Renaissance
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Si Agrippa d’Aubigné représente pour la postérité l’auteur à contre-courant des Tragiques, il était reconnu par ses pairs comme l’un des poètes de la fin du siècle chantant l’amour ou maniant la satire dans l’esprit du temps. Les manuscrits conservés à Genève réunissent un ensemble remarquable de poèmes profanes dont certains connurent une diffusion autonome avant d’être pensés sur le tard comme un recueil répondant au nom de Printemps. Dans la continuité de l’édition critique du Printemps, parue en 2019, ce livre entend remettre à sa juste place un corpus encore méconnu, longtemps desservi par une publication parcellaire, étouffé par l’œuvre albinéenne elle-même et minoré, de surcroît, par une histoire littéraire frileuse. De la fabrique du recueil à celle du texte, des sociabilités littéraires aux modèles d’écriture, des identités féminines à la représentation de soi, de la fureur de l’amant au rire de l’auteur, il espère embrasser, dans sa diversité déconcertante, l’expression poétique de « l’amoureuse rage ».
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SOMMAIRE
Romain MENINI, Introduction
Luigi-Alberto SANCHI, Guillaume Budé et la littérature grecque : lecture humaniste et usages philologiques
Christine BÉNÉVENT, Défense et illustration de la langue grecque dans L’Institution du prince de Guillaume Budé
Romain MENINI, Du nouveau sur la bibliothèque de Guillaume Budé (à propos de deux aldines annotées)
Jean-Marie FLAMAND, Modestissimus eruditissimus : l’enseignement de Jacques Tusan, dit Toussain, premier lecteur royal de grec en 1530
Claude LA CHARITÉ, Rabelais et l’ionien. À la recherche de la langue originelle d’Hippocrate
Nicolas SOUHAIT, εἰς κελτικῆς γλώσσης Ἀπολογίαν : Dorat et la défense (1549-1550). Autour de quelques poèmes à Du Bellay et Ronsard
Olivier PÉDEFLOUS, Græca munera : Dorat, l’hellénisme et le don des livres
Philippine AZADIAN, Adrien Turnèbe à l’œuvre : typographie et enseignement au service de la philologie
Lorenzo CITRARO, Un cours d’Adrien Turnèbe sur le pseudo-platonicien Axiochos d’après un exemplaire annoté (BnF, RES-R-727)
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Homo mirabilis ! En contemplant des fillettes au visage velu, des nains, des géants, des momies, des squelettes, organes, ou calculs pierreux, qui niera que l’humain n’ait sa place parmi les curiosités ? Les « raretés de l’homme » font le bonheur des collectionneurs, pour le plaisir du spectacle ou de l’enquête savante. Entre stupeur et découvertes perplexes, le trouble produit par ces singularités modèle les discours pour négocier la frontière avec l’animalité, la proximité avec la sauvagerie, la question de l’infra-humanité, les porosités entre masculin et féminin, le rapport au passé des géants et la génération incongrue de corps étrangers.
Souvent oublié des travaux sur les naturalia, l’homme entendu comme objet de collection méritait une étude des représentations qui croise textes et images. Prise dans le « connais-toi » d’une anthropologie en devenir, la culture écrite et visuelle de la curiosité cherche en effet à penser l’humain en ses formes exceptionnelles dans les premiers « musées de l’homme » des XVIe et XVIIe siècles.
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Sommaire : ARTICLES – F. BARBIER, « L’éthique luthérienne et les bibliothèques (1517-1572) » ; A. CULLIÈRE, « L’Hymne sur la justice de Metz de Louis des Masures (1558). Texte et contexte » ; Ch. SENARD, « L’inspiration poétique garante de l’intégrité morale du poète dans les Poemata de Pietro Crinito (1474-1507) » ; R. RAMIS-BARCELó, « Dante Alighieri e i giuristi del Rinascimento » – NOTES ET DOCUMENTS – G. BERTHON et J. BICHÜE, « L’épître de Tohibac Ouassou à Fran§ois Ier. Un témoignage poétique précoce des ambitions françaises au Brésil (1539 ?) » ; A. CELY VELASQUEZ, « Les Arts Libéraux du duc de Montefeltro et leur emplacement » ; A. GODERNIAUX, « La plume d’Henri III. La contribution de Jacques Day Du Perron à la harangue d’ouverture des États généraux de Blois (16 octobre 1588) » ; S. HELLIN, « Louise Labé : signature, patronyme et identité » – IN MEMORIAM – F. LESTRINGANT, « Madeleine Lazard (1921-2022) » – COMPTES RENDUS.
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La publication du Tombeau de Scévole de Sainte-Marthe se justifie, autant que par son contenu, par un souci de fidélité à Scévole lui-même, aux organisateurs de l’ouvrage et particulièrement à Abel, qui s’est voulu le continuateur de son père, enfin aux collaborateurs et au public du XVIIe siècle, pour qui l’œuvre complète d’un écrivain devait comporter un Tombeau.
La présente édition reproduit celle de 1630, avec une introduction contenant un catalogue des contributeurs du recueil. En effet, outre le portrait de Sainte-Marthe qui apparaît au fil des 144 pièces que comporte l’ouvrage, c’est peut-être la qualité des quatre-vingt-trois collaborateurs qui fait l’intérêt principal de celui-ci. Parmi les parents et compatriotes du défunt, plusieurs grands personnages de l’État et une vingtaine d’avocats au parlement de Paris, émergent des hommes tels que Daniel Heinsius, Hugo Grotius, Urbain Grandier, Fédéric II Morel, Théophraste Renaudot, Nicolas Richelet et quatre futurs membres de l’Académie française. C’est dire que le recueil donne une image de la génération intellectuelle qui a succédé à Scévole de Sainte-Marthe en continuant de l’admirer.
L’édition des Œuvres complètes de Scévole de Sainte-Marthe est établie par Jean Brunel, ancien Professeur à la Faculté des Lettres de Poitiers, avec la collaboration de Pierre Martin, Professeur dans la même Université.
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Le cinquième tome des Mémoires-Journaux du règne de Henri IV couvre les années 1604 à 1606, riches en événements qui menacent la stabilité du royaume (tentative d’assassinat du roi, affaire Lhote, retour des jésuites). Sur la scène internationale, le complot des Poudres en Angleterre, le conflit entre Venise et la papauté et les ingérences espagnoles dans le royaume accentuent encore le sentiment d’insécurité générale. Parallèlement à ces dangers, L’Estoile enregistre aussi le décès d’amis et de proches et consigne avec un soin tout particulier les calamités qui affligent les contemporains (crimes, monstres, dérèglements météorologiques…). Mais sous l’influence de la lecture de Montaigne, le Journal se constitue peu à peu en lieu de recentrement sur les activités quotidiennes du diariste, lecteur et collectionneur (livres, médailles, estampes, monnaies), dont les achats, prêts et échanges, renseignent sur sa méthode de travail et l’organisation de sa bibliothèque.
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TABLE DES MATIÈRES
CONVENTIONS BIBLIOGRAPHIQUES ET ÉDITORIALES
INTRODUCTION
L’histoire-jugement : essai de définition
Écrire et juger l’histoire
Le conseil, « note fondamentale » de l’histoire-jugement
La vérité de l’histoire-jugement
PREMIÈRE PARTIE. Historia magistra prudentiae. Nécessité de l’histoire-jugement sous le règne de François Ier
PROLOGUE : Jeux d’ombres
CHAPITRE PREMIER : Le conseil, « note fondamentale » de l’histoire-jugement
Le « privé » au coeur de la décision politique
Le conseil, pratique et culture de gouvernement
Le conseil, le jugement et l’action dans la pensée de la prudence
Du jugement du conseiller à la « discrétion » de l’historien-juge
Historiographie et représentations des conseils
Le conseil à la jonction de l’éloquence et de l’ars historica
Rhétorique et raison politique : les « concions » ou la mise en discours des conseils
« Concions et privés discours » : vérité des conseils, franchise de l’historien
Autour de Plutarque et Lucien : franchise et discrétion de l’historien
Limites de l’hypothèse foucaldienne d’une parrhêsia anti-rhétorique et orale
Comprendre la parrhêsia par ses effets : la franchise est ce par quoi « brille » la vérité
Comprendre la parrhêsia par ses causes : « discrétion » du conseiller et de l’historien
CHAPITRE II : L’histoire contre mauvaise fortune
L’historien-juge, litteratus : l’utilité de l’histoire, une invention humaniste ?
Élever l’histoire par la rhétorique
« Restituer » l’histoire comme maîtresse de prudence
L’historien-juge, illitteratus : l’histoire comme expérience politique
Le modèle césarien
Enseignements de Commynes
L’historien-juge, « personne suffisante et digne » : l’historiographie à la croisée d’ambitions humanistes, nobiliaires et royales
« Les vaincus éclairés par la modestie » : Pavie et les lumières de l’histoire
« Apprendre son rôle » à la noblesse
L’honneur des armes et des lettres
Annexe 1. Paul Émile de Véronne, préface au De rebus gestis francorum
Annexe 2. Jacques Colin, épître dédicatoire à la noblesse de France
CHAPITRE III : L’épée, la plume et les corneilles. Mythes et mystères de Langey
Le mythe Langey, ou les visages d’un idéal
Mars et Minerve
Prudence et Fortune
Défaire le mythe
Histoire d’une histoire
La carrière de Langey : agir, donc écrire
La composition des Ogdoades : Langey maître d’oeuvre
La publication des Ogdoades : problèmes et hypothèses
Annexe 1. Pietro Aretino à Guillaume Du Bellay, 25 août 1541
Annexe 2. Tombeaux poétiques de Guillaume Du Bellay
Annexe 3. Tombeau de Guillaume Du Bellay, cathédrale du Mans
DEUXIÈME PARTIE. Empreintes et fragments. Langey en ses Ogdoades
PROLOGUE : Des visages de Langey
CHAPITRE IV : Les Ogdoades au coeur d’une réflexion collective sur l’historiographie
Culture et formation de Langey
Dolet historiographe
Jean Du Bellay : fragments d’une histoire-jugement
Sleidan : le regard du juriste
Rabelais ou l’histoire véritable
Annexe. Sleidan, « Praefatio »
CHAPITRE V : Une révolution historiographique. Le Prologue des Ogdoades
«Diligence » et « discrétion » de l’historien-juge
« Hystoire » contre « croniques »
Langey : « prebiteur » ou « prerepteur » ?
Une féconde indétermination générique
Annexe. Guillaume Du Bellay, Prologue des Ogdoades
CHAPITRE VI : Ulysse historien. La mise en oeuvre du projet des Ogdoades
«Débattre les causes et motifs des choses »
Les fragments latins : petites fautes et grands effets
L’Epitome : la raison dans le mythe
Les fragments français : comment le « feu » vient aux princes
L’expression du jugement des acteurs de l’histoire
Conseils précipités, conseils mesurés
Colères et expostulations
Paroles aux princes
Mémorialiste, avocat ou historien du roi ? La toile de Langey
« Ces memoires » : Langey, Je, Moi et la famille
La vérité des situations, ou la prudence vive
Haine, faveur et franchise
TROISIÈME PARTIE. L’art et l’inconvénient de « se mêler d’histoire »
PROLOGUE : Après les Ogdoades
CHAPITRE VII : Troubles dans les genres historiques
Développements de la méthode
L’ombre de Langey, dans celle de Commynes
Infortunes de Paul Jove
Fortunes de Langey
« Ce temps calamiteux des guerres civiles »
Les Du Bellay en une paix « Malassise »
Monluc : métamorphose d’une « remonstrance » en « commentaires »
Contours génériques et sociaux des Mémoires d’épée
Genres, limites, transgressions
Le regard de l’historien-juge
Histoires de famille
Annexe. Anonyme, Martin Du Bellay Seigneur de Langey preste serment de Chevalier de St Michel en 1555
CHAPITRE VIII : Ordre et désordres dans l’écriture du « commentaire »
« Le vent et la tourmente vint » : conseils et « hazards » de la guerre dans les Mémoires de Martin Du Bellay
La représentation des conseils : de la prudence à l’effroi
« Mais autrement en advint » : défaites et mauvaise fortune
L’écriture du désordre
Les voies de la vérité dans les Commentaires de Monluc
Le discours du professionnel : une question de maîtrise
À César, ce qui est à César : le discours sur les causes dans les Commentaires
Le bûcher des vanités : stratégies rhétoriques et ethos du parrhèsiaste
CHAPITRE IX : « Faits et dits » de soldats. La militarisation de l’histoire-jugement
Les « dits », ou l’éloquence de l’épée
La conformité du style au caractère
Les « dits » militaires
Les « petits faits », ou les limites de la prudence
Prudences bornées
Batailles et détails
À qui s’adressent les Mémoires et les Commentaires ?
ÉPILOGUE : Montaigne, « lecteur studieux et diligent » de Langey
Les Essais, l’histoire-jugement sans l’histoire
Du discours sur l’histoire à « l’histoire de ses moeurs et actions »
Le refus d’écrire l’histoire contemporaine
L’ombre de Langey dans les Essais
Montaigne vs. Langey : expérience et parrhêsia
Montaigne vs. Bodin : comment se mêler d’histoire sans être un « excellent historien »
Un emprunt au Prologue des Ogdoades dans les Essais (I, 5)
La « discretion » de Montaigne, ou comment se passer des « effets »
Des « effets » aux Essais
Juger les hommes : bassesse et excellence de la « discretion » montaignienne
«Comme un voisin, comme un arbre »
CONCLUSION: L’histoire au futur
Un « moment Guillaume Du Bellay » : le mythe du bon conseil sans effets
«Dire sur ce qui peut advenir »
Moi ou Je
Le poids des circonstances
BIBLIOGRAPHIE
Sources primaires
Sources secondaires
INDEX
La littérature renaissante accorde une place forte à l’histoire-jugement, soit l’histoire écrite du point de vue de ses acteurs, qui mêle témoignage et commentaire, méditation humaniste sur la fortune et réflexion politique sur les conseils et leurs effets. L’entourage de François Ier espéra que son règne serait ainsi raconté par un Thucydide ou un César français, rôle qui échut à Guillaume Du Bellay, seigneur de Langey (1491-1543).
Si ses Ogdoades inachevées furent le fruit d’une réflexion collective (associant Rabelais, Jean Du Bellay, Sleidan), elles sont pourtant profondément originales, comme le révèle l’analyse du Prologue (ici édité) et des fragments des Ogdoades. Leur influence se donne à lire chez Bodin et, plus encore, chez Martin Du Bellay et Blaise de Monluc, tous héritiers de la méthode de Langey. L’ombre de Guillaume Du Bellay s’étend enfin sur les Essais de Montaigne qui, tout en refusant d’écrire l’histoire, la commente en « diligent lecteur » – selon le mot de Langey.
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TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Introduction. Négocier la paix et les réformes. Quelle histoire des discours ?
Première partie.
Les remontrances : un genre de discours spécifique ?
Chapitre premier. Un genre hybride
Définitions de remonstrer et remonstrance
Les usages du verbe remonstrer
Les usages du substantif remonstrance
L’origine parlementaire des remonstrances
Les traces de l’origine parlementaire dans les remonstrances
Chapitre II. Remontrances orales et écrites
Un discours oral ?
De l’oral à l’écrit, du manuscrit à l’imprimé
Temporalités : itinéraires de remontrances
Les éditeurs et le public
Le travail des imprimeurs
Chapitre III.
Présentation du corpus
Les rédacteurs
Des constantes littéraires ?
Banalités et particularités
Une nouvelle chronologie des guerres civiles ?
Deuxième partie.
Un moyen de gouverner, un moyen de contester
Chapitre IV.
Le roi, destinataire principal
Les adresses au roi
Éloges du roi et actes de fidélité
Le pouvoir du roi : urgence, espoir, risque et menace
Les réponses du roi : le problème de l’efficacité des remontrances
Chapitre V.
Les remontrances comme moyen de gouverner
L’expression de la volonté du roi
Le bon gouvernement, le serment et les ancêtres
Une monarchie chrétienne
Chapitre VI.
La situation critique du royaume
La désolation de la France aux « quatre coins et au milieu »
Les ennemis : l’hérétique, le politique et l’étranger
Violence des remontrances
Troisième partie.
L’émergence d’une « société ouverte » ?
Chapitre VII.
La représentation de la société
Le droit des autorités constituées
Procédures de délégation et représentativité
Les voix isolées : représentation spontanée et auto-proclamation
Chapitre VIII.
La défense du peuple : une société ouverte « bien ordonnée »
La société ordonnée : l’obéissance du peuple
Protéger le peuple affligé : peuple, officiers et soldats
Trois doléances : impôts, justice et paix
La défense des intérêts particuliers
Chapitre IX.
La « reformation » du royaume
Les conditions de la réformation : rejet de la violence et parrhesia
Les objectifs : union, concorde et amitié des Français
La réformation de l’État : la « monarchie de conseil »
Une France « au vray chrestienne »
Conclusion
Annexes
Catalogue des remontrances imprimées, 1557-1603
Sources
Bibliographie
Index nominum
Un grand nombre de textes imprimés intitulés « remonstrances » paraissent en France pendant les conflits politiques et religieux de la fin du XVIe siècle. Mais que sont ces remontrances, dès lors que l’on sort de l’enceinte parlementaire ? En quoi se distinguent-elles des doléances, des requêtes, des harangues, des suppliques, des plaintes, etc. ? Sont-elles caractéristiques d’un seul camp confessionnel ? En cherchant à distinguer ce genre hybride, entre écriture et oralité, cette étude montre que les remontrances révèlent une face cachée de cette période de troubles. En effet, loin de la violence souvent mise en valeur, elles soulignent au contraire l’importance des discours de paix et de justice en temps de guerre, mais ausi la permanence des négociations discrètes en vue de la réforme de l’Église et de l’État. Elles font finalement apparaître une autre chronologie de ce que l’historiographie a retenu sous le terme de « guerres de religion ».