse, homélie, sermon, imitation ou explication poétique). La marge de manœuvre que la démarche même de la réécriture laisse au paraphraste lui permet de franchir les limites imposées aux genres traditionnels, et de s'aventurer sur des chemins de traverse qui sont pour son œuvre autant d'occasions de démontrer ses facultés de souplesse et de rénovation. Réécrire, qu'il s'agisse d'expliquer, d'interpréter ou tout simplement de répéter, c'est s'approprier le discours de l'autre. Sous cet angle, l'appellation de paraphrase se révèle trompeuse : elle n'est pas un acte de subordination idéologique ou littéraire, mais bien plutôt l'apprentissage d'une forme de liberté - liberté de pensée, liberté d'écriture, séparées ou conjuguées selon les cas. Le choix du texte de base, son interprétation idéologique, sa translation formelle, son utilisation (liturgique, polémique, pastorale ou autre), tels sont les indices d'une singularité qui s'élabore et s'affirme en bordure de l'autre.
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En 1565 paraît ce mystérieux petit livre, une suite de cent vingt planches qui, de caprices en métissages, modulent, avec une incroyable inventivité, le thème du monstre. Hormis un préambule qui n'explique pas grand-chose, les images règnent sans partage. Dans leur introduction et postface, un historien de la littérature, Michel Jeanneret, et un historien de l'art, Frédéric Elsig, rappellent l'origine probable des Songes drolatiques : le milieu parisien des imprimeurs, des brodeurs et des décorateurs. Ils les rapprochent de la mode des grotesques et les replacent dans la tradition des drôleries gothiques et flamandes, celle de Bosch et de Bruegel. Ils rappellent que l'univers mental de la Renaissance est peuplé de monstres et, pour saisir l'enjeu de ces gravures étranges, proposent une réflexion sur le rapport qu’entretiennent la peur et le rire, suggérant que, si l'attribution à François Rabelais est historiquement fausse, elle rejoint pourtant, dans l'esprit, les joyeuses aventures des Pantagruélistes.
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Pétrarque a bénéficié au XVIe siècle d'un prestige exceptionnel, et il a joué un rôle fondateur dans la formation de la langue et de la poésie vernaculaires. Le sonnet, dont il donnait le modèle, a été une forme unificatrice de la culture des différentes cours d'Europe. L'imitation de sa poésie, le culte voué à sa personnalité de poète et d'amoureux, le respect plus général pour le lettré constituent les formes complémentaires d'une même référence, aussi forte qu'énigmatique. Les études réunies dans ce volume examinent la présence et le rôle de Pétrarque dans l'œuvre des principaux poètes français de la Renaissance et de quelques minores. Elles mettent en évidence le rôle des médiations, traductions ou éditions, et soulignent les formes d'une création littéraire fondée sur l'imitation et la variation. Par les répétitions et les contradictions qu'elles font apparaître, elles entendent compléter et préciser l'histoire trop générale du pétrarquisme en France, apportant une première contribution systématique aux commémorations du poète en son septième centenaire.
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U. BALDINI,
Anne BLAIR,
Lina BOLZONI,
Keith CAMERON,
Jean CÉARD,
G. CHAIX,
O. CHRISTIN,
Jean DUPÈBE,
G. GALASSO,
Anthony T. GRAFTON,
P. F. GRENDLER,
Fernand HALLYN,
Michel JEANNERET,
Eva KUSHNER,
Frank LESTRINGANT,
Ann MOSS,
R. MUCHEMBLED,
A. NOVA,
L. PERINI,
A. SÉGUENNY
Sommaire: Introduction par A. Redondo. Première partie: faire des recherches sur la renaissance après l’an 2000: M. Jeanneret, «La Renaissance et sa littérature: le problème des marges»; G. Chaix, «Faire des recherches sur la Renaissance après l’an 2000. La formation des chercheurs»; K. Cameron, «Les relations avec les institutions. Relations with institutions». Deuxième partie: Fonds, instruments, savoirs prospection des nouveaux fonds, instruments de recherche, élaboration et diffusion des savoirs: A. Grafton, «Renaissance research today: forms and styles»; P. F. Grendler, «Renaissance humanism, schools, and universities»; A. Nova, «Fonds, instruments, savoirs, prospection des nouveaux fonds, instruments de recherche, élaboration et diffusion des savoirs»; A. Blair, «Historiens de la philosophie et des sciences»; F. Lestringant, «Historiens de la littérature». Troisième partie: cultures et modèles culturels: L. Bolzoni, «Cultures et modèles culturels»; A. Moss, «New ways of looking at texts»; E. Kushner, «Sociabilité et écriture»; R. Muchembled, «Processus de réflexion et médiations». Quatrième partie: croyances: adhésions et dissensions: J. Céard, «Croyances: adhésions et dissensions?»; U. Baldini, «Filosofia naturale e scienza negli archivi romani del sant’ufficioe dell’indice (sec. XVI)»; F. Hallyn, «Conventions du discours – modalités d’analyse – filtres»; A. Séguenny, «Religions en contact. Le problème des transferts des idées»; N. Panichi, «Filosofie in contatto. Problemi di transfert»; L. Perini, «Verso altri sistemi di rappresentazione del mondo: La Monarchia di Spagna di Fra’ Tommaso Campanella». Cinquième partie: quels types d’histoires pour l’avenir?: G. Galasso, «Genève»; O. Christin, «Les modèles»; J. Dupèbe, «Les types d’analyse».
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Sous le titre de Poétiques d'Aubigné, ce Colloque tente de dessiner les contours et les enjeux de cette "beauté convulsive" qui distingue l'œuvre du poète et capitaine Huguenot. Comment représenter la violence? Comment dire la fureur et l'extase? En quoi le texte prétend-il se faire image? Et dans quelle mesure la stylistique et la poétique deviennent-elles partie prenante de la théologie? Toutes ces questions donnent lieu à une réflexion originale et approfondie de la part de quelques-uns des meilleurs spécialistes de l'œuvre d'Aubigné: Claude-Gilbert Dubois, Jean-Raymond Fanlo, Elliott Forsyth, Marie-Madeleine
Fragonard, Michel Jeanneret, Ullrich Langer, Frank Lestringant, Gisèle Mathieu-Castellani, Olivier Pot, Jean-Yves Pouilloux, Marie-Hélène Prat, Malcolm Quainton, Richard L. Regosin, Gilbert Schrenck, Marguerite Soulié, André Tournon, Henri Weber.
"Les Tragiques d'Aubigné" : une poétique de la violence. La fureur iconoclaste du poète réformé, mort à Genève en 1630, allait de pair avec une fascination pour la représentation imagée. "(...) Comme le formule d'entrée Michel Jeanneret : "Après une vie de combat pour la cause protestante, Aubigné mourait à Genève en 1630. Il était temps que la ville du refuge lui rende hommage." Cet hommage adopte la forme d'une quinzaine de communications qui, toutes, se penchent sur les Poétiques d'Aubigné. Ce n'est pas un hasard si Aubigné (...) se retrouve de nos jours au bénéfice d'une attention renouvelée. (...) Que ce soit au niveau des thèmes, du lexique, de la syntaxe ou de la prosodie, cette violence ne cesse de se réaffirmer dans un poème hors normes à tous égards." John E.Jackson. Extrait d'un article paru dans "Le Temps", le 30 octobre 1999.