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Le geste de l’adieu est récurrent dans la poésie du Moyen Âge. Il n’avait cependant jamais fait l’objet d’une étude d’ensemble appliquée à cette période. De fait, ce choix n’est pas arbitraire, car le millénaire médiéval, dominé par l’idée chrétienne que notre vraie patrie n’est pas ce monde, envisage l’adieu tout différemment de l’Antiquité et de la période moderne. Cette dernière, renouant avec l’idée gréco-romaine que l’exil est pire que la mort, va en effet à nouveau lier la question de l’adieu au regret, puis à son corollaire, ce sentiment nouveau qu’est la nostalgie. Au Moyen Âge, au contraire, on part le plus souvent sans espoir de retour et ce sont les diverses variations sur ce thème, de Fortunao à Villon, en passant par les troubadours, les auteurs des Congés d’Arras, Eustache Deschamps et bien d’autres poètes français et latins, que ce livre s’est donné pour tâche de mettre en lumière, dévoilant la fécondité d’un geste qui a su inspirer aux auteurs du Moyen Âge quelques-uns de leurs plus beaux accents.
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Le trickster, ou fripon divin, qui joue des bons tours et nargue la société, est un personnage récurrent des traditions littéraires européennes. Il est bien représenté dans le domaine français médiéval : Tristan, Renart et Pathelin ont ainsi passé les siècles en amusant petits et grands, alors que ce sont davantage les situations que le nom des héros qu’a retenues la tradition des fabliaux. Les deux contes à rire ici édités nous en présentent des spécimens bien contrastés : au boucher d’Abbeville, qui ne cherche qu’à se venger des mesquineries qu’il a subies et qui illustre l’expression « l’occasion fait le larron », s’oppose Trubert, dont les tours, souvent ignobles et gratuits, trahissent une propension innée à faire le mal. L’opposition des deux textes est également formelle : alors que Le Boucher d’Abbeville est un fabliau tout à fait typique, ne narrant qu’une anecdote brève, Trubert est, avec ses nombreux épisodes, un véritable petit roman comique qui anticipe le genre picaresque. Les deux récits se complètent ainsi pour donner un aperçu représentatif du thème de la ruse dans la littérature facétieuse du Moyen Age.
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Table des matières
A. Corbellari, Y. Greub, M. Uhlig, « Hommage à Gilles Eckard » ; « Bibliographie de Gilles Eckard » ; L. Barbieri, « De Grèce à Troie et retour. Les chemins opposés d’Hélène et Briséida dans le Roman de Troie » ; J.-P. Chambon, « Ancien occitan Bedos (Flamenca, vers 7229) » ; O. Collet, « Les ‘‘ateliers de copistes’’ aux XIIIe et XIVe siècles : errances philologiques autour du Chevalier qui faisait parler les cons » ; A. Corbellari, « ‘‘Hé ! las, com j’ai esté plains de grant nonsavoir’’ : les aventures d’un mot, de Georges Bataille à Rutebeuf » ; Y. Foehr-Janssens, « Amour, amitié et druerie : grammaire des affinités électives dans le récit médiéval » ; M. Halgrain, « ‘‘Oëz, seignurs, ke dit Marie’’ : autour de quelques indices de “l’affaire Marie de France” qui en leur temps furent oubliés » ; A. Kristol, « Stratégies discursives dans le dialogue médiéval. ‘‘He, mon seignur, pour Dieu, ne vous desplaise, je suy tout prest yci a vostre comandement.’’ (ms. Paris, BnF, nouv. acq. lat. 699, f. 123r) » ; Z. Marzys, « Personne : du nom au pronom » ; P. Ménard, « La philologie au secours de la littérature : le sens d’un vers de Villon » ; P. Nobel, « L’Exode de la Bible d’Acre transcrit dans un manuscrit de l’Histoire ancienne jusqu’à César » ; G. Roques, « Afr. mfr. pautoniere, bourguignon et comtois pautenére, comtois pantenire » ; S. Schaller Wu, « Noire merveille : corneilles et corbeaux nécrophages. D’encre et de plumes » ; P. Schüpbach, « L’expression du souvenir dans les lais de Marie de France » ; R. Trachsler, « Conrad von Orell, lecteur de fabliaux (1830) »; M. Uhlig, « Le texte pour tout voyage : la construction de l’altérité dans le Livre de Jean de Mandeville »; F. Zufferey, « Quand Chantecler s’en allait faire poudrette ».tte ».
Que l’analyse de la littérature puisse être conditionnée par la linguistique, nous le savons depuis longtemps, mais qu’elle entretienne des liens non moins étroits avec la philologie, nous avons parfois eu tendance à l’oublier. Et pourtant la philologie n’est-elle pas soeur de la linguistique ? N’est-elle pas elle-même une linguistique parmi d’autres possibles ? Les temps sont aujourd’hui révolus où l’on pouvait triomphalement opposer à une linguistique synchronique conquérante une philologie adossée à une diachronie réputée obsolète. Car s’il n’est sans doute d’histoire que structurale, il est encore bien plus certain qu’il n’est de structure qu’historique. Lire le texte médiéval, dans toutes ses implications littéraires, à la lumière d’un savoir philologique revivifié et d’une linguistique exigeante, telle a été la leçon que, durant un quart de siècle, Gilles Eckard n’a cessé de professer à l’Université de Neuchâtel. Son enthousiasme sans cesse renouve éclairant plusieurs générations d’étudiants dont aucun n’est resté indifférent à un enseignement chaleureux, empathique et profondément humaniste, a su réconcilier la science de la langue et l’amour de la littérature. Edité par ses élèves et ses proches, le présent recueil entend rendre hommage par l’exemple à Gilles Eckard. La pluralité des sujets n’empêche pas l’unité de l’esprit dans lequel on en a tenté l’approche : du détail linguistique à la totalité textuelle, la philologie, servante moins humble qu’il n’apparaît à première vue, permet à la littérature médiévale de rayonner dans nos consciences d’aujourd’hui.
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La postérité retient de Romain Rolland qu’il fut une figure emblématique du pacifisme et de l’idée européenne. Plus méconnue, sa contribution majeure à la musicologie témoigne cependant de sa véritable passion, la musique : « La musique m’a tenu par la main, dès mes premiers pas dans la vie. Elle a été mon premier amour, et elle sera, probablement, le dernier ».
Cette dévotion à la musique dont est empreinte l’ensemble de son œuvre fournit la trame de son plus grand succès populaire, Jean-Christophe, où Romain Rolland retrace, tout le long d’un « roman-fleuve », l’histoire d’un compositeur, dans laquelle on voit poindre la figure admirée de Beethoven. De fait, la musique infléchit l’ensemble de son œuvre. Fondateur de la musicologie française, artisan de la redécouverte de l’opéra baroque, ardent défenseur de la musique du début du XXe siècle, Romain Rolland fut sans doute, avec Rousseau, le plus profondément musicien de tous les écrivains français. Il convenait donc de réévaluer la singularité de son projet esthétique à l’aune de la conjugaison de ces deux arts auxquels Romain Rolland a voué sa vie entière : la littérature et la musique.
C’est précisément l’ambition de Les Mots sous les notes que de retrouver le mouvement, proprement symphonique, d’une œuvre et d’une vie qui restent exemplaires d’un désir de communion fraternelle dont « L’Hymne à la Joie » de Beethoven a en définitive toujours constitué, pour Romain Rolland, la suprême expression.
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Le présent volume réunit les conférences plénières et une sélection de contributions choisies parmi les plus intéressantes et les plus représentatives des quatre axes de recherche proposés pour le XIIe Congrès de l’International Courtly Literature Society qui s’est tenu aux Universités de Lausanne et de Genève du 29 juillet au 4 août 2007. Rassemblant des chercheurs d’horizons intellectuels divers, réunis par leur intérêt commun pour la culture courtoise, le volume permet de confronter, dans leur actualité la plus immédiate, les différentes approches de la recherche sur l’art, la littérature et l’histoire du Moyen Age. Son propos, résolument interdisciplinaire, consiste à identifier les problèmes que suscite la notion de mythe, que l’on comprend ici comme une manifestation artistique ou politique, par laquelle une personne ou un événement sont arrachés à la contingence historique pour être chargé d’une valeur symbolique qui leur confère le statut de modèle. Il rend aussi compte de la dimension européenne d’une civilisation en mouvement dont les échos se font entendre jusqu’au XVIe siècle. Enfin, les éditeurs entendent nourrir le débat en l’affranchissant des frontières qui séparent habituellement les domaines des études médiévales.