Jean WIRTH
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Dans cet ouvrage succédant à ceux qu'il a consacré à Villard de Honnecourt et à la cathédrale de Reims, Jean Wirth aborde la cathédrale de Chartres, de la reconstruction de la façade après 1134 à celle du reste de l'édifice entre 1194 et 1260. Il y étudie la sculpture et des vitraux tout en les situant dans la progression du chantier architectural.
Un bon nombre de questions essentielles étaient restées en suspens et les opinions s'affrontaient, souvent depuis longtemps, sans faire ni vainqueur, ni vaincu.
Pour trouver des solutions, il fallait résoudre une équation à plusieurs inconnues. En effet, il est impossible de parvenir à une chronologie sans comprendre l'organisation des chantiers ou de comprendre l'organisation des chantiers sans disposer d'une chronologie. Or établir la chronologie suppose une bonne appréciation de la durée des tâches. Cette durée dépend du nombre et de la compétence des hommes qui y sont affectés, mais les rares sources écrites dont nous disposons ne nous en disent rien. Il faut se contenter à ce sujet des indices fournis par le monument lui-même, dont l'interprétation est fonction d'hypothèses, parfois exprimées, trop souvent tacites. C'était l'un des points les plus importants à clarifier.
Enfin, l'iconographie devait être repensée. On se demandait jusqu'à quel point celle des vitraux avait été programmée ou faite au coup par coup. À ces questions aussi, de nouvelles réponses sont apportées.
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L'histoire des images est indissociable de l'histoire de l'art. Elle s'y distingue certes par des spécificités, comme l'histoire de l'architecture. Il serait impossible de dater et de localiser la plupart des images médiévales sans passer par l'histoire des styles et donc par l'histoire de l'art. On ne peut comprendre le sens d'une image sans ce préalable.
Il ne s'agit pas pour autant d'isoler l'histoire de l'art dans une autonomie factice. L'art est profondément imbriqué dans l'histoire sociale, religieuse et politique. Les spécialisations morcelant les compétences, ces imbrications sont souvent ignorées ou mal comprises, de sorte que la solution d'un problème se trouve non moins souvent au carrefour des disciplines. Les essais réunis dans ce volume s'y situent en tout cas clairement, débordant constamment vers l'histoire religieuse et celle des idées philosophiques, parfois vers l'histoire littéraire ou celle des institutions. La plupart d'entre eux sont relatifs aux images, parfois davantage à leur iconographie ou à leurs déterminations extérieures, comme le culte dont elles sont l'objet, parfois pour les situer stylistiquement ou pour mettre en évidence les procédés mis en œuvre. Ils visent à rendre aux œuvres leur consistance, en traitant tour à tour du statut de l'image médiévale, des thèmes iconographiques et enfin des problèmes spécifiques à une œuvre ou à un ensemble d'œuvres.
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TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Introduction
Chapitre premier. L’Album du point de vue philologique
La codicologie
Les problèmes d’attribution
Les propositions de Barnes
La découverte de Schlink et ses conséquences
L’écriture et l’identit© de Villard
La genèse de l’Album
Les étapes du dessin
Du recueil de modèles au manuel d’ingénierie
Du portefeuille à l’Album
Le projet didactique
Chapitre II. L’art du dessin
Image et imitation de la nature au XIIIe siècle
« Imiter la naure »
« Contrefaire »
« Portraire, portrait, portraiture »
La géométrie naturelle
L’observation directe
La flore
Les animaux
Le lion
La réduction de la tridimensionnalité
Modèles sculptés ou peints ?
L’utilisation du miroir ?
Copie et invention
La construction géométrique de l’image
Images et figures
La migration des figures
La construction anatomique
Le dessin technique
Une précision inégale
Les conventions graphiques
La construction modulaire
Les procédés géométriques
Chapitre III. L’ingénieur médiéval
La charpenterie
La charpente d’une absidiole (fol. 17v, 1)
La charpente en forme de voûte (fol. 17v, 2)
La charpente du toit en appentis (fol. 17v, 3)
Les poutres trop courtes (fol. 23r, 4)
Le pont de bois (fol. 20r, 10)
La mécanique
Le vérin (fol. 22v, 3)
Le pas de vis (fol. 20r, 16)
Le redressement d’une maison (fol. 23r)
La scie à pilots (fol. 23r, 1)
La roue dont l’arbre n’est pas entamé (fol. 23r, 2)
La scie qui scie toute seule (fol. 22v, 1)
Le trébuchet (fol. 30r)
L’arc qui ne faut (fol. 22v, 2)
L’horlogerie
L’ange (fol. 22v, 3)
Le mouvement perpétuel (fol. 5r)
La roue de Fortune (fol. 21v)
La chaufferette (fol. 9r, 4)
La chantepleure (fol. 9r, 3)
L’aigle (fol. 22v, 5)
Chapitre IV. La géométrie pratique
Relever des mesures
Le graphomètre (fol. 20r, 12 et 13)
La mesure de la hauteur d’une tour (fol. 20v, 10)
La poire et l’oeuf (fol. 21r, 2)
Les deux pierres qui ne tombent pas si loin (fol. 20r, 7)
La mesure du diamètre d’une colonne (fol. 20v, 2)
La mesure du diamètre d’une colonne engagée (fol. 20r, 1 et 2)
Les centres de la voussure (fol. 21r, 4)
Etablir un plan
La galerie du cloître (fol. 20r, 11)
Le récipient contenant le double de l’autre (fol. 20r, 17)
Les quatre coins du cloître (fol. 20r, 14)
La tour à cinq arêtes (fol. 21r, 3)
La salle du chapitre (fol. 21r, 1)
Le chevet à douze verrières (fol. 20r, 5)
La stéréotomie
Les deux piles de même hauteur (fol. 20v, 9)
Division d’une pierre en deux moitiés carrées (fol. 20r, 15)
Le pilier carré (fol. 20v, 5)
Les arcs en tiers et en « quint » point (20v, 3 et 4)
La graduation du voussoir (fol. 20v, 6)
La « chute » du voussoir (fol. 21r, 5)
Trois sortes d’arcs (fol. 21r, 8)
Le patron des voussures (fol. 20r, 3)
La pose des voussures, le cintre vers le ciel (fol. 20r, 4)
La taille des voussures pour une tour ronde (fol. 20r, 8)
La voussure réglée (fol. 20r, 18)
La taille des pendants réglés (fol. 20v, 1)
La voussure pendante (fol. 20v, 8)
La voussure agenouillée (fol. 21r, 7)
L’équerre et la cerce (fol. 20r, 6)
L’arrachement (fol. 21r, 6)
La flèche du clocher (fol. 20v, 7)
La voûte biaise (fol. 20r, 9)
Chapitre V. Villard de Honnecourt et l’architecture de son temps
Dessins d’après nature, copies de plans, copies de projets ?
Le chevet de Vaucelles
L’église cistercienne
Le chevet de la cathédrale de Cambrai
Le chevet de la cathédrale de Meaux
Villard à Reims
Chapitre VI. L’homme déduit de l’oeuvre
Une évolution stylistique
Où et quand ?
Chartres
Le voyage en Hongrie
Cambrai
Esquisse d’une chronologie
Conclusion
Bibliographie
Liste des illustrations
Index
Crédits photographiques
Reproduction de l’Album
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Les travaux de Jean Wirth sur l’histoire de l’image médiévale se sont accompagnés dès le début d’une réflexion théorique sur la sémantique de l’image dont il livre les résultats dans ce petit ouvrage. Après avoir montré combien la notion d’image est devenue floue, il reprend le problème là où l’avaient laissé les penseurs du passé, comme saint Thomas, Peirce et Wittgenstein (auxquels il faut ajouter Prieto), puis construit pas à pas une théorie de l’imitation à la fois logiquement cohérente et empiriquement acceptable. Il analyse pour cela la relation élémentaire entre un objet et sa représentation mimétique, sans privilégier l’objet visuel, et dégage la spécificité de cette relation qui diffère considérablement de la dénotation dans le langage articulé, car les unités syntaxiques et sémantiques se confondent. En revanche, les tropes utilisés pour désigner un objet au sens figuré constituent une rhétorique comparable à celle du langage, ce qui permet la mise en image de notions abstraites. Jean Wirth examine ensuite le problème de la représentation des objets auxquels on dénie l’existence, laquelle servait d’argument contre les théories de l’imitation à des auteurs comme Nelson Goodman. Il montre enfin que l’image en soi ne possède aucune performativité, mais qu’elle entre dans des processus performatifs, en déployant une efficacité qui n’est pas de même nature. Ce petit livre rouvre ainsi un débat sur l’image qui était vif dans les années soixante du siècle passé, mais s’était endormi à défaut d’aboutir.
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Dans la première moitié du XIIIe siècle apparaît un nouveau décor du manuscrit enluminé, appelé au plus grand succès, la marge à drôleries. Des motifs profanes et humoristiques, très souvent animaliers, se multiplient à l’extérieur du texte et de son illustration. Leur présentation se codifie vers 1250 dans les ateliers parisiens, alors centraux de la production du livre universitaire, en épousant une mise en page solidement organisée à partir des lettrines initiales. Ce décor est aussitôt adopté dans les villes du nord de la France et dans les Flandres, ainsi que dans l’Angleterre de l’est. Vers 1300, il se répand dans le sud de la France, en Espagne, en Allemagne et en Italie. Mais, dès le milieu du XIVe siècle, la prolifération des feuillages supplante les drôleries animales ou humaines. Bien que connaissant des résurgences successives jusqu’à la Renaissance, le genre est passé de mode.
Jean Wirth et son équipe de recherche discutent les interprétations existantes et proposent une méthode iconologique adaptée au sujet. Les Marges à drôleries des manuscrits gothiques font l’histoire de la constitution et de l’évolution stylistique du genre, puis de ses principaux ingrédients constitutifs. On montre successivement ce qu’il doit à l’enluminure romane, à l’iconographie de la Bible et du psautier, à l’imitation d’œuvres d’art antiques et enfin à la littérature profane. La thématique de ce décor, successivement la chasse, les jeux guerriers et pacifiques, la musique, la danse et la jonglerie, le loisir courtois, enfin la satire du système religieux, allant de l’anticléricalisme au blasphème, est étudiée. La présence paradoxale d’un décor marginal indiscutablement profane dans des livres de dévotion, la plupart destinés à des dames de l’aristocratie, est par ailleurs élucidée en partant de ce que l’on sait des commanditaires et des peintres. Les conclusions auxquelles aboutissent alors Wirth et son équipe renouvellent notre connaissance du comportement et de l’idéologie de la noblesse au Moyen Age. Elles nous apprennent également qu’en faisant mettre en image leur mode de vie et leur conception du monde, sur un mode généralement comique, les commanditaires de ces livres ont contribué à l’éclosion d’une iconographie pleine d’avenir dans la peinture occidentale : la scène de genre.
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A-t-il existé une statuaire carolingienne ? Les chefs-d’œuvre de la sculpture romane auvergnate datent-ils bien du XIIe siècle ? La sculpture saxonne du XIIIe siècle dérive-t-elle vraiment de modèles français ? Quand a-t-on construit le porche de Moissac, le tympan de Conques, la façade de la cathédrale de Reims ? Ces questions et beaucoup d’autres reçoivent trop souvent, dans les études spécialisées et à plus forte raison dans les manuels, des réponses péremptoires qui dissimulent les difficultés, les raisonnements approximatifs et le refus des remises en cause. Examinant l’une après l’autre les méthodes dont nous disposons pour dater les œuvres, de l’analyse de laboratoire au jugement stylistique en passant par l’interprétation des documents écrits, Jean Wirth évalue les apports et les limites de chacune d’elles. Il montre à partir d’exemples concrets quelles dérives les menacent et comment en faire le meilleur usage. Parfaitement conscient des faiblesses de l'histoire de l’art, mais amoureux de sa discipline, il en propose une critique radicale et constructive. Dater une œuvre quelques décennies voire quelques années plus tôt ou plus tard n’est pas un petit jeu stérile, mais peut en modifier entièrment la signification artistique et le message. Si la statue-reliquaire de sainte Foy à Conques était réellement une œuvre carolingienne, cela signifierait que le refus par Charlemagne du culte des images était irréaliste. Situés au milieu du XIIe siècle, les chapiteaux du maître auvergnat de Mozat sont des excentricités incompréhensibles. En les replaçant dans le contexte du XIe siècle, on s’aperçoit qu’ils constituent une étape majeure du développement de la sculpture romane et qu’ils ont été imités jusqu’à Compostelle. Enfin, comme le montre Jean Wirth, la datation précise des œuvres est indispensable pour dégager l’individualité et l’influence des grands artistes médiévaux, au lieu de les dissoudre dans des écoles et des ateliers aux contours indistincts. Auteur de nombreux travaux sur l’image médiévale, Jean Wirth est archiviste-paléographe et professeur d’histoire de l’art à l’Université de Genève.
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David ARNOLD,
Cyprian BLAMIRES,
Karel BOSKO,
Marcel COTTIER,
Gérard DANOU,
Frank DIKÖTTER,
Max ENGAMMARE,
Jean-Claude FAVEZ,
Yasmina FOEHR-JANSSENS,
Laurence GUIGNARD,
Timothy HARDING,
Mark HUNYADI,
Romano LA HARPE,
Arielle MEYER,
Alessandro PASTORE,
Michel PORRET,
Beat RÜTTIMANN,
Fernando VIDAL,
Jean WIRTH
Moyen Âge chrétien, Europe moderne et contemporaine, sociétés coloniales: ces études originales apportent un regard interdisciplinaire sur cet objet central des sciences humaines qu'est le corps, abordé ici sous la thématique de la violence concrète et de son imaginaire social ou littéraire. Religieuses, pénales, militaires, concentrationnaires, pathologiques et aussi thérapeutiques: les violences du corps trouvent une actualité singulière en cette fin de XXe siècle. Elles font parfois écho, après les camps nazis, aux guerres civiles ou à la purification ethnique, laboratoires de l'anéantissement corporel et de la déshumanisation. Textes de: David Arnold; Cyprian Blamires; Karel Bosko; Marcel Cottier; Gérard Danou; Frank Dikötter; Max Engammare; Jean-Claude Favez; Yasmina Fœhr-Janssens; Laurence Guignard; Timothy Harding; Mark Hunyadi; Romano La Harpe; Arielle Meyer; Alessandro Pastore; Michel Porret; Beat Rüttimann; Fernando Vidal; Jean Wirth.