Renaissance
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La question de l’hébreu à Genève et la personne de Jean Calvin sont liées, quoique peu étudiées. Il s’agissait donc de conduire l’étude et de dresser un inventaire de l’hébreu dans le livre imprimé genevois au XVIe siècle. Après que Lyse Schwarzfuchs avait publié Le livre hébreu à Paris au XVI e siècle (2004) puis L’hébreu dans le livre lyonnais au XVI e siècle (2008), elle était la mieux à même pour parachever l’enquête en terres francophones et réaliser un triptyque aussi utile que précieux.
Les ouvrages comprenant des caractères hébreux recensés aussi bien à Paris qu’à Lyon avaient essentiellement révélé le désir de diffuser grâce à l’Hebraica veritas un hébraïsme catholique. Avec le début de la Réforme, l’Hebraica veritas devient un enjeu dans la controverse entre catholiques et adhérents de la Réforme, c’est ce qui apparaît clairement dans l’édition genevoise, dont Calvin est l’initiateur.
Lyse Schwarzfuchs s’est donc efforcée de décrire un corpus de cent trente ouvrages comportant de l’hébreu et ayant paru à Genève : livres entièrement en hébreu, dont le catéchisme de Jean Calvin, mais également des ouvrages comportant des pièces en vers, des citations ou une devise, voire quelques mots isolés. Elle présente et commente, dans une introduction importante, une liste documentée des auteurs, imprimeurs, dédicataires, en majeure partie des exilés venus de France, qui ont marqué cette production. Elle recense également les types de caractères hébreux utilisés. Cet ouvrage constitue désormais un outil de travail indispensable.
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De toute l’œuvre de l’humaniste écossais Georges Buchanan, la paraphrase poétique des psaumes de David a reçu la plus grande attention de son auteur, qui en a fait le travail d’une vie. Extraordinaire par l’habileté et la variété métriques, ainsi que par l’intelligente fidélité au texte sacré, ce chef-d’œuvre est à la fois un discours de dévotion chrétienne, bâti sur l’érudition théologique, et une excellente illustration de la poésie néo-latine, démontrant un talent po©tique du premier rang et une appréciation sensible des auteurs classiques.
Roger Green donne l’édition critique du texte intégral de la paraphrase, une traduction anglaise totalement nouvelle et un commentaire concis, mais circonstancié notamment ur les questions que pose chaque poème. Son introduction examine inter alia les procédés de composition, l’histoire de la publication des psaumes versifiés, la vie de Buchanan et les conséquences de l’Inquisition portugaise, l’héritage classique dans sa poésie comme sa réception à travers l’Europe, durant quatre siècles.
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Ces actes sont le produit de deux rencontres qui ont lieu à Bordeaux et à Caen en 2006, en parallèle avec l'exposition Splendeur de Venise, qui fut successivement présentée dans les musées des Beaux-Arts de ces deux villes. On y a rassemblés de nouvelles recherches sur les tableaux et les dessins réunis à cette occasion, et, plus généralement, sur les peintures vénitiennes de la Renaissance conservées en France. D'autre part, on a voulu étudier la façon dont les théoriciens, les peintres et les amateurs français du XVIIe au XIXe sécle, ont considéré la peinture vénitienne, dans le cadre de la littérature artistique de l'époque (Félibien et de Piles, en particulier) et des débats de l'Académie de peinture et de sculpture. Enfin, lors de la session qui s'est tenue au musée de Caen, on s'est interrogé sur la place des Vénitiens dans le marché de l'art et les collections en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment dans la collection royale, ainsi que sur la provenance de certains tableaux conservés dans les collections publiques françaises.
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Continuation succincte du Tristan en prose, s’inscrivant dans l’intervalle qui va de la naissance de Tristan au remariage de Méliadus avec la fille du roi Hoël, le Roman de Meliadus (1235-1240) est une œuvre demeurée ouverte, en raison de son inachèvement autant que par le dialogue constant qu’il instaure avec les autres romans arthuriens. S’il revendique sa filiation et assume son statut de récit puîné, les réminiscences qu’il exhibe masquent aussi les gauchissements, les infléchissements qui lui permettent de faire du neuf avec du vieux. C’est ce jeu que Barbara Wahlen étudie et montre à voir, non seulement dans le Roman de Meliadus proprement dit, mais également dans trois de ses relectures, qui actualisent et renouvellent la signification du roman en profondeur. La première est une continuation de la toute fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle qui est aujourd’hui conservée par le seul manuscrit Ferrell 5. La deuxième actualisation retenue est celle qu’offre Meliadus de Leonnoys, l’imprimé publié en 1528 par Galliot du Pré, fruit d’un minutieux travail de découpage et de remontage. La dernière enfin est l’extrait paru en 1776 dans la Bibliothèque Universelle des Romans.
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Jean Salmon Macrin (1490-1557), poète néo-latin originaire de la ville de Loudun, valet de chambre du roi François Ier aux côtés de Clément Marot, fut considéré de son vivant comme le plus grand poète lyrique après Horace.
Nous proposons ici l’édition, la traduction et le commentaire des Hymnes de 1537, un recueil charnière dans sa carrière littéraire, qui marque le retour à une piété plus ardente et plus intimiste, témoigne d’un approfondissement de la veine familiale et réalise l’alliance du lyrisme profane et d’une pensée érasmienne. Le lecteur trouvera dans ces pièces de circonstance, odes auliques, méditations spirituelles, éloges des grands hommes de lettres, hymnes à Dieu, à la Vierge et aux saints, odes domestiques et autobiographiques, l’harmonieuse union de l’érudition, de la virtuosité métrique, d’une rhétorique affective et d’un idéal de la sincérité
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Ce deuxième tome des œuvres de Scévole de Sainte-Marthe contient ce qui fut imprimé entre les Premieres Œuvres de 1569 et les publications de 1575 (à paraître dans un troisième volume).
L’actualité des années 1569- 1573 est très présente dans le volume : troisième guerre civile, mariages de Charles IX avec Élisabeth d’Autriche puis de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre, quatrième guerre et siège de La Rochelle. D’autre part Sainte-Marthe, pourvu de l’office de Contrôleur général des Finances en Poitou, adresse des vers à ses nouvelles relations, particulièrement les « gens des finances », qui se trouvent ainsi associés à ses connaissances parisiennes. L’annotation s’efforce d’apporter des informations sur les dédicataires du poète et les auteurs de pièces liminaires, complétant notre connaissance de la société poitevine et de la vie littéraire en France dans la seconde moitié du XVIe siècle.
Plus généralement, le livre s’inscrit dans une perspective clairement iréniste : dans le dernier sonnet, l’auteur attribue à sa poésie la capacité de « tempérer le Discord » et se juge par là investi du pouvoir de faire revenir la paix ; cette signification essentielle du recueil peut être étendue à l’ensemble du contenu du tome II.
L’édition des Œuvres complètes de Scévole de Sainte-Marthe est établie par Jean Brunel, Professeur honoraire à la Faculté des Lettres de Poitiers, avec la collaboration de Pierre Martin, professeur dans la même Université.
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1593, année décisive, bouleversante même, pour la France comme pour Genève. Pour la deuxième patrie de Bèze, c'est la fin de la guerre contre la Savoie. Pour la seconde, c'est la défaite de la Ligue et le triomphe de Henri IV. Mais à quel prix, ce triomphe! Il a fallu que le roi se convertisse, pour que les ligueurs cessent de le combattre, ayant compris, par ailleurs, qu'il n'y avait pas d'autre candidat vraiment français au trône, car tous les autres étaient vendus à l'Espagne. Bèze ressentit la nouvelle de l'abjuration comme une catastrophe, mais au bout d'un mois, il comprit que c'était le prix de la paix en France. La trêve de La Villette, entre la Ligue et le roi, finit par être étendue aussi au duc de Savoie, et donc à son conflit avec les Genevois. Entre temps, la petite République à bout de ressources, envoya des agents aux Pays-Bas et dans l'Est de l'Europe pour quêter des secours. Des lettres de Bèze les accompagnaient. Des messages parvinrent en retour. Ce sont toutes les peines et les espoirs de l'Europe qui trouvent ici leur écho, sans parler des "moyenneurs" en France, que Bèze trouve très inquiétants.
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Que se passe-t-il pendant un monologue d’Hamlet ou pendant les stances de Rodrigue ? Que fait un personnage une fois seul en scène ? En considérant le vaste champ du théâtre européen au seuil de la modernité, ce livre propose une approche inédite de ces questions. Car le monologue a une histoire et la fin de la Renaissance et l’âge baroque en est l’un des épisodes fondateurs. Des œuvres théâtrales aux traités théoriques et aux dictionnaires, il s’affirme comme un procédé dramatique spécifique, avec ses formes et ses enjeux propres. Reconstituer la poétique du monologue baroque, en tenant compte des principes esthétiques qui en régissent la composition et des modalités concrètes de la représentation, conduit à remettre en question le caractère anti-dramatique souvent associé à la forme monologuée : loin d’être nécessairement une pause dans l’action, cette convention énonciative construit le rapport du spectateur à la fiction, dessine la topographie scénique et se donne comme un vecteur essentiel de l’efficacité dramatique. Surtout, le monologue devient alors un point d’ancrage d’une nouvelle dramaturgie de l’intériorité : non pas sur le mode de la révélation ou de l’expression sans médiation d’un « moi », mais sur celui de la dramatisation d’une identité ou de la représentation d’une subjectivité en acte. Au prisme de ce déplacement des termes de l’analyse, l’histoire de la représentation théâtrale rejoint une histoire des représentations et reprend à nouveaux frais la question du sujet moderne.