Renaissance
-
La question de l’hébreu à Genève et la personne de Jean Calvin sont liées, quoique peu étudiées. Il s’agissait donc de conduire l’étude et de dresser un inventaire de l’hébreu dans le livre imprimé genevois au XVIe siècle. Après que Lyse Schwarzfuchs avait publié Le livre hébreu à Paris au XVI e siècle (2004) puis L’hébreu dans le livre lyonnais au XVI e siècle (2008), elle était la mieux à même pour parachever l’enquête en terres francophones et réaliser un triptyque aussi utile que précieux.
Les ouvrages comprenant des caractères hébreux recensés aussi bien à Paris qu’à Lyon avaient essentiellement révélé le désir de diffuser grâce à l’Hebraica veritas un hébraïsme catholique. Avec le début de la Réforme, l’Hebraica veritas devient un enjeu dans la controverse entre catholiques et adhérents de la Réforme, c’est ce qui apparaît clairement dans l’édition genevoise, dont Calvin est l’initiateur.
Lyse Schwarzfuchs s’est donc efforcée de décrire un corpus de cent trente ouvrages comportant de l’hébreu et ayant paru à Genève : livres entièrement en hébreu, dont le catéchisme de Jean Calvin, mais également des ouvrages comportant des pièces en vers, des citations ou une devise, voire quelques mots isolés. Elle présente et commente, dans une introduction importante, une liste documentée des auteurs, imprimeurs, dédicataires, en majeure partie des exilés venus de France, qui ont marqué cette production. Elle recense également les types de caractères hébreux utilisés. Cet ouvrage constitue désormais un outil de travail indispensable.
-
S’il ne résistait pas aux nouvelles sensationnelles diffusées par les libelles qu’il collectionnait, Pierre de L’Estoile, Grand audiencier au parlement de Paris, ne marquait pas moins un goût comparable pour l’observation de l’actualité et les curiosités de la vie politique de Paris. La période abordée par ce premier volume du Registre-journal du règne de Henri IV couvre les années 1589-1591. L’auteur ouvre son récit sur les conséquences du régicide et les circonstances du siège militaire de la capitale jusqu’à la fin de l’année 1591 avec la reprise en main de la ville par le duc de Mayenne. Au gré des événements qui bouleversent les représentations traditionnelles de l’ordre social et judiciaire, mais avec une lucidité particulière, L’Estoile nous dévoile un univers dangereux et sectaire. La cité ligueuse, plongée dans le chaos, forme un monde clos, travaillé par la peur, les inimitiés, l’opportunisme et les ambitions déçues.
Ce diaire, établi conformément aux manuscrits originaux, se caractérise par son exceptionnelle richesse située à la croisée des savoirs les plus variés. Il justifie la démarche interdisciplinaire de l’édition, à laquelle participent des spécialistes en histoire, en littérature et en lexicographie.
-
Philippe Glardon relève un événement particulier et largement mésestimé de l’histoire du regard qu’a posé l’homme sur la nature : la parution, en l’espace de trois décennies, entre 1530 et 1560, de dizaines d’ouvrages d’histoire naturelle inédits, alliant de riches descriptions d’espèces végétales et animales à des centaines de gravures originales.
Sur la base de ce constat, il analyse le contexte d’élaboration de ces ouvrages, rédigés le plus souvent en latin, et de leurs traductions. Leur dette envers les textes antiques est départie de l’héritage de la culture médiévale. La problématique du lexique et de la syntaxe des langues antiques comme vernaculaires est étudiée, ainsi que considérés les destinataires respectifs des diverses versions.
L’examen méthodique de La nature et diversité des poissons de Pierre Belon, retranscrite en annexe, et de sa version latine, sert de fil conducteur à l’analyse et amène l’auteur à tirer un bilan novateur sur les v©ritables objectifs de l’histoire naturelle au XVIe siècle, laquelle reflète de manière complexe les interrogations humanistes sur la place de l’homme au sein de la création, en un moment d’effervescence dans l’histoire religieuse et intellecuelle de l’Europe.
-
En s’appuyant sur la culture humaniste et historique des robins du XVIe siècle, Marie Houllemare étudie « l’esprit » d’une institution, c’est-à-dire la manière dont des acteurs l’animent en faisant jouer principes et pratiques institutionnelles. Il s’agit de saisir, à travers les paroles et les écrits des gens de justice, l’art qu’ils déploient à des fins d’établissement de l’autorité et de la légitimité du parlement, dans le dialogue avec le monarque et les avocats. L’usage des catégories rhétoriques permet d’appréhender l’histoire politique, judiciaire et sociale à travers la mise en scène autoréférentielle des gens de justice quand ils cherchent à convaincre un public dans une prise de décision. Ils mettent en œuvre des modèles politiques variés : le parlement est tour à tour considéré comme un sénat, comme un théâtre, comme un temple de justice ou encore comme un forum. Dans ces multiples représentations, le parlement, dont l’activité vise au maintien de la concorde sociale, participe activement de la mise en scène rituelle de l’État moderne.
-
-
Le monde est une scène, la vie est un drame : la métaphore du théâtre du monde est l’une des plus triviales qui se trouvent. Elle s’insinue jusque dans le vocabulaire, par exemple dans le mot « personne », dérivé du latin persona signifiant « masque », puis « personnage » de théâtre. Le théâtre fournit donc à la théorie un certain lexique, ainsi qu’un véhicule métaphorique qui se révèle opératoire dans de nombreux domaines, par exemple en rhétorique, en éthique ou en métaphysique. Comment la formalisation de l’objet esthétique qu’est le théâtre a-t-elle pu influencer la théorisation de problèmes abstraits et complexes, tel celui de l'action humaine ? En leur offrant un modèle analogique et artificiel, comme on le verra en inventoriant les formulations et usages métaphoriques du drame de la vie de l’Antiquité au XVIIe siècle, notamment chez certains auteurs décisifs comme Cicéron, Plotin, Thomas More, Montaigne, Shakespeare ou Calderón. Si l’étude de cette métaphore contribue à l’écriture d’une histoire dramatique de notions comme la « personne », elle permet réciproquement d’établir l’histoire philosophique des mots du théâtre, comme l’acteur, le personnage, le poète, la scène ou le spectateur. Les références métaphoriques au théâtre dessinent ainsi en creux une théorie du théâtre qui vient compléter de façon souvent originale les sources « directes », Poétiques et Arts de l’acteur. Loin d’être une figure de style figée, la métaphore ouvre des perspectives nouvelles dans chacun des deux champs qu'elle rapproche : elle établit un dialogue entre réflexion théorique et expérience dramatique, entre Socrate et Shakespeare.
-
De toute l’œuvre de l’humaniste écossais Georges Buchanan, la paraphrase poétique des psaumes de David a reçu la plus grande attention de son auteur, qui en a fait le travail d’une vie. Extraordinaire par l’habileté et la variété métriques, ainsi que par l’intelligente fidélité au texte sacré, ce chef-d’œuvre est à la fois un discours de dévotion chrétienne, bâti sur l’érudition théologique, et une excellente illustration de la poésie néo-latine, démontrant un talent po©tique du premier rang et une appréciation sensible des auteurs classiques.
Roger Green donne l’édition critique du texte intégral de la paraphrase, une traduction anglaise totalement nouvelle et un commentaire concis, mais circonstancié notamment ur les questions que pose chaque poème. Son introduction examine inter alia les procédés de composition, l’histoire de la publication des psaumes versifiés, la vie de Buchanan et les conséquences de l’Inquisition portugaise, l’héritage classique dans sa poésie comme sa réception à travers l’Europe, durant quatre siècles.
-
Continuation succincte du Tristan en prose, s’inscrivant dans l’intervalle qui va de la naissance de Tristan au remariage de Méliadus avec la fille du roi Hoël, le Roman de Meliadus (1235-1240) est une œuvre demeurée ouverte, en raison de son inachèvement autant que par le dialogue constant qu’il instaure avec les autres romans arthuriens. S’il revendique sa filiation et assume son statut de récit puîné, les réminiscences qu’il exhibe masquent aussi les gauchissements, les infléchissements qui lui permettent de faire du neuf avec du vieux. C’est ce jeu que Barbara Wahlen étudie et montre à voir, non seulement dans le Roman de Meliadus proprement dit, mais également dans trois de ses relectures, qui actualisent et renouvellent la signification du roman en profondeur. La première est une continuation de la toute fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle qui est aujourd’hui conservée par le seul manuscrit Ferrell 5. La deuxième actualisation retenue est celle qu’offre Meliadus de Leonnoys, l’imprimé publié en 1528 par Galliot du Pré, fruit d’un minutieux travail de découpage et de remontage. La dernière enfin est l’extrait paru en 1776 dans la Bibliothèque Universelle des Romans.
-
-
Ces actes sont le produit de deux rencontres qui ont lieu à Bordeaux et à Caen en 2006, en parallèle avec l'exposition Splendeur de Venise, qui fut successivement présentée dans les musées des Beaux-Arts de ces deux villes. On y a rassemblés de nouvelles recherches sur les tableaux et les dessins réunis à cette occasion, et, plus généralement, sur les peintures vénitiennes de la Renaissance conservées en France. D'autre part, on a voulu étudier la façon dont les théoriciens, les peintres et les amateurs français du XVIIe au XIXe sécle, ont considéré la peinture vénitienne, dans le cadre de la littérature artistique de l'époque (Félibien et de Piles, en particulier) et des débats de l'Académie de peinture et de sculpture. Enfin, lors de la session qui s'est tenue au musée de Caen, on s'est interrogé sur la place des Vénitiens dans le marché de l'art et les collections en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment dans la collection royale, ainsi que sur la provenance de certains tableaux conservés dans les collections publiques françaises.