Renaissance
L’erreur historique consiste à ériger involontairement le fait en loi, à prendre les effets pour des causes, à ne savoir plus faire la part de l’accident qui, tenant une si grande place dans la vie de l’homme, ne peut disparaître de son histoire. On aime à parler des grands courants qui entraînent une époque. L’image est juste, mais qu’elle ne nous égare pas. Ces courants ne sont pas une sorte de phénomène fatal et mystérieux venant du dehors fondre sur l’humanité : c’est de l’humanité même qu’ils sortent. Le plus souvent on peut dire d’où ils sont nés, comment ils ont grossi, quelle main les a sinon créés, du moins élargis et dirigés, quelle autre leur a opposé des obstacles ou en a détourné le cours. Et,
alors même qu’ils semblent devenus irrésistibles, alors que la foule des humains se laisse aller passive au fil du fleuve puissant qui l’emporte, on voit parfois un homme qui, seul, le remonte d’un élan désespéré, et il n’est pas sans exemple que cet homme finisse par être suivi de tous.
En décembre 1486, Jean Pic de la Mirandole publiait ses Neuf cents thèses. Alerté sur le caractère provocant de ces thèses, le pape Innocent VIII, après avoir convoqué une commission de théologiens et engagé une procédure inquisitoriale, condamna au feu l’ensemble des thèses pichiennes. Probablement à la demande du pape, l’un des membres de la commission théologique, Pedro Garsia, expliqua les motifs qui avaient conduit à la condamnation de treize des thèses de Pic. Ces Déterminations magistrales, parues en octobre 1489, sont essentielles à la compréhension des termes du débat théologique et philosophique engagé par Pic. Garsia en consacre plus d’un tiers à la seule réfutation de la thèse de Pic selon laquelle « il n’est pas de science qui nous assure davantage de la divinité du Christ que la magie et la kabbale » ; c’est dire l’importance de cette question. On trouvera donc ici la transcription et la traduction française de cette importante détermination sur la kabbale et la magie, précédées d’une introduction qui en précise les termes et les enjeux.
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En Espagne, le développement de l’histoire des femmes, dans les années 1980, est contemporain des profonds changements qui ont affecté la sociét© après l’avènement de la démocratie. Aux lendemains de la Transition, les revendications féministes ont porté, tout particulièrement, sur l’accès au marché du travail et sur la reconnaissance de la contribution féminine à l’économie. Cete concomitance contribue à expliquer que l’attention des historiens se soit portée très tôt sur la place des femmes dans les activités de service et de production, qu’elles soient salariées ou pas. Sans doute l’heure n’est-elle pas encore au bilan, mais le dossier présenté dans ce numéro permet d’apprécier les progrès accomplis sur cette question. Plus qu’une évolution linéaire, c’est la variété des situations, la diversité des sources et les enjeux heuristiques de ce champ d’étude que les auteurs ont cherché à montrer.
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Signée le 3 avril 1559, la paix du Cateau-Cambrésis scelle la fin des guerres d'Italie. Le dénouement de cette lutte pour l'hégémonie en Europe entre Habsbourg et Valois, dont la domination de la Péninsule est la clé, constitue une énigme.
Après avoir été en mesure de prendre une revanche historique, le roi de France accepte un traité particulièrement défavorable. Si les troubles religieux ont rendu cet accord durable, ils n'en sont pas la cause, même si Henri II l'a proclamé pour couvrir l'abandon de nombre de conquêtes. Au terme de débats discontinus et d'une décennie de combats militaires, diplomatiques, financiers et symboliques, le roi d'Espagne remporte finalement l'avantage, surpassant son adversaire en réputation. Les deux Grands du XVIe siècle n'en ont pas moins traité d'égal à égal.
Établissant un rapport de force équilibré - même s'il est voué à évoluer -, l'accord se fonde sur des concessions propres à réconcilier les princes et conformes aux principes de la justice : il semble éteindre tout litige. Par son caractère exemplaire, il révèle les conditions et les règles d'une négociation internationale comme la permanence d'un imaginaire chrétien de la paix.
On trouvera, dans ce livre, le texte du traité du Cateau-Cambrésis.
Pourquoi, à l’automne de la Renaissance, Isaac Casaubon, intellectuel protestant, brillant et peu fortuné, décida-t-il de se consacrer aux textes grecs au point d’être salué par ses contemporains comme le meilleur helléniste de sa génération ? Quelle représentation se faisait-il de ces textes ? Comment justifia-t-il, à ses propres yeux comme à ceux d’autrui, de s’y spécialiser ? Hélène Parenty mène l’enquête sur ces questions et montre que, plus généralement, c’est la conception que l’on se fait à l’époque de l’étude des lettres – irréductible à notre moderne littérature – qui est en jeu. Grammaire ou polymathie, philologie ou “studia humanitatis” : cette science aux contours flous, peu valorisée institutionnellement, est en quête d’identité. Promouvoir le grec, à travers des discours, mais surtout des pratiques, c’est aussi en définir la discipline et lui ménager une place dans l’architecture des savoirs.
Ronsard découvre, à l’articulation de l’âme et du corps, les richesses de l’imagination, de la fantaisie humaine. L’âme incarnée vit constamment entourée d’images, qu’elles proviennent des organes des sens, du sang, du spiritus fantasticus, de la mémoire, de la fantaisie libérée de tout contrôle rationnel dans le temps du songe, des démons... L’étude conjointe du sommeil et de la fantaisie nous permet d’appréhender les œuvres du Vendômois de façon chronologique. Dans la première décennie de sa création poétique, Ronsard se nourrit dans ses œuvres de multiples images fantastiques : les visions prophétiques, les images mortes de la sorcière, les secrets du puissant Dionysos, la mélancolie amoureuse, les songes... Au début des années 1560, le poète subit une double crise, interne et externe, qui le conduit à définir une « bonne santé » de l’imagination. Attentif à ne plus accueillir dans son esprit toutes les créatures fantastiques, le poète se montre de plus en plus à l’écoute de son propre corps, ou plutôt de la saine liaison entre son corps et son âme. A mesure que la mort approche, Ronsard veille à se débarrasser de toutes les formes d’illusion qui pourraient venir perturber une si belle association. ciation.
Connu comme orateur de la cour papale, Marc-Antoine Muret (1526-1585) fut aussi un pédagogue et un philologue réputé. Publiés en 1552, à une époque où le jeune homme fréquentait les poètes de la Pléiade, ses Juvenilia précédèrent de peu son Commentaire des Amours de Ronsard. Le recueil comprend une tragédie, Julius Caesar, dix élégies, deux satires, cent sept épigrammes, trois épîtres et six odes qui illustrent les préoccupations des arts poétiques contemporains et reflètent les aspirations de la nouvelle génération. Muret exhibe sa virtuosité et son ingéniosité, mais s’inscrit aussi dans le débat sur l’éthique du pouvoir et répond aux exigences morales de l’idéal éducatif humaniste. Virginie Leroux donne une édition critique du recueil, annotée et accompagnée d’une traduction française, ainsi qu’un commentaire qui, genre par genre, identifie les sources antiques et les modèles théoriques. Elle analyse l’influence de l’émulation avec les contemporains et examine les enjeux polémiques induits par l’appartenance à une communauté poétique.