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La critique littéraire, qui aime emprunter à la peinture certains de ses termes pour décrire le phénomène littéraire, n’utilise pas, ou très rarement, l’expression « nature morte » pour désigner certains groupements d’objets qui apparaissent çà et là dans divers genres littéraires, et notamment dans le roman réaliste au dix-neuvième siècle. Existe-t-il des « natures mortes littéraires » ? Ne sont-elles qu’une simple variété de « paysage », ou d’« intérieur », un pur no man’s land de l’histoire racontée, une simple pause descriptive insignifiante sans particularités? Quelle est la spécificité de la « chose posée » dans le mouvement de la fiction ?
Le présent essai s’efforce de circoscrire le statut de la nature morte littéraire comme lieu d’une « lecture rapprochée », comme foyer du texte (elle est point de fixation du lecteur arrêté devant des objets fixes, elle concentre et polarise son attention) et texte du foyer (des objets familiers et domestiques). Elle est aussi lieu du prosaïque, du minime et de l’intime, lieu d’une fascination-répulsion à l’égard de l’inventivité concurrente du kitsch et de l’ersatz, lieu d’une réflexion sur l’ordre et le désordre du monde, lieu de l’hésitation entre l’expansion de la mise en liste et la polarisation sur le « détail », lieu de manifestation d’une certaine ironie à la fois moderne et anti-moderne pour la « beauté » de certaines rencontres hétéroclites et incongrues d’objets dérisoires.
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