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La satire, peut-être plus que d’autres formes littéraires, profite considérablement de la renaissance de la culture et des lettres gréco-latines qui marque le seizième siècle. Lucilius, Perse, Horace, Juvénal et Lucien de Samosate deviennent les principaux modèles à suivre des humanistes. La satire est sans aucun doute la forme d’expression par excellence du syncrétisme de la Renaissance, lequel combine érudition humaniste et verve populaire, ambitions morales et comique parfois grossier, objectifs pédagogiques et divertissement, ou encore douceur horatienne et indignation juvénalesque. Ce sont bien ces contrastes, résumés dans la formule horatienne du ridentem dicere verum, qui donnent naissance à une écriture engagée et néanmoins esthétique. En se déliant de ses racines génériques, la satura romaine, la satire s’ouvre notamment aux textes en prose mais aussi au drame satyrique grec, aux farces et sotties médiévales ou bien au coq-à-l’âne. Ainsi s’en trouve enrichi le discours satirique qui, fondé sur la varietas et l’hybriditas, produit un véritable amalgame des traditions antique, médiévale et italienne, et se pose en technique parasitaire de tous les genres. En s’étalant du théâtre de Pierre Gringore à la Satyre Ménippée, les études éditées par Bernd Renner définissent une poétique de la satire et constituent un nouveau plaidoyer pour la satirologie.
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L’Herméneutique de la satire rabelaisienne examine l’évolution que subissent les quatre livres authentiques des Chroniques pantagruélines à l’aune des critères d’hybridité et de mélange littéraire qui identifient celles-ci comme des variantes du méta-genre de la satire. Il semble bien que la varietas de la satire à la Renaissance, amalgame de sources antiques, médiévales et contemporaines, fournisse une contribution fondamentale à la question de l’intention et de la signification du texte rabelaisien, laquelle occupe et divise la critique depuis longtemps. En particulier, il apparaît que c’est la farce, satire populaire et univoque, qui régit les deux premiers livres, alors qu’une satire subtile et polysémique prédomine dans les Tiers et Quart Livres. En somme, Bernd Renner pose que l’écrit satirique illustre le phénomène de la digestion et de l’«imitation créatrice» de modèles littéraires qui, précisément, distinguent le texte de la Renaissance.